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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
J'aime assez le genre du récit-enquête, à mi-chemin du journalisme et de l'essai, dont l'immense Aubenas reste la référence française. Avec Laisse pas traîner ton fils, Rachid Santaki s'y essaye aussi, dans une approche bien différente.

Tout part d'un horrible fait-divers une nuit en Seine-Saint-Denis : pour une histoire mêlant racket, vengeance et appât du – petit – gain, Mathieu va subir une nuit de calvaire, enlevé, battu, torturé et enfin abandonné en rase campagne au petit matin.

Ses agresseurs ? Trois jeunes de son quartier du 93. D. le leader, M. un brin limité et S. passif inconscient, entraîné par l'effet de bande. Un meurtre ? Pas seulement. Car le lynchage a été filmé et immédiatement propagé sur les réseaux sociaux, entraînant la peur des uns et l'envie de revanche des autres.

En partant de ce fait divers survenu dans des quartiers qu'il connaît bien et avec des jeunes qu'il fréquente régulièrement, Rachid Santaki va suivre les suites du drame, de la détention des jeunes à leur procès, de leurs remords à leur mépris, de leur arrogance à leur bassesse. Et il va surtout s'attacher à suivre S., celui qui aurait pu, qui aurait dû mettre fin à tout cela ou à défaut, ne pas s'y mêler.

À travers ses rencontres et ses parloirs et sur fond régulier de références au rap français, Santaki nous redit les limites actuelles qu'offre la société contemporaine à cette génération. Rien de bien nouveau, si ce n'est que la virtualisation de ces existences, exacerbée par les jeux et les réseaux sociaux, pousse chaque jour inexorablement le degré de violence un cran plus loin. Et que les phénomènes de bandes en rajoutent une dose.

Si le propos est intéressant, la forme du livre m'aura rapidement exclu, l'auteur alternant les positionnements factuels (style journalistique) et romancés (réécriture des scènes et dialogues de fait-divers), en y ajoutant ses propres impressions, réflexions et empathies. Un cumul – certes extrêmement sincère – d'angles qui plaira à beaucoup, mais pas à moi.
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J'ai reçu ce livre pas plus tard qu'aujourd'hui, en rentrant du travail il m'attendait. (Merci aux éditions Filature(s) et à Babelio pour ce cadeau et l'occasion de rencontrer l'auteur) je l'ai commencé de suite et j'ai du mal à contenir ma rage, mon dégoût et mon impuissance. Une violence banale et inadmissible : lynchage, humiliation et meurtre sur fond de rap et de réseaux sociaux.
Je ne peux m'empêcher de faire le lien avec l'autre livre que je lis actuellement : Les couilles sur la table de Victoire Tuaillon, tout y est des codes masculinistes, l'hégémonie masculine à l'échelle des cités, ce besoin de montrer qu'on domine et tous les codes qui vont avec : drogue, alcool, rap et même la voiture. Voilà ce que coûte le pratiarcat aux hommes, à la société.
En guise d'illustration parfaite de mes propos, p.32 : "lors de son entretien, il a raconté qu'après avoir balancé le corps il avait retenu ses larmes. (un homme ne montre pas ses émotions) Il faisait partie de la famille de la rue et ne pouvait pas être un fragile. (Force et virilité mises à l'honneur, devoir se dominer, être un guerrier)" plus loin, p.35 "puis il a expliqué qu'en cité il y avait une règle - on porte ses couilles - et qu'il avait été victime de cette règle" encore plus loin, p.43 : "la prison était une sorte de passage obligé. Elle faisait de vous un homme aux yeux des autres" (le patriarcat, broie les hommes aussi, souffrance inutile pour prouver quoi ?)
Le dégoût qui s'intensifie quand je lis que les journalistes pour brouiller les cartes, pour donner aux gens ce qu'ils attendent, pour minimiser l'acte, font passer la victime pour un dealer, sans faits, sans preuves. Histoire de briser les proches un peu plus, histoire de dire aux gens biens pensants que cette violence ne les concerne pas, que ce n'est pas pour eux. Leurs enfants vont biens tant qu'ils ne toucheront pas à la drogue. Histoire de les rassurer : mais non la société n'est pas malade, ce sont ces jeunes, spécifiquement, qui le sont. Je ne suis qu'à la page 26 et j'ai le coeur au bord des lèvres, ça promet.
L'auteur nous fait part de son désarroi et de son impuissance face à ses jeunes qui ne répondent à la violence que par la violence, qui n'ont d'autres horizon que ce bout de quartier dans lequel ils ont grandis et les codes qui vont avec. Il cherche des débuts de solution, des pistes.
Il me faudra lui poser la question de sa conscience de l'influence de la société patriarcale dans cette violence des cités. Je ne suis pas sûre qu'il ait envisagé la situation sous ce prisme, ça se voit dans sa façon d'écrire et d'appréhender les choses : les marches blanches sont, de toute évidence l'apanage des femmes, des mères, douleur de femme de perdre un enfant ? Mais où sont les pères dans toutes ces histoires ?
Chaque milieu social a ses propres codes, dans les cités c'est la prison, la violence, les règlements de compte, le territoire, et l'honneur à défendre. Ne pas paraître "faible" voilà ce qui fait de vous un homme dans ce milieu là. Et non la seconde victime n'a pas été tuée par le quartier elle a été tuée par le patriarcat, par les codes masculinistes. Comparer avec d'autres zones du monde n'a pas de sens. Les codes se retrouvent partout.
Il semble dire que le rap peut engendrer de la violence, je pense qu'il ne fait que renforcer quelque chose de pré-existant, il maintient les codes, les transmet aux générations suivantes. Il est notamment question de Moha la squale, de la fascination de Sofiane pour lui. Ce rappeur qui réussit pour sa mère mais qui viole les autres femmes, tout un exemple. L'auteur souligne que la précarité intellectuelle renforce la fragilité aux réseaux, ils manquent de discernement pour tout.
Dans cette histoire sordide, Mathieu, la victime, était devenu de moindre importance dans la hiérarchie de la cité et pour son ami Kader : il avait choisi l'amour, des codes différents. Il n'était plus le profil d'homme qu'on pouvait respecter.
Vient l'histoire de Souad, la mère de Sofiane, reniée pour avoir aimé, tristement banal. Voilà comment le système brise des vies, encore et encore, ça a des répercussions sur toute la famille, sur les enfants et, sans surprise Sofiane répète le schéma.
Vient l'histoire de Moussa, issu d'un viol, sa mère battue par son beau-père, et lui aussi. Il reproduira également tous les schémas, jusqu'au viol. L'auteur fait alors une réflexion pertinente : l'Etat devrait être sur le banc des accusés, j'irai plus loin encore : toute la société. Cette réflexion m'a fait penser à celle de Karine TUIL dans "Les choses humaines"

L'auteur se prend visiblement la violence en pleine tronche, encore et encore, il en souffre, voudrait que les jeunes sortent de cette spirale mais il a du mal à identifier tous les facteurs, il est lui même le fruits de nombreux préjugés et clichés bien enracinés : chapitre 18, il en comprend pas qu'une femme puisse regretter d'avoir eu son enfant mais il suffit de réfléchir : quel bonheur en a retiré Souad ? Abandonnée par tous ceux qu'elle aimait, trahi par le père de son fils, ce dernier qui devient violent. Croit-on encore vraiment si naïvement aujourd'hui que la maternité est obligatoirement une source de bonheur ? Que rien ne peut l'estomper ?

La fin de l'ouvrage m'a un peu plus gênée, l'auteur parle beaucoup de lui, de son ressenti, je m'attendais à un autre but, il n'y a qu'à la toute fin en deux ou trois paragraphes qu'on comprend qu'il veut accuser le numérique, l'image, de rendre tout ça possible, c'est un peu flou. La violence n'était-elle pas là avant ? Pourquoi la mettre en lumière et ne rien proposer de concret ? Il me tarde de rencontrer l'auteur, j'ai beaucoup de questions :)
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Première lecture dans le cadre du prix du Meilleur Polar Points 2023. Ce livre est présenté comme un « puissant romanquête qui interroge les nouveaux codes de la violence des quartiers ».

En effet, Rachid Santaki, qui connait bien les quartiers, réalise ici un travail proche du journalisme. Il se met en scène lui-même comme reporter-enquêteur. Il part d'un fait-divers sordide et affreux et tente à partir de cet évènement et du procès qui a suivi, de trouver les racines de la violence. Il tente aussi d'en trouver les nouveaux rites. Entre rap et réseaux sociaux, l'auteur cherche à nous montrer l'impact de l'image dans ces escalades de violence.

Je n'avais jamais lu cet auteur qui a plusieurs romans à son actif. Ici on ne sait pas très bien ce qui relève de la fiction ou de l'essai, du reportage ou de l'enquête. C'est d'abord l'effroi qui guette le lecteur à la lecture du récit du lynchage de Mathieu. Rachid Santaki s'empare de l'évènement pour tenter de l'analyser et de le décrypter.

Ce court récit de 180 pages n'est pas inintéressant. Il nous laisse avec autant de questions qu'au début de la lecture mais a le mérite de les poser avec humanité et empathie.
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Livre lu dans le cadre de la rencontre avec l'auteur chez Babelio.
Voici le dernier livre de Rachid Santaki qui retrace le fait divers tragique et macabre du meurtre du jeune Mathieu survenu en octobre 2017.
Trois jeunes de Saint-Denis, Damien, Moussa et Sofiane vont donner la mort à la suite des coups et blessures infligés au jeune Mathieu. Mais en plus du fait divers tragique, tout ce lynchage a été filmé par Sofiane, dis-sept ans. Ensuite, les images vont être diffusés sur les réseaux sociaux. Des images d'une violence inouïe.
Mathieu va donc dans un premier temps porté disparu. Alors que les recherches perdurent, l'un des protagonistes va se livrer à la police. Il va être déféré au parquet.
Parallèlement, lmère est la soeur sont totalement effondrées. Alors que Mathieu n'est toujours pas retrouvé, Elles vont se confiés au journaliste. L'affaire s'emballe sur les réseaux sociaux et à la télévision. L'image du jeune Damien, l'un des bourreaux de Mathieu, va être mis en avant. Pui celui de Moussa.
Rachid Santaki décortique un des faits divers les plus violents de cette dernière décennie. Il va nous narrer l'histoire de ces trois gamins de banlieue depuis leur rixe jusqu'au procès.
A travers son livre, l'auteur va dénoncer une violence devenue banale, presque quotidien. Cette histoire violente lui permet de réfléchir sur les moyens à mettre en place afin d'endiguer cette violence gratuite par des jeunes en manque de repairs.
Un belle reflexion sur cette société en souffrance


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Tiré d'un terrible fait divers survenu en Seine Saint Denis, l'auteur écrit "Laisse pas traîner ton fils". Je le classe dans la catégorie roman d'investigation autobiographique mais certainement pas comme un polar comme certains l'ont fait. Si vous ne maîtrisez pas le langage des cités, ses codes, sa hiérarchie et le rap, vous allez très vite vous sentir largué. La violence dans les mots mais aussi dans les actes n'a pas de frontière ici. le phénomène de « bandes », les réseaux sociaux et la loi des plus forts poussent la brutalité à son paroxysme. Il ni a plus de limites, plus d'âme ni d'humanité, plus d'état souverain car seule la terreur règne en maître. Autant j'ai trouvé l'idée de base intéressante, autant au final on ne découvre rien de nouveau et le choix de l'écriture avec le « parlé verlan, argot et rabe » à fini par avoir raison de ma patience. C'est un témoignage de ce que les cités sont devenues depuis que l'état les a laissées tombées : drogue, alcool, sexe, violence… Je me rappelle d'un reportage où une journaliste interviewait un de ces jeunes sur la façon dont il voyait son avenir dans sa cité. Sa réponse m'avait glacé le sang : « Je suis né ici, je mourrai ici pour elle ». Bonne lecture à vous .
Lien : https://www.facebook.com/phi..
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Un texte protéïforme où se mélangent la voix de l'écrivain et celles des personnages, les voies de la fiction et des faits divers. Un petit goût en madeleine de Proust de l'excellent travail de journalisme narratif d'Emmanuel Carrère dans l'Adversaire il y a déjà plus de vingt ans. « Sans m'en rendre compte, je me glissais dans l'univers de Sofiane, un gamin écorché, et je me posais encore plus de questions. » p 83 Points. On se glisse nous aussi avec lui dans cet univers que l'auteur réussit à toucher puis dessiner du doigt à petites touches de réalisme et de scènes reconstituées au plus près des mots (les leurs) et des maux (ceux de la société toute entière). La fréquentation des personnages de Rachid Santaki comme en 2000 celle du personnage de l'Adversaire fait s'ouvrir béant le questionnement sur le pourquoi et le comment du Mal. Sur cette indifférence parfois devant la souffrance d'autrui, que l'on soit spectateur, complice ou bourreau. Ce texte, pas mieux que celui d'Emmanuel Carrère, n'apportera de réponse(s) mais il pose un contexte, dessine les contours de la vie de ces gosses qui ont effacé les frontières entre le virtuel et le réel, entre les réseaux sociaux et la société. On en ressort un peu sonné(e)s, toujours inquiet(e)s, mais sans doute aussi, et c'est le plus précieux, plus concerné(e)s.

Chez Alibi on parle pour ce texte d'un « romanquête », ce terme convient mieux que celui de polar, catégorie dans laquelle il semble un peu en marge.
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J'ai reçu ce livre grâce à Babelio, que je remercie. Ayant été malade, ma chronique tardé à arriver. Et, mon avis étant plutôt mitigé; j'ai oublié de poster ma chronique.

Ce livre me faisait beaucoup envie, la vie des banlieues est un sujet qui m'intéresse beaucoup.
Cependant je ne sais pas pourquoi, je suis restée en dehors de ce roman. Je suis allée jusqu'au bout car j'ai reçu ce roman en SP. Mais je n'ai pas accroché. N'était-ce pas le bon moment? J'avais 39 de fièvre et j'étais vraiment pas très bien...

Bref, je réessayerais, car les avis sont très positifs !
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C'est l'auteur lui-même qui joue le rôle principal de ce roman, inspiré d'un fait divers réel et qui nous plonge dans ses réflexions. Rachid Santaki anime des ateliers d'écriture pour des détenus, il a un pied dans l'univers littéraire et un autre dans la cité, la violence. Et ce récit imbrique l'enquête et sa vision du monde, ses tentatives de comprendre l'origine de ce meurtre. C'est assez difficile d'expliquer ce livre qui reste assez unique en son genre, entre le témoignage, le polar et la réflexion quasi philosophique.

J'ai été heurtée plusieurs fois en lisant le roman, non pas que ce soit gore ou sanglant mais quand on sait que c'est inspiré d'un fait divers réel, la violence et l'inhumanité du meurtre prennent une autre signification. Un jeune adolescent de cité sans histoire se retrouve torturé et tué pendant qu'on le filme et que cette vidéo tourne sur les réseaux sociaux. Ca fait froid dans le dos de se dire que c'est arrivé, que c'est possible, que ça fait partie des dérives des réseaux sociaux d'une part et des dérives de la vie en cité, un lieu de violence et de désespoir qui poussent des adolescents au pire pour des histoires ridicules. Une violence gratuite qui m'a franchement mise mal à l'aise, ça nous met face au pire de l'humanité, sans fard et sans concession.

Néanmoins, même si la forme et la violence m'ont perturbée, je ne peux pas nier la pertinence du fond. Les réflexions de l'auteur sur l'origine de cette violence sont vraiment intéressantes, on s'interroge soi-même sur l'évolution des moeurs en société, sur l'origine sociale et politique de cette haine qui brûle en certains. On comprend qu'il y a quelque chose du délaissement par les politiques, qui ne s'intéressent pas profondément à ces cités et que c'est un cercle vicieux qui s'est mis en place. C'est justement parce que c'est dur et réaliste, sans langue de bois ni complaisance, que ça reste un très bon texte.

En fait, je ne nie pas que le roman est très bon, la thématique et le traitement sont d'une grande justesse, c'est juste que ça ne convient pas à ma sensibilité. Difficile d'apprécier entièrement une oeuvre quand on est, en permanence, choquée et bouleversée...
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