Ce livre court est admirablement bien écrit. Ses chapitres brefs sont autant de morceaux choisis de la vie de notre héroïne qui dessinent, par touches successives, son destin.
Rachel est la fille unique d'immigrants juifs hongrois qui choisissent de s'installer au Brésil, après que le père eut dilapidé en investissements hasardeux la fortune familiale. le père, grand latiniste reconnu en Hongrie, subit une sorte de déclassement au Brésil.
Le lecteur assiste à son adolescence chaotique, mais pas plus que celle d'une autre, de ses camarades catholiques, par exemple, puis à son entrée dans la vie adulte et à ses joies et à ses douleurs...jusqu'au dénouement. En cours de route Rachel est confrontée aux questions les plus essentielles de la vie : la vie, la mort, le péché, l'éternité, l'infini, le Salut...Je ne divulgâcherai pas davantage.
Rachel se pose toutes ces questions dans un contexte brésilien, catholique où la tradition religieuse afro-religieuse reste présente ; toutes ces influences se cognent avec la tradition juive dont ses parents sont porteurs mais dont ils s'éloignent ne serait-ce par leur renoncement à habiter dans le quartier juif, ce qui avait été probablement le cas en Hongrie, avant leur départ pour le Brésil
Rachel s'acculture, et développe une sorte de syncrétisme (influence juive, catholique, afro-religieuse) et s'éloigne imperceptiblement de ses racines.
Mais pourra-t-elle garder cet équilibre ? L'intégration, l'assimilation ne l'obligera—t-elle pas à couper le cordon ombilical ? Mais a-t-elle bénéficié d'une transmission efficace de ses parents ? Ont-ils même désiré cette transmission ?La clé est dans les mains d'un personnage double : Miguel. Juif, lui aussi, originaire de Pologne, askhénaze comme la famille de Rachel. Il est littéralement habité par sa judéité, jusqu'à la folie. Mais n'est-il pas dans une relation privilégiée avec Dieu, le Dieu de son peuple ? N'est-il pas le Gardien de Son Temple ? le croit-il simplement ?
Il n'est pas simple de déterminer l'idée, le fil conducteur de ce texte un peu déroutant. C'est à, de mon point, la grande faiblesse de cette ouvrage : la perplexité du lecteur au terme de sa lecture. On ne peut s'empêcher de se demander : Qu'a-t-il voulu nous dire ?
Osons une hypothèse Ce qui suit est donc une conjecture.
Au final, c'est un message désespéré que j'ai perçu dans le texte de
Moacyr Scliar. Il semble indiquer qu'il n'y a pas d'alternative autre que l'assimilation ou la préservation de sa culture (inséparable de la religion et vice versa). La première appelle un renoncement et l'enfouissement dans l'intime de tout une partie de ce que les parents ont transmis ; la seconde rend la vie sociale dans le nouvel environnement problématique. L'hybridation est-elle alors un concept pertinent dans une logique d'é- ou immigation ? La co-habitation, la co-existence ne permet pas de garder étanches les différents « caissons » de notre personnalité et de notre culture dans sa pratique et réalité concrète.
La traduction de
Philippe Poncet est de qualité ; la mise en français du texte de
Moacyr Scliar nous restitue au mieux le texte original. On peut simplement regretter quelques hésitations orthographiques entre Thérèse et Teresa, entre Parthénon et Partenon.