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EAN : 9782760949096
Leméac (Editeur) (15/12/2022)
4.32/5   11 notes
Résumé :
Le personnage de cette fable entretient avec le réel et les êtres qu’il aime des rapports incertains, parfois difficiles, souvent rageurs.
Ado et jeune homme, il aura joué le jeu de l’amour sans trop y croire, mais tout en voulant bien y croire. Plus vieux, avec des compagnes tenaces et lucides, il tentera encore de faire le bout de chemin nécessaire malgré l’artifice actuel des conventions affectives.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
L'homme, un peu sauvage, beaucoup silencieux. Quelques femmes passent dans sa vie, pas beaucoup en fait, quelques verres y passent aussi, quelques bouteilles y trépassent. Sa boisson de prédilection, le Ricard, si rafraîchissant dans les chaleurs printanières du Grand Canada, de Terre-Neuve ou des coins plus sauvages ancrées dans les terres, lorsque la neige commence à fondre.

De temps en temps, l'homme retourne à la ville, Montréal sous la neige. C'est le début de l'hiver. Il regarde la lune, de la vapeur s'échappe de sa respiration, il regarde la façade où domine la fresque de Leonard Cohen. D'ailleurs rien ne dit qu'il ne l'écoute pas le soir, à la tombée de la nuit, une femme lovée sur son canapé. La voix de Leonard dans la nuit, la beauté de la lune à la fenêtre, un corps nu, jolies courbes. Mais tout a une fin, comme cette bouteille de Ricard.

Un homme et ses chiens s'enfuient toujours de la ville pour revenir à la nature, belle et sauvage, comme la chevelure d'une femme brune. Il n'y a que dans le silence de cette beauté qu'il est lui-même, loin des conventions sociales et hypocrites. Là-bas, il regarde, du bout de son fusil, un vol de bernaches. Pan ! A l'automne, il suit la migration des lagopèdes à queue blanche. Pan ! Et ce phoque, une virgule posée au loin sur la banquise. Pan ! La complainte du phoque…

Et entre les coups de feu, des bribes de conversation des autres, ces citadins venus pour le week-end jouer au chasseur. L'homme et ses chiens sert de guide. Il connait la région, toutes les réserves fauniques du Québec, de Terre-Neuve et du Labrador. L'Île d'Anticosti. Une vie à chasser, à trapper, à écouter, la nature, le silence et son blizzard assourdissant. C'est loin de la ville qu'il se sent vivre. En toute liberté, sans l'oppression de devoir discuter avec un homme, avec une femme. Seul avec ses chiens et sa réserve de Ricard, voilà sa vie. Et au bout milieu de la nuit, alors qu'il a la tête enfouie dans ses bras posés sur un coin de table, verre évidemment vide, le fantôme de son « ami »…

Ce Marc Séguin laisse des traces invisibles dans l'âme de l'homme, celui qui lit, celui qui écoute le silence, celui qui boit du Ricard. C'est autant une ode à la nature, au blizzard qu'à cette boisson anisée qui parfume le fond de la cabane, au milieu d'une forêt d'érables enneigés. Il possède une âme, la fragilité d'un amour, la puissance d'une solitude. Est-il encore un homme, ou simplement un pauvre type qui regarde une neige lourde et humide tomber à ses pieds, la lune bleue, belle et intouchable, dans sa tête.
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Avant de partir pour l'île, fin juillet chaque année, il devait faire des provisions. On lui permettait cent kilos de matériel. Il préparait ses boîtes et les apportait jusqu'au conteneur de l'employeur, une pourvoirie célèbre. Le bateau prenait dix-sept jours à rejoindre Port-Menier. Rien de périssable n'était permis. Moulée pour Solo, des trucs à grignoter pour lui et une douzaine de bouteilles de Ricard. Il avait lu que l'anis avait un pouvoir antiseptique sur le corps, telle une médication. Comme bien des choses, la rumeur historique avait été plus ou moins confirmée par la science, pas suffisamment pour un effet direct et notable, mais assez pour y croire par un fil ; les miracles ne tiennent parfois qu'à un fil invisible. Ça, il connaissait. L'homme disait parfois qu'il était un placebo de lui-même. Ce qu'il préférait du spiritueux, c'était la couleur blanche qui apparaissait par enchantement lorsqu'il mélangeait l'eau à l'alcool.
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Le soir suivant le décès du vieux, une fois rentré sur l'ile, l'homme avait rêvé d'une discussion entre eux. Une conversation anodine. Précédemment, il s'était rappelé une soirée où il avait écouté l'aîné. Une révérence au temps. Il avait d'abord bu pour engourdir un peu l'ombre des évidences amoureuses qui s'effritaient, en plus de la mort de son vieil ami. C'était son rythme ; la porte d'entrée des choses qui restent vivantes et qui doivent être protégées coûte que coûte, même par la fuite. L'ivresse comme le nord d'une boussole. Une force invisible. L'homme avait enchaîné les verres de Ricard doucement. Pour atteindre une autre conscience, d'une lucidité différente, intuitive sans doute. Le contraire d'une tragédie. Pour une rare fois, l'homme s'était enfin désincarné. Loin du narcissisme de l'époque. Ce n'était pas son drame, mais celui de l'humanité, que d'envisager une finalité, la sienne, à travers celle d'un autre. Comme on le fait tous, il s'était dit. Surtout en silence. Ce soir-là, le vent était violent. Et invisible, comme d'habitude. Il avait fait tempête jusqu'au lever du jour. Les yeux de Clara étaient peut-être bleus. L'homme n'avait pas pensé à elle.
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Avec l'alcool, c'était une autre forme de vérité. Les spiritueux déliaient son esprit. Jamais pour être malade ou pour perdre le nord, mais assez pour traverser le seuil des sentiments. Il le savait. Sans honte. Un sentier sombre en lui, le courage dans une main et un verre dans l'autre, il buvait pour s'éclairer. Non pour fuir. Comme un mineur qui creuse sa mine à la lumière de sa lampe frontale. A chaque ivresse, il se faisait du destin un allié. L'âme n'est pas si secrète après tout, elle est simplement privée, et il existe des manières de la révéler. Pour certains, c'est le vin ; pour d'autres, c'est l'argent ; pour d'autres encore, ce sont des histoires sur l'inquiétude silencieuse des sentiments. Un coup de pelle à la fois.
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Chaque soir l'homme s'étendait sur le divan, la chienne à ses pieds, et il l'avait flattée sans relache. Sur le côté du cou, tout juste avant le collier. La chienne fermait les yeux à moitié, en transe. Lorsqu'il cessait les caresses, Solo le sollicitait d'un coup de museau. L'air de dire «je suis là, continue». Comme pour l'amour, il avait pensé. Et sa main reprenait le chemin du cou ou de la tête. La veille de sa mort, la chienne lui avait léché la main doucement. Dans le langage des chiens, qu'il avait appris, ça veut dire «t'es ma famille».
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Il s'était posé sur un arbre échoué, blanchi par le sel et le soleil. A une centaine de mètres, un phoque étendu sur le sable. Toujours le même. Le museau gris-blanc. Vieux certainement. Il l'avait nommé Ernest. La bête venait chasser les truites de mer. Celles qui entrent et sortent des rivières d'eau douce à leur embouchure lorsque la mer gonflée venait s'y mêler. Parfois aussi un saumon dans la gueule. L'homme admirait la solitude du phoque. Souvent, de retour en ville, l'image remontait en lui.
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