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EAN : 9782844052223
148 pages
L'Esprit Frappeur (01/06/2005)
5/5   1 notes
Résumé :
Inspiré d'une histoire vraie, ce roman raconte, au coeur du génocide rwandais, les affres psychologiques et la déchéance morale de Stanislas, un prêtre hutu accusé de viols et de crimes contre l'humanité. On suit au quotidien la mécanique qui mène à consentir puis à participer à l'extermination d'un million de personnes en cent jours. Exilé en France, Stanislas y sera mollement poursuivi. Répondra-t-il de ses actes devant la justice des hommes ? Ce récit aborde la q... >Voir plus
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Ma première victime n'est autre que le frère d'Assumpta, un grand maigre impassible qui maintient son regard fixé sur le sol. Ce mutisme m'agace, je souhaiterais qu'il me supplie, qu'il m'implore de l'épargner, qu'il invoque ma relation avec sa sœur, même ! Cela me donnerait une excuse, un prétexte pour ne pas le tuer ou, au moins, discuter et retarder le moment fatal pour trouver une diversion. Mais il reste imperturbable, comme absent : pas un mot, pas un mouvement. Inhumain. J'ai besoin d'entendre sa voix pour accompagner mon geste, une parole qui me consolerait du mal que je suis en train de commettre. Au deuxième coup, il chavire, et s'effondre au troisième. Je sens la lame qui plonge dans la chair, je vois la peau qui s'ouvre encore et encore. Plus je le frappe, plus j'éprouve du plaisir; maintenant, j'ai vraiment envie de l'assommer. Sa chair s'écarte à chaque secousse, révélant le muscle rouge sous la peau noire. Comme un bœuf à l'étal du marché. Mon Dieu, que m'arrive-t-il ? Jésus, sauvez-moi, par pitié, arrêtez ma main! Mais je m'acharne sur ce bougre qui demeure silencieux et tente même de se relever. Que le supplice paraît lent, si long et comme on s'adapte vite à tout, y compris l'horreur. Au bout de quelques coups, je suis anesthésié et déjà habitué au maniement de la machette, sans plus même en relever l'atrocité. Je me débrouille plutôt bien pour un débutant, consentant à la souffrance de l'autre, celui qui se recroqueville, se tord au bout de la lame. Dès la première coupure, il a cessé d'être, réduit à un simple chiffre, celui du décompte de l'effort, de l'accomplissement de l'acte au nom de la cause. La première victime déclenche l'instinct meurtrier, après, le plaisir de la violence brute l'emporte. Le Mal vous subjugue, vous domine, captive votre raison et se comporte comme un être autonome. Et puis il y a le pouvoir, ce formidable pouvoir de la force qui fait miroiter la possibilité de dominer l'autre. Le Mal détache le bourreau de sa victime, efface l'empathie.
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Mon Seigneur le sait; je ne suis pas un saint mais un simple mortel, un homme enclin au vice, au péché. Au milieu de l'anarchie provoquée par cette guerre absurde, avec l'anéantissement de l'ordre social, chaque individu est désormais maître de sa destinée. Et tout est possible, du meilleur au pire. Depuis le début du conflit et l'arrivée des réfugiés dans mon église, j'oscille sans trêve, déchiré entre mauvaise conscience et autojustification. Mon combat est constant. Ai-je vraiment des reproches à me faire ? Au fond, je n'en suis pas convaincu, car la tentation pour moi n'a jamais été plus ardente. Comment résister? Il y a des moments où, paradoxalement, ces incertitudes me rassurent et me confortent dans ma foi puisque j'ai, plus que jamais, charge d'âmes. Le plus dur pour moi, en ces temps horribles, est l'impossibilité de me confier à qui que ce soit. Mes supérieurs et mon confesseur sont loin. À qui montrer mes faiblesses, mes doutes, mes désirs, mon amertume, mon découragement, mes frustrations, cette gamme infinie de sentiments qui me traversent, avec, au cœur de ce chaos, une violence et une promptitude particulières ? Et en ai-je seulement le droit? Non! Tout au plus, laisser transparaître une hésitation parfois sous la politesse, ce masque pratique des laideurs cachées. Car personne, au fond, ne supporte ce monde sans Dieu, sans raison, sans règles transcendantes et sans fin. Il n'y a guère que les nihilistes comme Damascène et ses hommes pour se contenter du vide...
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En réalité, c'est la viande qui me dégoûte. Moi qui en suis si friand d'habitude! La vision des morceaux sanguinolents me donne envie de vomir. L'odeur de la cuisson empeste mes narines, me rappelant d'autres chairs brûlées. Comment ne pas faire le rapprochement? À nouveau me saute à la mémoire le muscle rouge aperçu à travers la peau tranchée du frère d'Assumpta. Et le tas de cadavres gonflés grouillant de mouches en bas de la colline. D'où vient cette viande dans mon assiette? Par les temps qui courent, cela pourrait être aussi du chien, une de ces bêtes galeuses et errantes qui rôdent dans Kigali et s'arrachent les dépouilles qu'elles déchiquettent à petits coups de crocs joyeux devant cette abondance soudaine. Et si c'était carrément de la chair humaine? Le frère d'Assumpta, par exemple? Je l'ai abattu et maintenant je vais le dévorer. Mon corps absorbera le sien et sa chair pénétrera la mienne, s'incorporera à moi, deviendra moi: mes membres, ma tête, mes veines, mes artères, mes entrailles, mes os, mes ongles, mes cheveux. Une forme de transsubstantiation, comme le Corps du Christ pendant la communion, ce miracle de la messe qui me fascinait tant lors de mon entrée au séminaire ? Je déraille, mon esprit se perd, je ne sais plus que penser.
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Impossible. C'est le mot qu'il utilise. Depuis quand lui est-il impossible d'agir à sa guise? Pour exercer son pouvoir de manipulation, il joue remarquablement bien de l'ambivalence, alternant séduction et haine sous-jacente, chaud et froid. Une ambivalence dialectique et démoniaque. Son attitude me paraît incohérente. En ce moment, j'ai l'impression de m'intéresser à son travail plus que lui. Où sont passés son zèle, sa détermination à massacrer toujours plus, à aller au-devant de ce qui est humainement admis? Ne serait-il plus cet infatigable exécuteur mû par le sens du devoir patriotique? Plus que jamais, je méprise Damascène. Naguère, je le croyais vertueux, ne voyant en lui rien d'autre que la disposition à faire son devoir, exécuter les ordres reçus et obéir aux nécessités de la guerre.
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Le soir est sublime avec ce ciel dégagé, embrasé d'une chaude lumière dorée. Mais tout est gâché par l'odeur et les mouches, devenues un véritable fléau. Pas moyen de découvrir un plat sans qu'une dizaine d'entre elles ne s'y engouffrent. Désormais, nos repas consistent en des combats inégaux avec ces petits ennemis ailés. Les mains s'agitent dans tous les sens, les bouches tentent de se fermer au bon moment.
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Présentation de la revue La Nuit rwuandaise, avec Benjamin Sehene.
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