Il y avait longtemps que je voulais faire participer la médiathèque à une Masse Critique. C'est désormais chose faite et je dois dire que l'expérience était très excitante ! Merci à Babelio ainsi qu'aux Éditions du Jasmin pour nous avoir sélectionnés et envoyé l'ouvrage d'
Inès Senghor. Je ne connaissais pas du tout cette maison d'édition. le paquet était très soigné et il y avait un catalogue à l'intérieur. Certaines publications ont l'air très intéressantes. Je pense que je me laisserai tenter, à titre personnel, par le livre de
Lafcadio Hearn sur l'Amérique…
Bref, revenons-en à nos moutons. Je dois avouer que le livre d'
Inès Senghor n'était pas à la hauteur de mon attente fébrile, et je le regrette. Car, en théorie, il avait tout pour me séduire. L'autrice elle-même, avec ce double héritage culturel, à la fois serbe et sénégalais, semble avoir un parcours des plus intéressants. Bien sûr son roman s'inspire de cet héritage, et on finit par se demander dans quelle mesure le livre est une pure fiction ou s‘il comporte des éléments autobiographiques. Pour faire court, il s'agit là d'une saga familiale qui s'étale sur plusieurs époques et plusieurs pays, sous la forme d'une alternance de chapitres propre au roman choral. Nous suivons Tea et sa famille dans la Serbie des années 90, puis le jeune Basile dans le Sénégal des années 60, Aristide toujours au Sénégal dans les années 40, et enfin très très loin dans le livre, après 230 pages d'attente, Lazar dans la Croatie des années 40. Bien sûr, les histoires individuelles de ces personnages suivent la Grande Histoire, et surtout une partie des guerres et des atrocités commises au cours du 20ème siècle.
Il y avait là matière à écrire une oeuvre magistrale. Malheureusement, les choix narratifs et stylistiques de l'autrice l'empêchent, à mon sens, de décoller vraiment, et ne permettent pas au lecteur de s'attacher aux personnages. Cela tient notamment au fait qu'on met beaucoup de temps à comprendre que tous les personnages constituent les trois générations d'une même famille, lesquels apparaissent à différents âges d'un chapitre à l'autre. Cela vient aussi de digressions qui oublient de revenir à l'anecdote de départ, ou de lourdeurs de style qui partent pourtant d'une intention louable : écrire de belles phrases, avec une portée universelle. Certains passages demeurent néanmoins très émouvants ou très instructifs comme la confrontation d'Aristide et Tierno avec les Allemands, les révoltes estudiantines et les rites de passage au Sénégal, les réflexions sur les pertes humaines en temps de guerre ou encore celles sur le métissage.
Tout ça pour dire que les goûts et les couleurs, ça reste très subjectif, et que vous ne lisez là que mon avis personnel. D'autres lecteurs seront beaucoup plus enthousiasmés par l'ouvrage, ce qui est très bien car chaque livre doit trouver le public qui lui correspond, et il y en a forcément un ! Faites-vous donc votre propre opinion en lisant celui-ci !