Ils sont fous, ces slaves des Balkans !
D'abord Miodrag Bulatović et son « Coq rouge » ……entr'autres.
Émir Kusturica, ses films aux histoires déjantées
Et maintenant « Baba Yaga qui pond un oeuf »
C'est l'histoire hilarante de trois vieilles de l'ex-Yougoslavie en virée dans un grand hôtel tchèque.
L'une est minuscule en fauteuils roulant les deux jambes enfoncées dans une botte de fourrure, la deuxième a été veuve plus souvent qu'à son tour, la dernière a une poitrine si énorme qu'elle l'entraine de tout son poids vers l'avant.
Elles croisent un jeune Bosnien dont le sexe est en perpétuel garde-à-vous depuis l'explosion d'une grenade à Sarajevo et qui se fait passer pour un masseur turc et… d'autres personnages.
Elles peuvent, du premier coup, tuer un homme d'une balle de golf ou, faire sauter la banque du casino local.
« Et nous? Nous poursuivons notre route. Car tandis que la vie s'emmêle les pinceaux, l'histoire vogue vers le bleu des flots. »
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Le dernier chapitre du livre est un « Baba Yaga pour les nuls ». (Baba Yaga : la fameuse sorcière du folklore slave).
Où on apprend que le héros d'une des nombreuses histoires de Baba Yaga, un homme, « s'est retrouvé nez à nez avec un « Vagina Dentata », et, voyez-vous ça, il s'en est sorti vivant. »
Et l'on comprend pourquoi le corps d'une des vieilles, décédée, revient dans son pays, dans un oeuf.
Et le livre devient un brulot féministe hilarant et jouissif !!!
Mais aussi plein de tendresse pour cette Baba Yaga, hors langue, hors pays : sorcière, mais hors clan, mère qui peut manger sa fille, guerrière et ménagère, une dissidente de l'international des femmes et des grands-mères.
La petite doctorante bulgare du premier chapitre (eh oui ! il y avait un premier chapitre : celui des relations de l'autrice avec sa propre mère) s'avère piquante.
Elle règle ses comptes avec l'auteur, en exil elle aussi, qui dans la première partie, l'avait traité de folkloriste.
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Bien sûr on en profite pour relater incidemment l'histoire de ces pays aux langues multiples et diverses, aux alphabets multiples et divers.
Imaginez un homme ou une femme nés en 1928; leurs parents les inondaient de guerres contre l'empire austro-hongrois, les turcs.
Ils n'ont pas 20 ans lors des horreurs de la 2°guerre mondiale (voir le panier d'yeux dans «
Kaputt » de C.
Malaparte.) puis l'installation du communisme.
Lors de la chute du mur de Berlin ils passaient de peu 60 ans et viraient de la propagande des pays frères aux luttes effrénées de la publicité mondialisée.
Immigrés, exilés dans leurs propres pays. Ça fait beaucoup et différents « d'avant c'était mieux » !
Puis ils rentrent dans une autre monde : celui des vieux et se sentent doublement immigrés, exilés, triplement quand on est femme.
Bien sur ce n'est pas le chef d'oeuvre impérissable du siècle (et entre nous, je serais assez curieux de voir comment se passe le 2° quart du siècle actuel)
C'est un roman érudit, drôle et plein d'autodérision.
Ils sont fous ces slaves des Balkans et ils ont bien des raisons.