En juillet dernier, le film le Cercle de Guernesey m'avait un peu laissée sur ma faim ; je n'avais été ni transportée ni émue ; j'avais passé un bon moment sans plus.
Une intrigue pleine de non-dits, une montée en puissance du tragique, des bons sentiments… Les conditions étaient pourtant réunies pour me captiver… Bref ! le film, bien qu'excellent, n'avait pas eu sur moi les effets escomptés, ne serait pas inoubliable… et ne m'avait pas donné envie de lire le livre dont il était adapté
C'est alors que qu'une amie « littéraire » m'a prêté le fameux roman épistolaire
le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates écrit par
Mary Ann Shaffer et
Annie Barrows, publié en 2008 aux États-Unis et traduit en français par
Aline Azoulay en 2009…
En effet, le côté épistolaire fait toute la différence. Les deux auteures ont revisité la forme romanesque de prédilection du siècle des Lumières ; il ne s'agit donc pas de récit à proprement parler, mais de discours, avec toujours un décalage, même bref, entre les évènements et leur transcription.
Ce roman est une polyphonie où tous les points de vue sont présentés sur le même plan. Ainsi, ce ne sont pas les auteures qui donnent une impression d'omniscience ; cette posture est déléguée aux lecteurs, qui, sans tout savoir et sans toujours anticiper, se font seuls une idée du rapport entre les discours et la réalité des faits.
L'ensemble est bien construit, sans doute très anglais dans la psychologie des personnages, toujours sur le fil entre flegme, autodérision et humour. Il y a cependant un petit côté caricatural trop présent à mon goût, un peu excessif.
Les personnages sont caractérisés par leur style d'écriture et par la manière dont les autres les décrivent et parlent d'eux.
Bien campés et travaillés ils ressortent un peu des clichés qu'ils illustrent par le traitement épistolaire qui fait, seul, l'originalité de ce roman : la jeune écrivaine en manque d'inspiration, un peu « nunuche », son prétendant glamour à souhait, le beau fermier mystérieux attaché à des valeurs d'amitié virile et de sacrifice, la vieille fille, la vieille dame meurtrie pas la guerre, l'éditeur gay et son côté dandy, la commère… Cependant, aucun ne m'a vraiment touchée. Seul, le personnage d'Elizabeth, construit en creux, à partir de l'absence, par touches subtiles, au gré des informations distillées par les lettres prend une vraie dimension, tragique et sacrificielle.
Si la lecture est toujours présente, je ne connais cependant pas la plupart des auteurs cités ; mais j'ai naturellement apprécié les références à
Jane Austen, aux soeurs Brontë et à quelques grands classiques mis en scène dans les lettres.
Ce roman, tout comme le film qui en a été adapté, met en lumière l'écriture et la lecture comme créatrices de lien et exutoires sur fond de romance historique…
Le livre met peut-être davantage l'accent sur l'insularité et sur la manière dont les îles anglo-normandes ont été occupées par les allemands au cours de la seconde guerre mondiale et sacrifiées stratégiquement par l'Angleterre.
Un roman original, un bon moment de lecture…