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4,3

sur 1391 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
We need to talk about Kevin
Traduction : Françoise Cartano

En raison d'un article lu sur un blog et qui reprochait à ce livre de culpabiliser la mère à outrance, j'ai longtemps tardé à lire ce roman dont le thème central est la recherche des causes de la violence adolescente, surtout lorsque celle-ci débouche sur des meurtres de masse similaires à la tuerie de Columbine, aux USA. J'ai tardé donc mais, une fois que j'en ai commencé la lecture, je n'ai pu me séparer de ce roman avant d'en avoir lu la dernière page. Pourtant, je tiens à le préciser, certains passages, dans lesquels la mère décrit elle-même son narcissisme et son égoïsme, et ceci sans aucune complaisance, ont de quoi déclencher la colère, l'antipathie et le malaise du lecteur.

Lionel Shriver a en effet choisi de ne nous donner que le point de vue de la mère de Kevin Khatchadourian. Point de vue fatalement partial, dépourvu d'objectivité, dira-t-on. Sans doute mais celui des autres acteurs de la tragédie eût-il été moins subjectif ? On accordera à cette mère qui s'interroge et déballe tout pour mieux comprendre comment son fils et elle en sont arrivés là, le mérite d'un franc-parler qui dérange, inquiète, blesse mais qui, jamais, ne tombe dans l'auto-complaisance.

Le roman se présente sous forme de lettres que Mrs Khatchadourian adresse à son mari, Franklin. Ce parti pris aurait pu rebuter des lecteurs qui ne sont plus habitués aux romans épistolaires mais le style dense, d'une précision d'analyse quasi clinique, et particulièrement soutenu utilisé par l'auteur agit comme une spirale hypnotique, accrochant et rivant le lecteur à une intrigue qui dévoile lentement une structure complexe et particulièrement travaillée. Bien qu'il s'agisse d'un récit d'introspection, il n'y a aucun temps mort : à partir du moment où l'on se plonge dans l'histoire, on veut aller jusqu'au bout, quel que soit le prix à payer pour ce faire.

Ce serait faire injure à l'habileté souveraine avec laquelle Lionel Shriver a mené sa barque que de résumer "Il faut qu'on parle de Kevin." Tout ce que vous avez besoin de savoir, c'est que Kevin s'est bien rendu coupable d'un massacre dans son lycée, qu'il a prémédité le fait et l'admet avec une curieuse bonne grâce, et que, à l'issue de son procès, sa mère est la seule personne qui vienne le voir au parloir de la prison. le reste ne se raconte pas, il se lit.

Ce livre se double en outre d'une critique impitoyable des méthodes d'éducation laxiste qui, après avoir fleuri aux USA, ont envahi l'Europe. Non que Lionel Shriver soit pour les châtiments corporels : elle se contente de rappeler que le sens des limites et des garde-fous ne se communique pas en laissant faire à un enfant ses quatre volontés.

En ce qui concerne la culpabilisation de la Mère que certains ont voulu voir ici, j'affirme ne pas avoir compris comment ils en étaient arrivés à cette conclusion. Shriver met en évidence, de façon parfois insoutenable, c'est vrai, le lien privilégié et presque fusionnel qui s'établit entre la mère et son enfant. Force est de constater que, en dépit de tout, en dépit de ce que lui-même professe, c'est avec sa mère que Kevin a le plus d'atomes crochus. Comme Eva Khatchadourian, il fait preuve, dès le berceau, d'une personnalité désagréable, voire insupportable mais en tous les cas puissante et déterminée. Et, le livre refermé, l'on se surprend à s'interroger sur ce qui serait advenu si l'amour maternel avait été présent dès le premier souffle de Kevin.

Car l'amour maternel n'est pas inné. Cette idée, que véhicule tranquillement "Il faut qu'on parle de Kevin", a dû en choquer plus d'un aux USA et même ici, dans notre vieille Europe. L'affirmer haut et fort, sans pour autant accabler celle chez qui il ne se développe pas ou alors, chez qui il ne se développe que tardivement, c'est transgresser un tabou : jusque dans cette fonction qu'elle est seule à pouvoir assumer, la maternité, la Femme reste prisonnière d'étiquettes et de préjugés forgés par les mâles.

A la fin du roman, à la fin également d'un long, douloureux et sanglant parcours, Eva Khatchadourian aura appris - sans tomber dans le mélodrame, je vous rassure - à aimer son fils. Parce qu'elle aura compris que, dès son premier souffle, la seule, l'unique personne qui ait jamais compté pour Kevin, en dépit de tout, c'était elle, sa mère. ;o)
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Je ne serai pas à la hauteur de ce que j'ai éprouvé en lisant ce livre mais je vais tout de même essayer de pondre trois lignes dont je pourrai dire dans quelques années , c'est vrai , c'est un putain de bon livre.
Eva correspond avec son mari Franklin et remonte le cours de son existence de l'époque où elle parcourait le monde pour écrire des guides de voyage pour fauchés jusqu'au JEUDI, ce jour où leur fils va massacrer une partie de la communauté de son collège.
La conception du roman est remarquable, avec ce qu'il faut de changement dans une chronologie trop linéaire et une part de suspens non négligeable . C'est remarquablement écrit, les phrases font mouche, la vision des travers de la société américaine est d'une acuité exceptionnelle. Mais cela, Lionel Shriver le fait dans tous ses romans .
J'ai même cru qu'ici elle usait de son artifice préféré, exagérer pour mieux convaincre.
Possible , mais pas sur. Ce roman , d'une noirceur abominable, laisse planer l'ambiguïté sur le fautif : L'amour que la mère refuse à son fils , ou le cas désespéré de ce dernier. Tout y contribue, les pages s'enchainent , le malaise installé depuis longtemps s'émancipe et le lecteur s'interroge , aimerait ne pas prendre parti et laisser l'auteure l'amener à son bon gré. Remarquable , je vous dis.

Bien entendu, l'Amérique et sa société à bout de souffle se font dézinguer dans leurs travers et choisir les massacres d'ados par des ados dans les écoles est sans doute un des biais les plus convaincants.
Une société qui fait de l'extraordinaire son lait nourricier et qui ne se rend pas compte du dégout qu'elle engendre hors de ses frontières.

Voilà, en plus des qualités innombrables de tous ses romans que l'on retrouvent ici , avec certes un peu moins d'humour ou d'ironie, Lionel Shriver nous offre la thérapie d'une mère lors d'un face à face époustouflant avec son fils .
Absolument inoubliable.
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Il existe une peur dont on ne parle jamais. Elle est pourtant latente chez de nombreux futurs parents, insidieuse comme le venin d'un serpent : et si je n'aimais pas mon enfant ? Et si mon enfant ne m'aimait pas ? Et si cet amour si naturel que l'on dit spontané n'était pour moi ni l'un, ni l'autre ? Eve Khatchadourian, reporter auprès d'un magazine de tourisme, n'a quant à elle jamais désiré de fils – la grossesse, la maternité, la dépendance, tout ceci lui répugne et l'effraie à la fois. Mais lors d'une nuit d'angoisse, terrorisée à l'idée de perdre un jour l'homme qu'elle adore sans rien conserver de lui, elle prend un risque malavisé… Neuf mois plus tard, Kevin naît. Et Eve ne l'aime pas. Elle ne parvient pas à l'aimer. Rongé par la culpabilité, elle tente pourtant de donner le change, couvre le bébé de marques d'affection, mais Kevin est un étrange petit garçon, curieusement apathique et totalement hermétique à la moindre tendresse.

Le petit garçon silencieux devient un enfant trop calme, aux yeux froids et absents. L'enfant devient un adolescent introverti – un gamin comme les autres selon son père, mais un manipulateur sans scrupules selon sa mère. Car non seulement Eve n'aime pas son fils, mais elle en a peur : peur de sa maturité glaciale, si peu conforme à son jeune âge, peur de son effrayante atonie, peur de la rage froide, contrôlée, gigantesque qu'elle sent parfois frémir sous cette enveloppe trop lisse et qu'elle semble être la seule à percevoir… Et un jour, fatalement, les choses tournent mal. Très mal. Un drame terrible, sanglant, d'autant plus terrifiant qu'Eve elle-même répugne à en parler, ne l'évoquant que sous le terme « l'affaire ». Dix-huit ans après la naissance de Kevin, voici donc Eve seule, abandonnée de tous et confrontée à ce monstre inconnu : son fils. Enfermée dans son appartement, elle va coucher par écrit l'enfance de Kevin, revivre étape par étape l'évolution de leur relation jusqu'à « l'affaire », dans l'espoir de parvenir à comprendre, à lui pardonner et peut-être – et c'est là le plus difficile – à se pardonner à elle-même.

Etonnant comme un livre peut à la fois vous fasciner au point d'en dévorer les pages à toute vitesse, tout en créant une sensation de malaise telle que chaque ligne lue laisse une sensation d'aigreur au fond de l'estomac. Il faut reconnaître que « Il faut qu'on parle Kevin » accumule les sujets tabous, écorchant méchamment l'idéal familial américain au passage : l'absence d'amour entre parents et enfants, la culpabilité qu'elle entraine, les mauvais traitements physiques et psychologiques au sein de la cellule familiale, la malveillance enfantine et bien d'autres sujets tout aussi affriolants. Cette dissection sans merci d'une relation mère/fils s'avère pourtant incroyablement prenante, le genre de récit qui vous prend littéralement aux tripes et ne vous lâche plus avant la dernière page (surtout que cette relation n'est pas entièrement fondée sur le rejet, comme on pourrait le croire : il y a quelque chose d'intensément fusionnel dans le lien qui unit Kevin à sa mère, peut-être même un embryon d'amour déçu…) le style employé y est pour beaucoup : précis, analytique, acide, presque clinique par moment, car Eve Khatchadourian n'est pas une femme facile et pas toujours une narratrice très sympathique.

Le tout donne un roman noir, glaçant, passionnant qui ose véhiculer cette idée honnie : non, l'amour maternel n'est pas inné – ou du moins pas toujours et pas pour tout le monde. L'amour maternel se construit, se forme, se déforme… Et naît parfois d'étonnante façon. Au terme de son récit, Eve Khatchadourian finira par confesser « Après dix-huit ans moins trois jours, je peux finalement annoncer que je suis trop épuisée, et confuse, et seule, pour continuer de lutter, et que, serait-ce par désespoir, voire par paresse, j'aime mon fils » Mais à quel prix cet amour venu trop tard ?

(Et j'en profite pour recommander très chaudement l'excellente adaptation au cinéma de Lynne Ramsay d'une beauté visuelle époustouflante et portée par deux acteurs magnifiques de justesse et de tension. N'hésitez pas, les gens !)
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Je tourne la dernière page, le souffle coupé. Un silence flotte... mes pensées ne savent plus vers quoi se diriger... Je suis figée dans cet instant où en refermant le livre, je sais qu'il fera à jamais partie de ceux qu'on n'oublie pas.

Entre fascination et horreur, en totale immersion dans la psyché d'une mère qui se demande comment son fils a pu devenir un assassin.
Et avec le poids de sa culpabilité et de ses questions se posent aussi à nous des interrogations dérangeantes. L'amour entre un parent et son enfant est-il inné, naturel ? Est-il vraiment inconditionnel, tel qu'on voudrait se rassurer de le croire ? Une mère peut-elle, doit-elle aimer son enfant assassin ? Et s'il en est là, sont-ce ses manquements maternels qui l'y ont conduit ? le Mal qui coule dans ses veines est-il la résultante d'un désamour ? Ou était-il déjà là dès le départ ?
Tout ce que les parents - même si la mère est toujours d'abord pointée du doigt - infusent à leur enfant façonne-t-il un futur monstre ? Et le monstre a-t-il le choix d'être un monstre ?

Ce livre est brillamment écrit. D'abord parce qu'il est d'une profondeur dans l'analyse psychologique des personnages assez remarquable, mais il est aussi habile dans sa construction pour distiller touche après touche un tableau familial jusqu'au drame final. Tout est à sa place. Tout a son importance. Tout nous happe dans ces instantanés de vie où les moindres détails s'annoncent révélateurs.

C'est une histoire qui bouscule, perturbe, dérange et dans laquelle pourtant on s'enveloppe entièrement pour comprendre.
Une lecture absolument incontournable selon moi.

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A la veille de ses 16 ans, Kevin Khatchadourian a tué sept de ses camarades de lycée, un employé de la caféréria et un professeur à l'arbalète.

Sa mère, Eva, écrit à son mari, le père de Kevin, retrace la vie qui fut la sienne auprès de cet enfant. Déjà, elle avait une carrière épanouie et n'avait pas envie d'enfanter. C'est pour faire plaisir à son mari qu'elle adore, Franklin, qu'elle accepte de se soumettre à ce désir de maternité. Les choses ne s'arrangent pas à la naissance de Kevin, qui refuse son lait, est un bébé qui peut hurler 6 à 8 heures d'affilée, utilise toujours des couches à 6 ans et fait fuir toutes les nounous qui s'en sont occupées. Après les cris, ce seront le silence et le non-intérêt pour quoi que ce soit. Selon Eva car il s'agit de son témoignage, Kevin fait tout cela pour ennuyer sa mère qu'il rejette plus qu'elle ne le rejette.

Pourtant, elle fait du zèle,la maman, elle lui chante des chansons, lui sourit, essaye par tous les moyens de l'intéresser à elle et vice versa. Mais rien ne fonctionne, d'autant plus que son père prend toujours sa défense même quand il massacre les murs enjolivés de cartes postales que sa mère a mis un temps fou à décorer ... même quand les voisins se plaignent des sévices dangereux qu'il fait encourir à ses "camarades".

Pour moi, ça ne fait pas l'ombre d'un doute, Kevin est psychopathe et j'ai détesté cet "enfant". le père quant à lui est une cruche qui ne voit pas la moindre mauvaise intention dans les actes monstrueux de son gamin et n'entend pas à ce qu'il consulte un psy malgré les recommandations maternelles.

Tout ça pour en venir au drame où Kevin, emprisonné, se sent grand et fort car les medias parlent de lui et les petits voyous l'imitent ...

Seule à se sentir coupable, la mère se met en quête de tous ses souvenirs avec Kevin et rejette toutes les fautes de cet enfant monstrueux sur elle-même et son incapacité à l'aimer, sa lucidité à percevoir la nature barbare de son enfant ...

J'ai été indignée de la façon dont les mères sont culpabilisées lorsque leurs enfants se conduisent mal. Quoi qu'il en soit, c'est TOUJOURS la faute de la mère ! Même si elle est en fait la première victime de l'histoire.
Quant à Kevin, psychopathe avéré, est-ce de la faute de quelqu'un si il s'agit d'un déviant monstrueux. On ne naît pas psychopathe ? Pas sûr et les psys en sont toujours à débattre du sujet et même si il a perçu un non amour de la part de sa mère, elle a quand même fait tout ce qu'elle pouvait pour lui !
Et il lui en a fallu du courage pour tenter d'aimer et d'aider un être aussi immonde que son fils. Non, l'instinct maternel n'est pas évident quand vous avez un gosse abominable qui fait tout pour vous pourrir la vie !

Et la fin tragique de ce livre confirme mon ressenti ... Pauvre famille ! Je déteste Kevin et lui souhaite une vie aussi abominable que celle qu'il a fait subir aux autres !
N.B : je suis CONTRE la peine de mort !

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Est-ce bien utile d'ajouter une 101ème critique pour répéter ce qui a déjà été dit 101 fois, à savoir que ce livre est non seulement bouleversant, terriblement noir, dérangeant, toxique même, mais aussi intelligent, intransigeant, et encore que sa forme (le récit épistolaire) est admirable?

Non, si ce n'est pour moi qui viens de le refermer, de dire une 101ème fois à quel point il m'a remuée, et de lui donner une chance de plus de se faire découvrir.

Cette histoire poignante de carnage adolescent, de relation mère-fils toxique, sur fonds de valeurs personnelles, familiales et sociales troublées, au dénouement implacable, questionne en profondeur en faisant, comme l'écrit l'auteur, "osciller" tout un chacun, et pas seulement les mères, "entre exonération et expiation" autour d'une réflexion tout en nuances sur la culpabilité.

Je me demande lequel des personnages de Kevin ou de sa mère va le plus me hanter.
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Un coup de coeur et un coup au coeur ! Qu'est ce qui ne va pas chez Kevin ? 600 pages plus tard, impossible de rendre mon verdict. Coupable oui mais pourquoi ? le mal incarné ? la faute des parents ? de la société ?

Lire ce livre, c'était comme assister à un procès aux assises j'imagine. Un roman dense composé des lettres de la maman de Kevin, jeune tueur de masse qui a froidement tué 9 de ses camarades un après-midi d'avril.

Comme un procès fleuve, tout est disséqué jour après jour. On revient à l'origine du mal pour comprendre, expliquer l'inexcusable, faire peser les responsabilités, trouver des circonstances atténuantes peut être. Lire les lettres de cette maman d'un tueur c'est comme écouter le témoin à la barre en essayant de percevoir la Vérité à travers sa vérité et juger, juger sans cesse.

Pourtant je ne sais toujours pas quoi en penser de Kevin, de sa mère, de ce couple, de cette société américaine. Eva m'a tout raconté mais que j'aimerais savoir ce que Kevin aurait à en dire. Et son père qui ne répond pas.

Une lecture qui remue, qui interroge sur l'amour maternel et l'éducation. A lire absolument si un pavé bien dense ne vous fait pas peur.
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Étrange garçon que ce Kevin. Il faut en parler. Absolument. Il faut qu'on parle de Kevin Khatchadourian. A l'aube de ses seize ans, il tue sept de ses camarades de collège, un employé de la cafétéria et un professeur. Bienvenue dans l'Amérique qui fait peut, celle des massacres de masse, tueries gratuites perpétrées par des enfants à peine adolescents.

Eva Khatchadourian, sa mère, se remet ainsi en cause. A travers des lettres adressées au père, devenu depuis « l'affaire » un mari « absent », elle fait le point, elle tente de retracer le chemin traversé par son fils, d'imaginer ses raisons. Entre des visites au parloir de la prison et de son intime chez-soi, elle veut comprendre ce qui a poussé Kevin à commettre cet acte et surtout elle essaye de savoir quelle est sa part de responsabilité, à elle en tant que mère génitrice d'un « monstre »…

Une façon économique de faire son auto-psychanalyse où la moleskine verte d'une thérapeute est simplement remplacée par des feuilles de papier. Eva, écrit, écrit, écrit. Au début, une fois par semaine, puis plus fréquemment, puis tous les deux jours. Elle écrit pour s'en sortir. Ça coutera moins chère à la Sécurité Sociale, d'autant plus que côté mutuelle, elle ne doit plus être très aidée, surtout depuis « l'affaire ». Qu'est-ce qu'elle raconte dans ses lettres, toutes adressées à son mari ?

Sa culpabilité ? Eva se souvient son peu d'entrain à devenir mère, ses difficultés à sacrifier sa brillante carrière pour s'occuper de sa famille. Elle ne croit avoir jamais eu la fibre maternelle et dès la naissance de Kevin, elle a eu peur, peur de ce petit bonhomme haut comme trois pommes, effrayée par ses yeux grands ouverts et absents. Il faut dire que Kevin, dès son plus jeune âge, a eu un comportement plus qu'ambigu. le regard solitaire et l'oeil méchant, ce rejeton donne de sacrés frissons dans le dos.

Plus de 600 pages de lettres sans réponses comme autant de bouteilles lancées à la mer. Je me suis demandé si cela n'allait pas user de ma patience, me lasser à la longue – lire cette correspondance à sens unique. Et au final, chaque missive (qu'elle fasse 5 pages ou 20 pages) passe comme une lettre à la Poste. Car à chaque fois, j'en découvre un peu plus sur Kevin, sur Eva, sur l'ambiance familiale et l'atmosphère pesante de cette maison. Je ne me suis jamais ennuyé, j'en voulais toujours et encore plus.

[...]
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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Eva écrit à son mari l'histoire de sa vie pour mieux la comprendre et y déceler les failles. Kévin, son fils est l'auteur d'une tragédie monstrueuse dans son école et ne semble pas être pris de remords. Qu'est-ce qui peut justifier un tel acte? Au fil des pages nous découvrons cet enfant diabolique.
Je dois avouer que j'ai passé un temps terriblement long à lire ce roman épistolaire et que j'ai été forcée de lire des bandes dessinées entre temps tellement il m'a marquée!
J'ai l'impression de sortir d'un ring de boxe et d'avoir pris tellement de claques que j'en suis sonnée. Mais n'est-ce pas ce qu'on demande à un livre: de nous marquer et de nous laisser une trace? Pour sûre, elle sera indélébile !
Ce livre est une pépite d'horreur (inspiré d'histoires vraies) et déchirante dans laquelle les protagonistes sont tous détestables.
Si par moment on plaint la mère, on la blâme aussitôt. Quant au fils, c'est le démon incarné. A croire que la mère est une affabulatrice qui mériterait un oscar.
La vérité est que j'ai eu peur tout le long de croiser ces personnages, un jour, en rentrant chez moi ou encore pire comme fréquentation de mes enfants.
J'ai détesté ce livre d'une force indéfinissable autant que je l'ai aimé pour la force des sentiments que j'ai éprouvé. J'ai plusieurs fois hésité à l'abandonner tant la nausée me guettait mais je voulais connaître la suite. A croire que l'aveu des crimes et la sentence m'aiderait à me sentir mieux...
Ce livre est à la hauteur du film Elephant de Gus VAN Sant ou encore de Bowling for Columbine: un chef d'oeuvre teinté d'horreur.
Lire pour trembler et espérer que de telles histoires ne nous touchent jamais.
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Je n'avais jamais rien lu de Lionel Shriver, et là, quelle claque ! Je trouve ce roman particulièrement difficile à chroniquer : je ne sais pas sur quel pied danser, et je suppose que c'est exactement l'effet qu'a voulu produire l'autrice… de novembre 2000 à avril 2001, Eva Khatchadourian écrit des lettres à son mari, Franklin, et elle nous dit dès la deuxième ligne qu'ils sont séparés. Nous comprenons très vite que Kevin, leur fils, a fait quelque chose de grave qui suscite encore l'effroi, qui lui a valu un procès et qui attire sur sa mère des brimades. Nous l'apprendrons à la fin de la première lettre (13 pages) : Kevin, 16 ans à peine, a tué sept de ses camarades et deux adultes dans son école, moins de deux ans auparavant. Comment une telle horreur a-t-elle pu se produire ?
***
Dans ses lettres à Franklin, Eva se questionne sur sa responsabilité. Elle se ménage peu et semble faire preuve d'une totale franchise. Elle passe en revue ses réticences à être mère, ses carences, ses efforts pour aimer cet enfant difficile (très difficile !). Elle raconte comment elle abandonne son métier passionnant pour s'occuper de Kevin et parle souvent de ses regrets. Par moments, sans retenue ou presque, elle donne à voir une femme égoïste et désagréable. Eva tente aussi d'évaluer la responsabilité de Kevin, mais chaque question la ramène à sa culpabilité. Elle n'est pourtant pas la seule à être déstabilisée par cet enfant qu'elle nous décrit comme un petit monstre dès son plus jeune âge : les nounous fuient, les instits s'inquiètent, les voisins se plaignent… Seul Franklin, le père semble ne pas voir qu'il y a un problème. Plus le rythme des lettres s'accélère, plus Eva semble acquérir de certitudes sur le monde, et moins elle prend de précautions pour parler de sa relation avec Kevin et de la désagrégation de son couple, jusqu'au récit de ce JEUDI et du terrifiant final… J'ai mis longtemps à lire ce formidable, bouleversant et dérangeant roman qui touche tellement à l'intime et pose des questions auxquelles il est impossible de répondre. Si j'ai oscillé entre la sympathie et la détestation envers Eva, si Franklin m'a tantôt touchée, tantôt énervée, je n'ai jamais pu éprouver de l'empathie envers Kevin… J'ai beaucoup aimé l'écriture et le ton de Lionel Shriver qui pratique un humour noir glaçant parfaitement approprié au sujet. La dédicace me laisse perplexe : « Pour Terri, le scénario du pire, auquel nous avons tous les deux échappé ».
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