AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,61

sur 53 notes
5
1 avis
4
5 avis
3
4 avis
2
0 avis
1
0 avis
L'affaire se passe en 1949. Au sortir d'un bar de Tucson, Arizona, la jeune Bessy Mitchell, dix-sept ans et déjà mariée, se fait raccompagner par son cavalier, un militaire de la base aérienne toute proche, et les quatre camarades de celui-ci. Mais tous sont passablement éméchés et après une dispute, Bessy décide de rentrer à pied. Son corps est retrouvé le lendemain matin sur la voie de chemin de fer.
Le roman retrace toute l'enquête du coroner, enquête publique où un jury va devoir trancher. S'agit-il d'un accident, d'un suicide, de non-assistance ? S'il s'agit d'un crime, les suspects sont nombreux, un des cinq militaires, le mari de Bessy, une rencontre de hasard ? Les témoins se suivent et se contredisent, et plongent le commissaire Maigret, qui revient de jour en jour assister au procès, alors qu'il devrait suivre son homologue du FBI dans ses enquêtes sur le tout récent trafic de marijuana, dans la perplexité.

Le hasard m'a fait prendre ce roman de Georges Simenon à la médiathèque, car pour préparer le mois belge, quoi de mieux que de retrouver cet auteur, avec son policier fétiche ou pas ?
Là, l'originalité du roman réside dans le fait que le commissaire Maigret est en stage d'observation avec un agent du FBI à Tucson, en Arizona. Voilà donc une sorte de Candide chez les Yankees, qui observe avec circonspection la manière de mener l'enquête devant un jury. le jury en question devra décider s'il s'agit d'un crime ou d'un accident, et le cas échéant, mettre un suspect en examen. Cette manière de faire pose bien des questions à notre commissaire, heureusement assez doué en anglais pour suivre les débats. Il saura bien évidemment au moment opportun et en toute discrétion mettre son grain de sel pour désigner celui qu'il pense coupable.
La lecture d'une affaire menée par le commissaire Maigret est habituellement l'occasion d'une plongée dans la France des années 50, mais là, le dépaysement est des plus inattendus. Racontée avec un sens de la formule qui fait mouche et un talent d'observation inimitable, cette affaire se lit avec plaisir, enfin, sauf du point de vue de la malheureuse victime, qui manqué de chance ou bien fait une très mauvaise rencontre ce soir-là.

Lien : https://lettresexpres.wordpr..
Commenter  J’apprécie          180
Ce roman est, pour sa majeure partie, un énorme dialogue entre le coroner et les suspects, les jurés, les enquêteurs (les shérifs). Un dialogue parfois formel parfois insistant et plein de détails sur qui, quand et comment, a traversé les quelques dizaines de mètres séparant la route Tucson-Nogales (Arizona) de la voie de chemin de fer parallèle. Il y a même de petits schémas dus à l'auteur pour que l'on comprenne bien. La question est de savoir lequel des cinq jeunes officiers de l'armée américaine a vu pour la dernière fois leur amie Bessy que l'on a retrouvée éclatée par le choc avec l'express Nogales-Tucson vers quatre heures du matin. Heureusement que Maigret en voyage d'étude aux États-Unis nous commente parfois cet immense dialogue. Cependant, comme le commissaire bien connu pousse l'orgueil jusqu'à tenter de résoudre le mystère sans la moindre information supplémentaire de la part de la police locale, il patauge et le lecteur avec lui...

À force de patauger, je vous avouerai m'être ennuyé durant un bon tiers du livre: celui où le dialogue semble ne pas vouloir aboutir et où la somme des détails fournis par les témoins a cessé de m'intéresser. Peu avant l'épilogue, lorsque Maigret et ses collègues finissent par se parler, on commence à saisir ce que la surface formelle de cette audience de tribunal nous cache, à percevoir la profondeur des personnages...

Un Simenon intéressant, une description assez pertinente de la société américaine, sans plus. Dommage.
Commenter  J’apprécie          140
Maigret au Far West !
Bon, cette fois, ce n'est pas lui qui court après les gangsters, il est en voyage d'études. Cela ne l'empêche pas de trouver le coupable en assistant à l'enquête - pour le moins déroutante - d'un confrère américain sur la mort d'une jeune femme. Déroutante, car l'enquête ne se déroule pas du tout, mais alors pas du tout, comme il en a l'habitude. Maigret est d'autant plus déconcerté que, même s'il comprend la langue, il ne comprend tout d'abord ni les comportements ni les points de vue des protagonistes, surtout pas ceux des policiers, et ne voit pas (nous non plus d'ailleurs) comment ils vont arriver à boucler leur enquête.
Un roman policier dépaysant et distrayant par son cadre inhabituel, avec des descriptions de première main. Écrit en 1949 à Tucson, Arizona, une description de l'Amérique « en noir et blanc » comme un western d'époque.
Commenter  J’apprécie          130
Tel Mr Pyke, de Scotland Yard, venu, dans "Mon Ami Maigret", observer les "méthodes" du célèbre commissaire au 36, Quai des Orfèvres, ce dernier est ici en "voyage d'études" aux USA. Depuis le New-Jersey, où a commencé son périple, notre Maigret national a eu le temps de devenir deputy-sheriff dans plusieurs comtés d'Etats parmi lesquels on citera la Louisiane, la Virginie et l'Arizona. L'Arizona, justement, il y débarque à peine, sous le patronage de Harry Cole, agent du FBI fort occupé à traquer des trafiquants de marijuana faisant des allers et retours parfaitement illicites mais très lucratifs entre Tucson et le Mexique.

Tandis qu'il poursuit sa mission personnelle, Cole "abandonne" plus ou moins Maigret à lui-même, plus précisément dans un tribunal local où un jury de cinq personnes va décider si, oui ou non, le décès de Bessy Mitchell, dix-sept ans et donc mineure mais déjà mariée et divorcée, est dû à un simple accident ou bien si quelqu'un, passant près de la voie ferrée sur laquelle on a récupéré le corps déchiqueté de la malheureuse, aurait pu entendre, s'il y en a eu, ses appels au secours et, par conséquent, lui venir en aide. Troisième hypothèse, à laquelle tout le monde songe bien sûr mais sans l'exprimer de façon aussi brutale qu'on le ferait dans un tribunal français (le système judiciaire américain est fondé sur la procédure anglo-saxonne et radicalement différent du système français ou européen en général) : quelqu'un a laissé Bessy Mitchell, complètement ivre ou déjà morte, sur les rails, en espérant que le train achèverait la besogne.

D'abord un peu perdu en raison de son anglo-américain qui date du collège et qui n'est pas parfait-parfait, Maigret se passionne vite. Face à la présence invisible mais pour ainsi dire palpable de Bessy, toute jeune femme un peu trop libérée pour la petite ville où elle était née et qui aimait un peu trop les bars, les sorties et la gent masculine, cinq hommes : le sergent Ward, vraisemblablement amoureux d'elle et qui avait promis de divorcer pour l'épouser ; le sergent Mullins qui, lui, se posait en rival de Ward et qui offrait l'avantage d'être célibataire ; le caporal van Fleet et le sergent O'Neil qui étaient surtout de bons copains de Ward ; et enfin le caporal Wo Lee, d'origine chinoise, qui présente la particularité de ne boire que du coca et jamais d'alcool. Tous figurent sur le banc des prévenus. On peut déjà les inculper pour incitation à la débauche sur une mineure (la débauche signifiant ici, plus qu'autre chose, le fait de traîner de bar en bar et d'absorber de l'alcool.) de là à déterminer s'il y a, parmi eux, un ou plusieurs qui ont fait passer Bessy de vie à trépas, il y a tout de même un sacré fossé ...

L'action se situe en 1949, ce qui explique la réflexion poussée que fait ici Simenon sur le puritanisme américain, sur ses limites et ses déviances. On sent que la question l'intrigue et même le stupéfie. Ce viveur sans complexes est étonné d'une hypocrisie que, selon lui et bien qu'il ne l'exprime pas clairement, par une courtoisie d'autant plus naturelle qu'il vit alors aux Etats-Unis, on ne retrouve pas aussi complète en Europe. La description que l'écrivain belge donne des bars américains est en cela très révélatrice : tout d'abord, pas de terrasse car il fait si chaud que tout le monde se rue dans la salle climatisée ; puis les clients sont tous des hommes, peu bavards, l'oeil vague, à la recherche de quoi ? ... tout le monde le sait, ces hommes comme le lecteur européen mais ce dernier seul trouverait naturel de le dire ... ; quant aux femmes, si elles se risquent en ce lieu de perdition, c'est toujours accompagnées. Pas une seule tapineuse dans le secteur. Pourquoi y en aurait-il d'ailleurs puisque tous ces messieurs, au bar, sont heureux chez eux, en famille ? Ils ont tous (ou presque) femmes et enfants, avec une jolie maison, une belle automobile comme les Américains savaient en faire à cette époque de plénitude financière, et une situation qui leur assure non seulement le nécessaire mais aussi le superflu. Pourquoi sont-ils là, alors ? vous entêterez-vous à demander. Eh ! bien, parce que c'est l'usage, pour se délasser tout seul devant un verre (et en tout bien tout honneur) avant de rentrer retrouver l'épouse adorée et les enfants paisiblement endormis, pour se montrer un homme viril et solitaire, comme dans les bons vieux westerns de naguère, ne serait-ce que pendant une heure.

Maigret observe, aussi. Mieux, il apprend que, outre ces bars "grand public", il existe des "clubs privés", un peu à la mode anglaise, où l'on mange très bien, où l'on boit des alcools rares mais où, jamais, au grand jamais, on ne verra un membre rouler sous la table. S'il veut le faire, il doit retourner au bar "public." Cela aussi, c'est la tradition. Bien entendu, entre ces différents clubs, se pratique une sorte de "ségrégation" sociale et même raciale. Si l'Union locale des Charpentiers a son club par exemple, on n'y accepte pas les maçons. de même, les descendants d'immigrés mexicains tout à fait américanisés ne sauraient tolérer en leur club personnel que l'un des leurs parle ... espagnol.

On comprend que Maigret finisse par regretter ses demi-sels et ses caïds de Pigalle, sa Brasserie Dauphine et les bonnes bières fraîches qu'il prend en terrasse, dans un Paris qui s'éveille au printemps, en compagnie de l'un ou l'autre de ses inspecteurs, voire de l'un de ses suspects éventuels. En outre, au tribunal, il se rend vite compte que le juge semble "oublier" de poser des questions que lui, Maigret, aurait fait passer "à la chansonnette" depuis belle lurette. Evidemment, c'est là encore l'usage et cela n'empêchera pas la partie civile, symbolisée ici par Mike O'Rourke, le quasi-homologue de Maigret dans le coin, aussi rond et aussi gourmet que lui d'ailleurs, d'avoir gain de cause. Cela n'empêchera pas non plus le commissaire de deviner l'identité de l'assassin. Mais, du verdict, il ne saura rien car on le prie de faire ses bagages avant la fin du procès afin d'aller "étudier" un crime en Californie, du côté de Hollywood.

Et pourtant, malgré les frustrations ressenties, aussi bien par le commissaire qui ne peut intervenir, n'étant ici qu'un simple invité sans aucun pouvoir réel, que par le lecteur à qui manquent beaucoup certaines habitudes, certaines façons de procéder typiques du Simenon classique, "Maigret Chez le Coroner" est un excellent roman. Bien décidé à ne pas retomber dans les ornières qui indisposent de manière si regrettable le lecteur de "Maigret à New-York", Simenon prend le parti d'un récit, somme toute assez statique, dans le genre de n'importe quel grand film de prétoire comme "Autopsie d'un Meurtre" de Preminger, avec James Stewart, ou encore "Le Procès Paradine" d'Hitchock. Les amateurs de séries américaines plus récentes, dont le célèbre "Law & Order", verront tout aussi bien ce que je veux dire. Mais, bien entendu, c'est du prétoire américain à la Simenon car le héros n'est ni le juge, ni l'attorney, certainement pas les avocats (nous n'en sommes pas encore à ce point dans le procès) et pas même les inculpés, mais bel et bien Maigret, que l'inaction forcée fait cogiter et méditer encore plus que d'habitude et qui, de son banc, au milieu du public, mène l'enquête pour nous, fort de cette certitude que, partout, l'homme est toujours le même. Il peut y avoir quelques détails qui diffèrent, c'est entendu, mais le fond, lui, reste le même : jalousie, désir, avidité, alcoolisme, frustration, jouissance des mains qui se referment autour d'un cou pour étrangler - américaines ou européennes, ces émotions-là ne changent pas.

Simenon nous le prouve bien dans "Maigret Chez le Coroner. Ne manquez pas la démonstration : elle est superbe.
Commenter  J’apprécie          110
Ecrit en 1949

Il avait maintenant l'air d'un boxeur qui s'est fait salement sonner au cours des rounds précédents et qui s'avance vers son adversaire pour le knock-out, de sorte qu'on le suivait des yeux avec une certaine pitié.
De quelle façon est clamecé Bessy une jeune de 17ans ex divorcé dont le corps a été découvert mutilé sur une voie de chemin de fer proche de Tucson proche de l'Arizona
Le commissaire Maigret En mission d'étude auprès de ses collègues du FBI, il n'est que le témoin, souvent surpris, quelquefois réprobateur, des méthodes américaines en matière d'investigation criminelle.
Cinq suspects - de jeunes soldats de la base militaire voisine, avec lesquels la jeune fille a passé sa dernière soirée - vont témoigner devant le coroner, en présence d'un public nombreux et passionné. La vérité éclatera-t-elle avant que Maigret ne parte pour Los Angeles, prochaine étape de son voyage ?
Observateur attentif de son époque, Georges Simenon brosse ici un tableau captivant et toujours actuel des moeurs judiciaires américaines. Une peinture de l'Amérique des états unis autrement dit
On assiste a' un Maigret un peu déconcerté par les méthodes de la justice américaine
Enfin un harmonieux roman de la littérature classique policière a' ne pas regretté.
Commenter  J’apprécie          90
C'est au tour de Maigret de partir en voyage d'étude. Aux Amériques, où il aura l'occasion de constater les différences de traitement d'une enquête (et des suspects) entre la France et les États-Unis.

Un commissaire qui aura bien de la peine à ne pas intervenir et qui devra se contenter de ronger son frein devant leurs étrangères procédures.

Un livre qui a bien vieilli et qu'il faut prendre « dans son jus » de l'époque pour supporter des termes qui ne sont plus admissibles aujourd'hui
Lien : https://www.noid.ch/maigret-..
Commenter  J’apprécie          80
Pour ceux qui ne le sauraient pas encore, Simenon est l'auteur avec lequel j'ai découvert les polars étant enfant. Nous possédions plusieurs exemplaires des aventures de Maigret chez nous et je les ai dévoré en à peine une semaine, tellement j'ai aimé cet univers. Pouvoir retrouver ce commissaire attachant et ce style que j'aime tant fut un pur plaisir!

Dans ce tome, Maigret se trouve aux Etats-Unis et suit certains de ses homologues américains dans leurs enquêtes pour découvrir leurs techniques d'investigation. Il va ainsi assister à une enquête concernant la mort d'une jeune femme déchiquetée par un train. le jury doit décider si les personnes qui l'accompagnaient y sont pour quelque chose ou si c'était uniquement un accident. La façon de procéder du coroner et des enquêteurs ne laissera pas Maigret indifférent, surtout qu'il aura bien envie d'intervenir plus d'une fois.

Durant le récit, nous suivons autant les séances du coroner que des échanges entre Maigret et des protagonistes de l'affaire. J'ai beaucoup aimé tout ce qui touchait à cette enquête et ressentir l'impatience du commissaire face à la manière un peu brouillonne de procéder des américains, du moins de son point de vue. du coup, j'ai moins aimé les passages qui ne concernaient pas ce fait divers, comme les rencontres avec son collègue, qui a mon goût n'amène rien au récit et nous éloigne au contraire de l'enquête qui nous tient en haleine.

Je n'en dirai pas plus sur l'histoire, car le récit est très court et je n'aimerais pas vous faire découvrir par mégarde des points essentiels du récit. Mais sachez que jusqu'au bout le doute plane et qu'on peine à savoir où l'auteur va nous emmener.

Pour ceux qui sont intéressés par la comparaison entre les systèmes pénaux français et américain de l'époque, ce livre est parfait. Il nous montre bien les différences à travers les yeux de Maigret et nous amène à penser les faits de différentes manières, ce qui est instructif. du coup, les séances chez le coroner sont vraiment palpitantes et les pages se tournent très vite.

En bref, j'ai passé un excellent moment avec ce livre, même si les passages hors enquête m'ont moins plu. Il plaira à ceux qui aiment les polars plus classiques, loin des thrillers d'aujourd'hui, et je leur conseille vraiment de découvrir le style accrocheur de Simenon, si ce n'est pas déjà fait.
Commenter  J’apprécie          70
En voyage découverte auprès de ses confrères aux États-Unis, le commissaire Maigret assiste à un procès où quatre jeunes militaires sont accusés d'un possible homicide. le cas est complexe : après une soirée très arrosée, 4 jeunes soldats emmènent une jeune fille dans le désert en pleine nuit et en reviennent sans elle après une altercation. Son cadavre est retrouvé quelques heures après, écrasé par un train de marchandises. Est-ce un meurtre, un homicide involontaire ou un accident ? Et qui est éventuellement le coupable ?
Le commissaire se passionne pour le cas, d'autant plus qu'aucun témoignage ne correspond, ni ceux des accusés, ni ceux des témoins. Tout en constatant les différences entre les juridictions françaises et américaines, le policier constate que les humains sont quant à eux les mêmes. Et s'il regrette que certaines questions ne soient pas posées lors du procès, son homologue américain lui apportera les compléments d'enquête nécessaires pour comprendre ce qui s'est passé.
Un roman à énigme rondement mené, une intrigue à priori insoluble, une variante du meurtre en chambre close. Mais un roman qui a également mal vieilli : le policier américain et le commissaire Maigret considèrent tous deux que les quatre soldats sont avant tout des grands gamins qui ont fait une bêtise, minimisant la mort de la jeune femme en considérant que celle-ci était de « mauvaise vie ». Sans oublier quelques propos à la limite du racisme concernant le militaire d'origine asiatique.
En bref, une curiosité pour les amateurs de l'auteur, mais sans doute pas un livre pour faire découvrir Simenon à un néophyte.
Commenter  J’apprécie          60
Maigret a découvert les Etats-Unis, on disait l'Amérique, dans Maigret à New York, où il a mené une enquête à titre privé. Dans Maigret chez le coroner, il est en voyage d'études dans l'Arizona, l'une des étapes d'une tournée qui lui parait interminable. On ne sait pas trop ce qu'il a étudié jusqu'à présent (on connaît son peu de goût pour les « méthodes ») mais son collègue du FBI de Tucson lui a suggéré d'assister aux séances publiques d'une enquête conduite par un coroner qui, assisté d'un jury populaire, doit déterminer, préalablement à une éventuelle mise en accusation, si la mort d'une jeune femme relève d'un accident, d'un suicide ou d'un homicide. Celle-ci, Bessy Mitchell, a été découverte mutilée sur la voie de chemin de fer reliant Tucson au Mexique. La veille, elle était sortie pour une soirée particulièrement arrosée avec cinq militaires de la base d'aviation proche de la ville.
Le roman relate une procédure particulière à la justice américaine (et anglo-saxonne) à laquelle Maigret n'assiste qu'en tant que spectateur, le fait de ne pas pouvoir intervenir le mettant parfois en rage. Patient, il assiste aux interrogatoires des jeunes gens et aux dépositions des témoins, des policiers pour la plupart, tout en essayant de comprendre comment les choses se sont déroulées. Après tout, les hommes ne sont-ils pas partout les mêmes ? Les séances se succèdent, entremêlées de discussions avec ses collègues, le plus souvent dans des bars ou la bière et le whisky coulent à flot. Maigret, à défaut d'apporter des preuves inattaquables, se fera finalement un intime conviction, que les derniers rebondissements devant la cour viendront en partie confirmer. Quant à la décision des jurés, personne n'en saura rien, le commissaire devant quitter Tucson pour Los Angeles avant la fin de leurs délibérations, pour une autre « étude ».
Le roman, dont l'action s'étale sur quatre jours et qui fait une large place aux échanges, ne tient pas vraiment le lecteur en haleine mais est intéressant en qu'il constitue une des trois aventures dans laquelle Maigret a affaire aux Etats-Unis. Dans Maigret à New York, son enquête s'est soldée par un semi-échec et sa découverte de la vie quotidienne outre-Atlantique et des procédures policières l'a laissé perplexe. Maigret chez le coroner montre un Maigret moins négatif, à la fois impressionné par les conditions de vie de gens « qui ont tout » (le roman est écrit alors que l'Europe peine à se remettre de la guerre) et, en fin observateur, sceptique devant certaines pratiques sociales non dénuées d'hypocrisie : « Qu'est-ce qui ne tournait pas rond dans ce pays-là, où iles avaient tout ? ». Ce n'est que dans Maigret, Lognon et les gangsters qu'il aura une sorte de revanche, en montrant à des collègues américains en mission à Paris ce que vaut la police française… Car les relations entre Maigret et les Etats-Unis sont complexes, cet homme du terroir ayant beaucoup de mal à se faire à un pays qu'il ne comprend pas ou, plutôt, qu'il ne cherche pas vraiment comprendre. Sa dernière remarque, dans l'avion qui l'emmène vers la Californie - « Qu'est-ce qu'il faisait là ? » - ne résume-t-elle pas son opinion ?
Maigret chez le coroner constitue aussi un bon exemple de roman policier judicaire, genre anglo-saxon peu pratiqué par les auteurs français. Simenon s'était déjà lancé dès 1940 avec un de ses meilleurs « romans durs », Les inconnus dans la maison, qui est comme ici une histoire de « sales gamins », et dont la deuxième partie relate minutieusement la tenue d'un procès d'assises. Il récidivera en 1960 avec Maigret aux assises, dans lequel il décrit un commissaire las et désabusé face à un appareil judiciaire qui, selon lui, schématise et désincarne les êtres de sang et de chair que la police a filés et arrêtés, et, d'une certaine manière, compris. Pour lui, trop éloignée du terrain, étrangère aux femmes et aux hommes qu'elle ne connait que par la lecture de dossiers, la justice dévoie la personnalité de ceux qu'elle est chargée de juger : « L'affaire n'est dessinée qu'en quelques traits, les personnages ne sont plus que des esquisses, sinon des caricatures… ». Quant à savoir si le système anglo-saxon est plus efficace…

Lien : https://maigret-paris.fr/202..
Commenter  J’apprécie          30
Une curiosité.

"Et voilà qu'il arrivait à Maigret, tout à l'heure lourd et somnolent, lui qui ne connaissait rien à l'affaire, d'ouvrir parfois la bouche, comme si une question lui brûlait les lèvres".
Oui, mais voilà.
En voyage d'étude, aux states, parachuté en Arizona, il a un peu les mains liées.

Donc motus et bouche cousue. Néanmoins, çà le démange tellement, de ne pas pouvoir cuisiner les témoins ! Une vraie torture.

Pourtant, rien n'indiquait qu'il se prendrait de passion pour ce meurtre.
Celui d'une jeune serveuse Américaine, dont les principaux suspects sont des soldats de l'U.S. air force, tous un brun éméchés lorsque celle-ci est fauchée par un train.
Eh bien tant pis, il va décider de s'armer de patience, et d'affronter ces si étonnantes méthodes d'investigation Américaines...

Un Maigret un peu spécial, où Simenon... euh non, "Julius", est spectateur de la machine judiciaire Américaine.
Un roman qui rappelle énormément "12 hommes en colère", chef d'oeuvre du grand écran sorti bien plus tard.

C'est un peu comme dans un rêve, un peu irréel tant il est improbable de l'imaginer dans ce rôle d'observateur.
Mais pas déplaisant, cela tranche avec le reste de la série.

Dénouement classique par contre, pas surprenant.
Comme d'habitude, c'est le plaisir de suivre le commissaire dans ses découvertes qui prime.
(plus d'avis sur PP)
Commenter  J’apprécie          10




Lecteurs (168) Voir plus



Quiz Voir plus

Le commissaire Maigret

Quel est le prénom du commissaire Maigret ?

Hercule
Édouard
Jules
Nestor

12 questions
278 lecteurs ont répondu
Thème : Georges SimenonCréer un quiz sur ce livre

{* *}