Loin de valoir pour tous les pauvres en général, ces déterminations semblent ne concerner qu'une partie d'entre eux: les bénéficiaires de l'assistance. Il demeure bien des pauvres sans aide aucune; ce qui prouve assez la relativité du concept de pauvreté. Est pauvre celui dont les moyens ne suffisent pas aux fins qu'il poursuit. Ce concept rigoureusement individualiste se resserre pour la pratique en ceci que certaines fins échappent à l'arbitraire et ne sont pas posées à titre uniquement personnel. Comme, au premier chef, celles concédées à l'homme pour sa préservation physique: alimentation, habillement, logement. Toutefois, on ne saurait fixer de façon sûre une quelconque mesure de ces besoins qui vaudrait partout et en toutes circonstances, et en deçà de laquelle on se heurterait à la pauvreté absolue. Bien plutôt, chaque milieu général comme chaque couche sociale particulière a des besoins qui lui sont propres; et être pauvre, c'est ne pas pouvoir les satisfaire. D'où ce fait banal pour toute civilisation plus développée: les personnes qui sont pauvres dans leur classe ne le seraient pas le moins du monde dans une classe inférieure, car leurs moyens suffiraient à atteindre les fins propres à cette seconde classe. Il se peut donc que le plus pauvre dans l'absolu ne soufre pas de l'écart entre ses moyens propres et les besoins de sa classe, si bien qu'il n'y a aucune pauvreté ici, au sens psychologique du terme.
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tout bien considéré, la double position du pauvre - comme de l'étranger - , telle que nous l'avons caractérisée, se vérifie chez tous les éléments du groupe, avec seulement des nuances. Un individu a beau être intrinsèquement lié à la vie du groupe par des contributions positives, entrelacer vie privée et vie sociale, il fait cependant toujours face à cette collectivité, contribuant à son bon fonctionnement ou en tirant bénéfice, bien ou mal traité par elle, engagé envers elle intérieurement ou seulement extérieurement; bref : comme séparé d'elle, objet vis-à-vis du sujet qu'est l'ensemble social, dont il est pourtant membre, partie-sujet, du fait même de ces actions et circonstances qui sont au fondement de leurs rapports.