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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
En entamant ce roman, j'imaginais un roman "à la Balzac", c'est à dire grouillant de vie, une sorte de peinture réaliste d'un quartier juif de New-York... Mais il ne s'agit pas de cela. L'action se déroule en 1947 au sortir de la guerre. le milieu est celui de l'intelligentsia juive qui a fui l'Europe et ses massacres. L'action débute in medias res au cours d'un repas réunissant tous les proganistes du roman qui sont en vrac : un riche parvenu, sa fille, un avocat sans travail, un médecin, un philosophe et la figure centrale, le séduisant Grein qui gagne sa vie en boursicotant et qui sera partagé entre trois femmes tout au long du roman.
Nous suivons tous ces personnages dans leur errance mentale, leur déprime et leur chute. Ombres sur l'Hudson pose les questions bienvenues après la Shoah de l'existence de Dieu, sa bonté (et son bon sens : comment un Hitler ou un Staline ont-ils pu exister ?), la consistance de l'être humain et naturellement de l'identité juive et ce qui la compose (encore). New York est assez peu décrite et semble représenter la situation conflictuelle et labyrinthique de ces personnages coincés entre la vieille Europe perdue à jamais et ce nouveau monde qu'ils ne peuvent tout à fait faire leur.
Le bonheur semble s'échapper à tout instant pour ces rescapés que la culpabilité, le doute et le questionnement de soi étouffent à tout instant.
On soupire et on a parfois envie de les secouer. Car, je les ai trouvés tout autant irritant ces personnages que touchant.
Le roman est long mais la lecture est fluide, l'écriture et certains thèmes étonnament modernes. Ne pas être trop déprimé cependant avant de le commencer ! Non que le ton soit sentimental, larmoyant.. bien au contraire.. mais il y règne une sensation de fin du monde où les blessures béantes de chacun resteront telles quelles.


Challenge Nobel 2013/2014
3 / 15
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New-York, ville d'accueil pour des milliers de juifs fuyant la montée du nazisme durant les années 30, ville de la deuxième chance pour ceux qui perdirent tout en Europe de l'Est. Singer fut l'un de ceux-là. Mais ce n'est pas la possibilité d'un élan nouveau qu'il dépeint dans Ombres sur l'Hudson, roman foisonnant publié dans un premier temps par épisodes en 1957, entièrement rédigé en yiddish, « la langue des martyrs et des saints, des rêveurs et des kabbalistes (…), la langue sage et humble de nous tous, la langue de l'humanité effrayée et pleine d'espoir », dira-t-il en recevant le prix Nobel de Littérature en 1978. Non, ce qu'il choisit de dépeindre, c'est l'agitation stérile d'une douzaine de personnages principaux au lendemain de la deuxième guerre mondiale, chacun incarnant une modalité de déréliction ou de déchéance.
Il y a ceux qui ont su faire fortune mais qui ne savent pas quoi en faire, écrasés par la honte de vivre dans une opulence sans joie alors que tant de parents ont été réduits en cendres, au point d'imaginer qu ' « on a assassiné les bons » et que tout survivant est douteux. Il y a ceux qui traînent leur désenchantement, à l'instar de Grein qui malgré son érudition et sa séduction se perçoit comme « un vieux cheval épuisé qui dort debout ». Ceux qui, artistes reconnus en Europe, renoncent à repartir de rien dans une monde moderne qui leur apparaît clinquant et plat, « à deux dimensions ». Ceux dont la foi vacille, ceux qui voient dans leur histoire entière « un vaste pogrom » dont se moque le Créateur, ceux dont le doute les amène à comparer Dieu à un « Hitler cosmique ». Ceux qui s'agrippent désespérément aux vieilles traditions des communautés juives dont ne veulent plus entendre parler les jeunes générations au contact de la matérialiste Amérique : « Ils avaient résisté à l'idolâtrie pendant trois mille ans et voilà que d'un seul coup ils devenaient des producteurs en vue à Hollywood, des directeurs de journaux connus, des dirigeants communistes radicaux ».
Mais impossible de fuir cette cité de l'enlisement, ce « tohu-bohu », ce « cloaque » protéiforme qui tantôt raconte « une histoire lumineuse, écrite à coups d'éclairage sur des rivières, des lacs, des bateaux », tantôt se laisse engloutir par la neige hivernale, comme « un vestige d'une civilisation déjà à moitié disparue ». Car New-York est surtout la ville de la facilité, « bâtie sur le principe de la récompense immédiate », ville des illusions et de la vénalité, où tout est objet de transactions, y compris la mort : « A New York on peut louer tout ce qu'on veut. Même quelqu'un pour observer les Sept Jours de deuil à votre place ». Les échappatoires seront des leurres, les incessants croisements amoureux révélant davantage l'inconstance des coeurs que leur vitalité. Une suite de chapitres à la fois hilarants et mélancoliques met en scène la fugue des amants scandaleux Grein et Anna en Floride, à Miami, nouvel Eden couvert d'oranges, liberté ensoleillée en dehors de toute convention. Mais passée la première euphorie, ils n'y trouveront que vulgarité et mesquinerie – et leur solitude fondamentale. Retour au point de départ.
L'auteur du Magicien de Lublin, conteur hors-pair fidèle à la ligne claire de ses récits et soucieux de donner la parole à tous les possibles de l'humain, suit avec attention ces consciences égarées, ombres dostoïevskiennes sur le mode mineur, suffisamment lucides pour ne rien ignorer de leur propre inadaptation à la vie, pas assez volontaires pour se dépêtrer de leurs contradictions que la bouillonnante New York exacerbe. On finit par se remarier sans amour, donner naissance à un fils inespéré – mais il sera attardé mental -, ou abdiquer sa judaïté, ou au contraire opter pour un retour rigoriste aux pratiques religieuses, non par élan mystique, mais pour « museler la bête humaine ». Idéal amer, sur la défensive – le seul qu'autorise la ville-monde dans un monde que ne reconnaissent plus les inconsolables déracinés.
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New York 1947, le roman s'ouvre sur une scène de dîner chez Boris Makaver, homme d'affaires âgé qui a fui le ghetto de Varsovie quelques années auparavant. Les convives autour de lui sont tous des proches ou des amis juifs exilés à New York, dont nous allons suivre à un moment donné la trajectoire.
Cette première soirée au terme de laquelle Anna Makaver quitte son mari Sebastien Luria pour une vieil ami de sa famille, Grein, lance l'un des fils conducteurs du récit, c'est-à-dire les liens qui se font et se défont entre la quinzaine de personnages, et toutes les réflexions qu'entrainent et déterminent les choix de chacun. Grein ne cessera ainsi d'hésiter entre trois femmes, Leah son épouse, Anna fille de son ami Makaver qu'il a connu enfant, et Esther, qui est sa maîtresse depuis douze ans. le docteur Malogrin hésite à reprendre sa femme et sa fille, parties vivre avec un officier nazi pendant la guerre...
Ombres sur l'Hudson peut faire penser à Manhattan Transfert de Dos Passos, notamment dans la construction du récit qui s'attache à une constellation de personnages qui entretiennent des liens plus ou moins étroits, qui disparaissent, ou réapparaissent au détour d'une conversation entre deux personnages. le moteur des personnages restent cependant leur rapport à la judaïté, et à la Shoah : comment et pourquoi vivre après les camps ? Les réponses comme les personnages sont multiples, souvent excessives, et toutes relatives, qu'il s'agisse de la religion, de la passion, du mensonge, de la perte de soi.
Ayant lu ce roman il y a près d'un an, le sentiment que j'en garde est celle d'une grande instabilité des trajectoires, de relativité des choix, qui changent à chaque instant (ce qui paraissait évident la veille parait saugrenu le lendemain), de passages également où l'on s'ennuie devant tant d'indécision qui ressemble parfois à du caprice. C'est sans doute ce qui en fait un grand roman où, comme les personnages, on s'accroche au moindre sursaut de vie, même si c'est encore une illusion.
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Un groupe de gens qui se fréquentent, s'apprécient, dans un salon new-yorkais. Surtout des homme, si ce n'est la fille de l'hôte, 27 ans. La trentaine, la quarantaine, la cinquantaine, parfois riches, parfois bourgeois, parfois pauvres, plutôt intellectuels. Ils échangent des idées, se contredisent, discutent. La jeune femme qui papillonne dans le groupe fait naître des sentiments, des envies.
Un groupe de gens qui se fréquentent au coeur de New York, on est en 1947. La guerre en Europe s'est terminée il y a peu, avec son lot d'horreurs.
Un groupe de gens qui se fréquentent en 1947 à New York, et ils sont tous juifs, juifs de Varsovie. La guerre et son lot d'horreur n'est même plus dans les têtes, elle est partout, dans les nerfs, les corps, les pensées, tatouée, sculptée, et ces gens qui se fréquentent, parlent de dieu, de la vie, de la destinée humaine, sont encore sonnés par la violence de ce qui s'est passé. Certains y ont perdu leur famille, ont réussi à fuir, d'autres ont émigré avant la guerre, et portent la culpabilité du survivant, certains veulent vivre, mais à chaque pensée, le génocide est là, évoqué comme "ce qu'a fait Hitler, les tueries d'Hitler, cet assassin d'Hitler". Un des personnages est un rescapé des camps, un des personnages les plus attachant.
Presque au même plan, il y a Staline, c'est curieux, ils mettent à égalité les deux assassins, les deux calamités du siècle (Mao n'a pas encore officié). Certains sont tentés par le communisme pourtant, défendent bec et ongles la cause du peuple et son petit père, en tous cas depuis les Etats-Unis. Mais les nouvelles d'URSS ne sont pas bonnes, notamment pour les juifs, mais pour tout le monde en général. On y blague même, pour ceux qui ont réussi à fuir le pays, sur les dénonciations qui occupent le quotidien soviétique : ta maîtresse te dit du mal de Staline, et si tu ne protestes pas vigoureusement, elle file te dénoncer pour non dénonciation… Donc, tu vas la dénoncer, et tout rentre dans l'ordre jusqu'à la prochaine lubie. Personne n'est dupe, il faut juste choper le truc.
Des pages un peu longuettes sur les cérémonies juives. D'autres sur "pourquoi y aurait-il un dieu, si c'est pour permettre à des Hitler ou des Staline de faire ce qu'ils ont fait ?". L'envie de suivre les préceptes de la religion, mais c'est un pensum. Les nouvelles générations qui s'en foutent complètement.
Et les femmes.
C'est quasiment une étude sur l'indécision. Ca conduit le livre et quelque part, ça le pourrit. On s'y reconnait, dans le questionnement, et si je fais ça, si je largue tout, ça va donner quoi dans deux ans, dans dix ans. Et j'ai trop envie de le faire, mais est-ce vraiment ce que je veux ? Mais pourquoi garder les choses en l'état, alors que je m'ennuie mortellement. Par acquis de conscience, par respect pour l'autre, mais la vie est faite d'autre chose, mais au fond, de quoi est faite la vie… Etc.
Pas de leçon de morale, ni de coups de gourdin sur "regardez comme on a souffert" assénés au lecteur. C'est de la vie qui est décrite, pleine de trous, vaille que vaille.
Ca a d'abord paru en feuilleton. L'auteur (prix Nobel) a dû lui aussi se triturer d'indécision sur le sort de ses personnages, alors j'en fais quoi, de celui-là, ce qui rend le livre vivant et bancal… comme la vie.
Ca fait 900 pages et ça pourrait encore continuer, 900 pages en photo d'une société à un moment donné, avec ce passé impossible et cet avenir assombri et pourtant porteur de lumière.
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D abord paru en yiddish sous forme de feuilleton en 1957, Ombres sur l Hudson est réédité en anglais en 1998. Isaac Bashevis Singer nous emmène à New York, en 1947 et nous invite à rencontrer toute une galerie de personnages juifs. Toutefois, ceux-ci sont très différents les uns des autres et leur rapport au Judaïsme est loin d être simple.

Survivants des camps de la mort, les personnages sont hantés par les êtres chers qu ils ont perdu. Ils sont envahis par la culpabilité d avoir survécu.
Entre l envie de vivre et la honte de ne pas en profiter correctement, Grein, Boris, Anna, Esther,...nous montrent tous leurs états d âme.

C est un roman qui bien qu un peu long par moment (910 pages) pousse à de nombreuses réflexions. Quel sens trouver à sa vie après avoir vécu l'horreur? Comment savoir qu on est sur le bon chemin? Dieu est-il bon ou mauvais? Existe-t-il?
Toutes ces questions et bien d autres encore sont posées par des personnes torturées, empêchées de profiter pleinement de l amour et de la vie.

Certaines scènes prêtent à rire. Isaac Bashevis Singer se moque ouvertement de certains travers qu on prête, à juste titre ou non, aux Juifs. Il se rit de certains traits caricaturaux.

J ai trouvé ce livre très intéressant et parfois assez clairvoyant. Certaines analyses sont encore tout à fait actuelles.
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Lire Isaac Bashevis Singer est comme un voyage de retour dans une de mes vies antérieures et m'arrachent des larmes, à chaque fois.
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