Avec La chambre close, comme à leur habitude,
Maj Sjöwall et
Per Wahlöö offrent au lecteur autant un polar qu'un traité politique de la Suède du début des années 70.
Côté polar, deux affaires constituent les sujets principaux du livre.
D'une part un hold–up sanglant, qui mène sur la piste d'un gang organisé. Cette enquête permet aussi de réfléchir sur la qualité des témoignages et sur la notion de justice, notamment avec sa conclusion. L'essentiel est–il de condamner un coupable, même pour un crime qu'il n'a pas commis, bien qu'étant coupable d'un autre crime, impunis lui ?
D'autre part, la mort mystérieuse d'un individu, dans son appartement parfaitement clos. Tout laisse à penser à un suicide, mais Martin Beck est sceptique et va mener cette enquête tranquillement, patiemment, alors qu'il est convalescent et se remet juste de ses blessures par balle (voir L'abominable homme de Säffle). Cette affaire–ci permet de se pencher sur le sérieux du travail de la police, selon si la victime est une personne sans importance (et dans ce cas, on peut bâcler l'investigation) ou si elle est connue. Une sorte de police de classe.
C'est d'ailleurs un thème récurrent chez
Sjöwall et
Wahlöö, que celui d'une police au service des puissants. C'est là qu'on bascule dans le plaidoyer politique. Les deux écrivains ont un regard très critique vis–à–vis de leurs forces de l'ordre, qu'il accusent d'user de violence sans discernement, voire même de tentation fasciste (« Mais beaucoup pensaient voir quelque chose de brun se profiler derrière elle [la police] »). Ils en profitent aussi pour égratigner le modèle social suédois, qui oublie les plus modestes. Au sein de la police, un inspecteur comme Kollberg, dont on peut supposer qu'il est en phase avec les idées de ses créateurs, se trouve bien souvent en décalage avec ce qu'il vit dans son travail. La chambre close offre aussi des moments de sourire quand les auteurs ont recours au comique pour ridiculiser la police, telle la savoureuse intervention grand–Guignol des forces de l'ordre dans l'appartement de deux criminels au chapitre 18.
Bref, La chambre close est une plongée intéressante, parce que critique, dans la Suède des années 70.
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