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EAN : 9782415004927
304 pages
Odile Jacob (03/05/2023)
3.51/5   38 notes
Résumé :
Après vingt-cinq années de recherches archéologiques dans une petite grotte du sud de la France, Ludovic Slimak se trouve confronté aux vestiges d’un corps. Des équipes scientifiques du monde entier se penchent sur cette découverte fondamentale. Ce corps pourrait bien être celui de l’un des derniers néandertaliens, mais les résultats des analyses scientifiques les plus pointues déroutent les chercheurs. Les disciplines se remettent en question et multiplient leurs i... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
L'anthropologue Ludovic Slimak a découvert en 2015 dans une grotte de la vallée du Rhône, les restes d'un corps qui pourrait bien être celui du dernier néandertalien. Cette lignée humaine a disparu il y a quelques dizaines de milliers de millénaires, laissant Sapiens (nous) comme seul représentant de l'espèce humaine (alors que d'autres espèces animales connaissent une plus grande diversité).

Cet ouvrage est un récit un peu hybride entre le récit d'une enquête sur l'identité de ce Thorin, baptisé du nom du dernier roi des Nains dans l'univers du Seigneur des Anneaux, une évocation de la difficulté et de la fragilité de la connaissance scientifique, une méditation philosophique à l'origine du sous-titre "comprendre comment les hommes meurent".

Du côté du récit de la recherche, nous suivons les interrogations, les doutes, les moyens mobilisés pour tenter de comprendre le site et de faire des hypothèses à partir de la position d'une dent ou de la présence de longue lame de silex de facture Sapiens à telle distance du corps, et de l'évolution du climat depuis la mort de Thorin. Cette petite cavité rocheuse est-elle simplement le lieu de sa mort? Y a-t-il été déposé à sa mort ? ou à un autre moment ? A t'il été inhumé avec un objet de prestige imitant un objet réalisé par d'autres ?

" Et ces quelques centimètres là ne pourront jamais être franchis. Nous avons une main et une lame de pierre. Qui se côtoient sans s'être peut-être jamais rencontrées... Cet incertain, c'est toute l'histoire de Neandertal et de Sapiens. A travers l'Europe leurs vestiges hantent les sols, côte à côte, sans que jamais nous ne puissions jamais savoir si ces mains se sont jamais croisées. Nous n'avons que la certitude de l'extinction. Et du remplacement. A quelques centimètres. Mais ces quelques centimètres là sont infranchissables" (page 136)


Au passage, l'auteur s'amuse à souligner la supériorité de l'analyse archéologique sur les techniques de datations modernes qui vont donner des résultats contradictoires entre 28 000 et 105 000 ans, alors qu'au final, l'anthropologue réussir à établir que Thorin a environ 40 000 ans. le doute et l'incertitude sont au coeur de la démarche scientifique mise en oeuvre. L'intelligence humaine permet de construire peu à peu une compréhension, qui doit rester modeste mais n'en est pas moins étayée. En soi, c'est déjà passionnant.


Un passage émouvant concerne un commentaire sur un silex mal taillé à partir d'une pierre bien préparée, sur lequel l'archéologue aguerri lit des dizaines de tentatives maladroites qu'il comprend comme l'apprentissage d'un enfant sous la surveillance d'un adulte qui lui a préparé la pierre pour s'exercer.

Il est fascinant de voir comment l'étude de quelques éclats de silex, certes combinée avec des datations au carbone 14 et les dernières avancée en paléo génétique, amène à dresser de nouvelles perspectives sur la vie il y a entre 50 et 100 000 ans. J'ai été carrément fascinée par les explications fournies sur les différences culturelles entre Neandertal et Sapiens. En espérant ne pas trop caricaturer les propos de l'auteur : les techniques différentes pour tailler le silex sont révélatrices d'une façon d'être au monde particulière et différente entre Sapiens et Neandertal. Il souligne la créativité, la diversité des formes et des matières de Neandertal. L'artisan s'adapte à la matière "comme si la matière n'était pas le sujet passif du projet artisanal mais l'acteur central de la création ... un peu comme si la roche était mue d'une volonté propre. Une volonté que l'artisan décrypte, souligne et fait ressortir".

Sapiens lui produit des silex toujours globalement identiques "comme si la répétition à l'infini de ces silex Sapiens nous suggérait l'existence de structures profondes et qui parlent de notre humanité. de notre besoin inextinguible de toujours vouloir être ensemble, de toujours vouloir reproduire les actes, les manières des membres de notre groupe" (page 211). Sa réflexion va loin. Les sociétés et communautés sapiens ont besoin d'exprimer leur unité en montrant leur différence d'avec "des autres". La différence est l'objet de rejet (cf Michel Foucault) tant dans nos sociétés occidentales que dans différentes autres sociétés sur la planète. " L'ordre règne dans la peur d'être perçu dans sa différence" (page 213). Ce qui a pu pousser des sapiens à accepter les actes abjects qui émaillent notre histoire, pour faire ce que le groupe juge acceptable. Ce serait le coeur de l'efficacité de Sapiens : " une puissance collective fondée sur la peur "

Nous en venons à la question centrale de la l'extinction d'une humanité. Que se passe t'il lorsque deux univers se rencontrent, deux sphères qui englobent chacune toutes les réalités de chaque société, toutes les manières de ressentir et de concevoir de chaque société? L'auteur prend l'exemple de la découverte l'Amérique, de la place des Aborigènes en Australie, de l'histoire d'Ishi, le dernier Yahi et du film "Les dieux sont tombés sur la tête" pour illustrer l'incapacité humaine à concevoir en dehors de sa sphère. Vient le moment où les sphères implosent, où les sociétés implosent, perdent leur histoire, leur culture, comme ces Indiens qui découvrent qu'il y a, dans les musées des Blancs, tant de traces de leurs histoires. Comme nous mêmes, européens, occidentaux avons perdu la trace de notre passé et de ses traditions au point que nous aurions du mal à comprendre les hommes du XIX siècle.

Car c'est ainsi que les hommes disparaissent : petit à petit et sans bruit. Les anecdotes de bruits et de fureur ne sont que l'apparence. Sapiens a remplacé Neandertal peut être en quelques saisons. Sapiens a ainsi supplanté toutes les humanités différentes de la planète. Mais pourquoi?

Le point de vue final de cette démonstration passionnante me laisse un peu sceptique : les structures mentales pousseraient les sapiens à se ranger vers le plus "efficace" , faisant imploser la société moins efficace. Notre propension à l'efficacité, même si cette efficacité est un mythe, cette volonté de standardiser serait le sens de l'histoire. Il ne s'agit pas seulement de technique mais d'une éthologie humaine partagée par tous les sapiens au delà des différences culturelles des sociétés.

Une lecture très stimulante.
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Ce texte aurait pu être passionnant ; en près de 300 pages, il est cependant trop délayé. Ce savant se fonde sur le doute, considère que le doute est à la base d'une vraie démarche scientifique, et personne ne lui donnera tort. Mais, de digressions en questionnements, il n'est pas aisé, pour un profane, de dégager les principales hypothèses de cette réflexion. Que faut-il finalement penser de l'homo sapiens, qui, par son efficacité, et non par quelque supériorité intellectuelle, a supplanté tous les types d'humanités qui le précédaient ? Qu'il n'était qu'un redoutable prédateur ? Ou que ce sont les néandertaliens qui, confrontés à son altérité, se sont effacés ? L'auteur risque des comparaisons avec les colonisations qui nous sont connues, et les génocides ou ethnocides qui en ont été l'effet. Pour nous préciser qu'en fait, il pourrait ne pas s'agir de cela. J'aurais préféré une hypothèse plus clairement étayée.
Quant au style... il mêle un langage familier à un jargon parfois abstrait, et laisse quelquefois à désirer sur le plan de la syntaxe (ah ! l'usage de cette préposition "sur"... !).
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Voici mon ressenti après avoir lu « Le dernier Néandertalien » de Ludovic Slimak. Chercheur au CNRS, l'auteur est un spécialiste de « Néandertal » dont il cherche les traces depuis 30 ans.
A partir de la découverte de dents d'un Néandertalien, dans la vallée du Rhône, L. Slimak relate la démarche scientifique pour dater les éléments, énonce des hypothèses décalées, par rapport aux théories admises à ce jour, et questionne la disparition de Néandertal, qui aurait peut-être plutôt été effacé (ignoré, méprisé…), que transformé ou éliminé par Homo Sapiens ou par une crise naturelle (maladie, froid...).
Ce raccourci ne prétend pas résumer les longues réflexions de l'auteur, très nuancées et prudentes. Il vise juste à souligner que l'auteur a un regard excentrique, un esprit très ouvert à autrui et une capacité (et un courage) à remettre en cause les acquis scientifiques.
L. Slimak évoque avec une étonnante franchise, les doutes et les limites des techniques scientifiques de datation, mais aussi des capacités d'analyse des chercheurs. Il interroge la capacité de l'homme contemporain à s'extraire de ce qu'il est, de sa manière de penser, de sa peine à accepter des personnes différentes (de la même espèce) pour démontrer l'impossibilité d'appréhender une créature d'une autre espèce, si éloignée de nous, par les millénaires et par la manière d'être.
Sur le fond, ces réflexions et les hypothèses sont intéressantes à découvrir, mais j'ai fermé le livre avec l'impression qu'on est et qu'on ne sera jamais sûr de rien. Un peu déprimant !
Pour le style, L. Slimak a choisi d'écrire simplement et familièrement, évitant le jargon mais délayant beaucoup et tutoyant le lecteur. J'aurais préféré un style professoral didactique, mais pourquoi pas. Pourtant, certains passages abordent des questions philosophiques, sur l'évolution de l'humanité ou notre humanité qui sont difficiles et abstraits.
En conclusion, le style accessible et familier cache des réflexions sincères, originales et savantes sur la démarche scientifique et la difficulté à comprendre la créature de Néandertal.
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J'apprécie les livres de sciences dès lors qu'ils respectent une certaine forme de logique et un style clair. En l'espèce, nous avons affaire à un auteur qui veut faire "du genre", emplie ses phrases d'interjections incongrues, truffe le texte d'arguties filandreuses, entrelarde ses lignes de propos à mettre dans la bouche d'adolescents mal dégrossis. Des pages entières sans paragraphe ni retour à la ligne. Impossible d'aller jusqu'au bout. Concernant l'extinction des néandertaliens je reste sur ma faim.
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Le dernier néandertalien est un livre hybride et en cela déroutant.
Il satisfait le lecteur avide de récits archéologiques menés tels une enquête. L'auteur le fait ici avec brio, et, il n'oublie pas l'ouverture d'esprit du chercheur, capable d'accueillir les remises en cause dans le schéma qu'il a pu dresser de sa découverte (découverte d'une équipe).
Il déroute par des développements relevant semble-t-il plus de l'anthropologie que de l'archéologie préhistorique. Un peut perdue dans ce retour sur la nature de sapiens, j'ai été au final portée par son exposé, au combien peu encourageant.
Un livre triste. Un livre de découvertes précieux.
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
”C'est propre les mathématiques. Ça présente bien. Ça se publie dans les grandes revues scientifiques internationales. Mais on ne fait pas de la science avec de la technique et on ne comprend pas l'humanité sur des concepts statistiques trop gentiment ordonnés. Ce n'est pas raisonnable. La matière humaine se fonde sur l'irrationnel. L'homme, ça sent mauvais, ça suinte, ça va jamais comme il faudrait, ça ne correspond à rien de vraiment quantifiable. Ça ne se met pas si facilement en boîte. Je ne suis pas sûr qu'il soit raisonnable d'étudier un truc irrationnel et qui sent avec des mathématiques.
Face a cette matière si peu présentable, cette matière vilaine, la volonté de se réfugier dans les outils géniques, statistiques, radionumériques, bien propres, bien présentables, bien quantifiés, qui rentrent pile poil dans les cases, ne représenterait-elle pas, déjà, une forme de pudeur, une sorte de refus ou de négation face à ce que nous sommes ?” (Page 143)
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Se désolidariser de toute pensée partagée, de toute pensée dominante, ne peut mener à aucune forme de reconnaissance du corps social.
Elle ne peut mener qu'à l'isolement, la soustraction, la mise à l'index. Et ce pas de côté, ce franchissement, cette transgression ne permettent aucune marche arrière. C'est s'engager dans des détours, des déviations vers lesquelles aucune destination n'est jamais signalée. Et dans nos natures, on s'y refuse, toujours, instinctivement.
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”Je me pensais libre. On se pense toujours libre en général. Mais on est toujours prisonnier de soi. Il faut pourtant accepter de le faire, parfois, ce pas dans l'inconnu. Accepter, cette transgression devrait constituer le premier enseignement de la pensée scientifique. Apprendre à se faire mal, à rejeter ces logiques. À ne plus rejeter l'impossible. A réviser à chaque pas le champ des possibles qui nous encadre. Aimer le doute. Vous voulez savoir ce qu'est une véritable découverte scientifique ? Et bien c'est la compréhension de quelque chose qui nous semble impossible. Plus précisément, c'est la démonstration que quelque chose qui nous semble un peu ridicule, Un peu risible, est une réalité. Si la découverte ne se frotte pas au bon sens, ne l’écorne pas, vous pouvez être sûr que la découverte est très secondaire. Ne constitue pas un pas. Un franchissement. Si vous transgressez la notion commune du réel. Si l'idée a l'air bien ridicule, au point que vous oseriez à peine la verbaliser, alors vous touchez à la science. Vous avez franchi ce pas, cette transgression vers l'inconnu. Mais par définition, la conscience, le bon sens bloquent l'information. Bloquent toute pensée réellement libre. Tenez-le-vous pour dit.” page 12
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Tout est irrationnel, investi de valeurs inquantifiables.
Et si c'était cette irrationnalité-là qui définissait vraiment, parfaitement, la matière humaine? L'humain ne serait ni l'outil, ni la bipédie, ni la pensée, ni l'altruisme, mais notre capacité à créer un monde qui ne connait aucun écho évidant dans les lois naturelles. Notre capacité à retourner la réalité du monde, à basculer les lois de la nature afin de les assujettir, totalement, à notre regard. Irrationnel, bien sûr. "Le cœur à ses raisons que la raison ne connait pas" ne définirait pas le cœur, mais la matière humaine, dans sa totalité.
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Les phrases choisies, sélectionnées, filtrées, se recoupent remarquablement et laisse entendre non pas que les Taino ou les San voient les Occidentaux comme des magiciens ou des hommes du ciel, mais que ce sont bien les Occidentaux, au travers de leurs filtrent mentaux qui, parmi mille phrases, retiennent ce qui dans le regard de l'autre lui permet de se positionner comme un être dont l'essence es supérieure, éthérée, divine.
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