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Olivier Mannoni (Traducteur)
EAN : 9782228933902
128 pages
Payot et Rivages (30/08/2023)
3.88/5   4 notes
Résumé :
Depuis toujours, nous devons organiser notre "métabolisme avec la nature". Pour Marx, cela passe par le travail. Et depuis des centaines de milliers d’années, cela passe aussi par le feu, qui sert à cuire les aliments et durcir les outils. En ce sens, l’histoire de l’humanité est celle des diverses utilisations du feu. Mais là où, en surface, les arbres ne pouvaient brûler qu’une seule fois, la découverte de gisements de charbon et de pétrole a bouleversé l’impact d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
C'est un petit livre, dédié à Bruno Latour, qui
tient un récit serré et précis que je vais tenter de restituer en abrégé.
Marx pense l'action humaine sur la nature comme un métabolisme : l'homme utilise sa force
naturelle pour accommoder la nature. Hors les muscles de ses bras et de ses jambes, l'homme
dispose de la pyrotechnie : c'est elle qui transforme le cru en cuit, qui fait du produit de la
chasse un élément assimilable à son métabolisme. On voit que dès le début l'homme a
pratiqué le gaspillage, il ne s'est pas inquiété de jeter des surplus (les ossements retrouvés au
pied de la roche de Solutré en attestent).
Puis, l'homme s'est aperçu qu'il pouvait prendre le travail de son semblable comme il prenait
celui des animaux et il l'a fait : ce fut l'esclavage qui marque la sortie de la préhistoire, selon
Peter Sloterdijk.
La formule primaire du métabolisme devient : force musculaire personnelle + force
musculaire de l'animal + force musculaire de l'esclave + force du feu. Platon parle de la
« troisième classe », destinée à produire l'utile et le nécessaire, qui se prête « par nature » à
cette existence du fait de leur « manque de raison » : ce sont la plupart du temps des
« barbares » soumis (p. 17/19). L'esclave qui s'évade est coupable d'un « vol de lui-même » !
Il ne peut s'appartenir réellement que par l'émancipation. La notion de liberté reste liée à cette
émancipation de l'esclave.
Le nom « prolétaire » indique ceux qui n'ont que leur descendance pour subvenir à leurs
vieux jours. Ils n'accèdent pas à la propriété, ils sont dans la dépendance de ceux qui les
emploient. La plupart du temps, les femmes sont dans la dépendance des hommes (p. 30).
Au début, la progression de la richesse produite est limitée par les capacités de
renouvellement des forêts, cette capacité conditionne le feu, tandis qu'on ne peut pas
augmenter la force musculaire des hommes ou des animaux. Jusqu'à ce qu'on puisse brûler
des forêts ensevelies il y a des millions d'années et qui constituent un stock tellement grand
que la question de sa fin n'est pas prête de se poser : la question du renouvellement a, enfin,
disparue : il s'agit du charbon d'abord, du pétrole ensuite (p. 31/33). Vint enfin l'ambre :
l'électricité, qui est un vecteur d'énergie. le monde devient un grand chantier et apparaît la
notion du travail abstrait (Marx). le travail est la source de toute création de valeur et la
classe ouvrière est une classe « prométhéenne », dont il faut éveiller la conscience. « Tous les
rouages s'arrêtent, / Si ton bras puissant le veut » chant des ouvriers (p. 38).
Jevons, économiste britannique, établit qu'il ne sert à rien de diminuer la consommation de
charbon des locomotives à vapeur pour réduire l'extraction de charbon, car on utilisera les
économies réalisées sur chacune des locomotives pour faire rouler plus de locomotives. Ce
n'était pas un principe écologique mais une crainte de devoir acheter le charbon à d'autres
nations et la reconnaissance implicite que la richesse de la Grande-Bretagne était due à la
présence de ce charbon dans son sous-sol (p. 40/41). Personne à cette époque ne se soucie du
CO2 relâché dans l'atmosphère.
Les ingénieurs deviennent des sortes de dieux (quelles relations ont-ils avec le prolétariat ?
Question insoluble) : ils sont des employeurs de machines et « prennent à la nature par ruse »,
du grec méchané : ruse, feinte, tournure avisée (p. 43.47).
La chimie se rajoute à ce tableau et le procédé Haber-Bosch permet des rendements agricoles
au-delà de l'imaginable.
Prométhée ne reconnaît plus son monde : rajoutez le feu des armes et de la dynamite, tout-à-
fait inattendu, et le rôle du feu dans le confort humain dépasse toute mesure (p. 51) !
Prométhée a honte, selon Günther Anders, car le service rendu par le don se renverse en force
destructrice (p. 53/54).
La société, dans l'idée de Saint-Simon et des saint-simoniens, « premiers socialistes » puis
« socialistes utopiques » est constitué des « industriels » et des « oisifs », parasitaires (p.
55/57). La vie politique et sociétale devait être centrée sur la promotion des « parties
productives » (p. 65). À partir du « Manifeste du parti communiste », qui se donne des airs de
scientificité, ces industriels furent scindés en deux classes antagonistes, le travail et le capital,
dans une lutte qui s'achèvera par la victoire des travailleurs puisqu'il est analysé qu'ils sont
les seuls créateurs des richesses.
Les oisifs sont quasiment aussi nombreux que les industriels : les malades, les vieux, les
enfants, les femmes dont le travail ménager n'est pas comptabilisé, les vagabonds, les sans-
emplois… Ces derniers sont appelés « canailles convulsionnaires » par Voltaire, « plèbes »
par Hegel, « lumpenprolétariat » par Marx, et forment un vaste problème : toujours en tête
dans les soulèvements, ils font des émeutes, sans être révolutionnaires. Dans l'idée d'un
métabolisme, ils sont une soubassement comme des bactéries prébiotiques (p. 63). Marx écrit
la fiction d'une société du labeur généralisé. Arrive le mot « exploitation ». L'État, censé
réguler cette vie économique, est un instrument auquel tout le monde contribue et par lequel
tout le monde vit aux dépens des autres (p. 70). La fin de « l'exploitation de l'homme par
l'homme » s'obtiendra par l'exploitation de la terre dans l'intérêt de l'homme (p. 77).
Les excédents d'énergie fossiles injectés dans la production apportèrent des surplus que
l'humanité n'avait jamais connu : l'éducation tardive généralisée, les loisirs, une médecine
qui soigne vraiment avec l'allongement de la vie, les voyages, la diminution de l'exercice du
muscle. Les progrès techniques entrèrent dans le domaine des femmes (la maison, la
cuisine)… et l'égalité réelle entre les sexes commença à se réaliser. Apparurent les techniques
de communication et d'art (cinéma, internet, smartphone…).
Chacun dispose de la force de vingt à cinquante esclaves. En même temps, les effets
secondaires métaboliques se firent sentir de plus en plus, ce qui était vu par l'économie
comme « externalités » grossit, grossit et prend beaucoup de place. C'est la consommation qui
occupe le plus nos vies, mais les consommateurs n'ont pas trouvé de quoi organiser la lutte
sociale comme l'avaient pu les ouvriers.
On en arrive à un mode de vie particulièrement confortable, surtout pour les femmes
déchargées des contraintes de la tenue du foyer. La sexualité quitte le domaine de la
reproduction et devient ludique. Comme si la reproduction de l'espèce n'était plus dans
l'éthique civilisée (p. 88). Même l'identité sexuelle devient « fluide ». À l'inverse, les paradis
des énergies fossiles utilisent le conservatisme contre des bouleversements culturels qui leur
arrivent de l'Occident et maintiennent des systèmes semi-esclavagistes envers les femmes (p.
89/90) ; ils ne se servent pas de leur nouvelle richesse pour établir des systèmes de
redistributions, compensant les injustices sociales-économiques. L'appétit de charbon de la
Chine, de l'Inde, des États-Unis… ne diminue pas. La Chine a augmenté le niveau de vie des
Chinois mais les tient dans un système de domination informationnelle très contraignant.
Pendant ce temps, l'Occident dépense sans compter pour une mobilité inédite et d'un luxe
excessif.
Par quoi remplacer le bois enfoui ? On peut rêver d'une société post-prométhéenne, mais on
n'en voit guère les réalisations. Restreindre la production conduit à l'échec dans la
compétition des nations (p. 113) !
Bruno Latour propose un scénario original. Sur un modèle analogiquement léniniste, il
imagine une « classe verte » qui, dans une idée participative, immersive, culturaliste, ferait
l'information, à la fois du danger et des empêchements de la survenue du danger. Les États
pourraient alors faire plier les industries des fossiles. Peter Sloterdijk y voit « un caractère non
utopique de ces réflexions qui paraissent hyperutopiques » (p. 121). Chacun jugera.
L'homme est un incendiaire et il a mis le feu à sa planète. Il doit sortir de la distance
ontologique entre l'homme et la nature. Pompiers de tous les pays, unissez-vous, on pourrait
dire !
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Vidéo de Peter Sloterdijk
Leçon inaugurale de Peter Sloterdijk prononcée le 04 avril 2024. Peter Sloterdijk est professeur invité sur la chaire annuelle L'invention de l'Europe par les langues et les cultures.
Le discours inaugural développe l'idée qu'il ne peut y avoir, jusqu'à nouvel ordre, d'identité politique commune pour les habitants de l'Europe et de l'Union européenne, parce qu'ils sont encore majoritairement socialisés dans leurs identités nationales traditionnelles. Dans le cas le plus favorable, ils développent quelque chose que l'on pourrait qualifier d'« identité politique amphibie » en portant au-dessus de leurs costumes nationaux un surcot taillé à l'européenne.
Les réflexions portant sur la refondation mythologique, démographique et politique de l'Europe après la Seconde Guerre mondiale débouchent sur la thèse qu'avec la création de l'Union européenne, c'est l'innovation catégorielle d'une grande structure post-impériale qui a fait son apparition sur la scène de l'histoire du monde.
Les difficultés qu'ont les Européens avec leur identité post-impériale se reflètent de diverses manières dans leur comportement politique – notamment par le faible taux de participation aux élections du Parlement européen. Dans le même temps, le débat public de l'Union européenne est submergé par les diagnostics défaitistes et les slogans déclinistes.
Retrouvez les vidéos de ses enseignements : https://www.college-de-france.fr/fr/chaire/peter-sloterdijk-invention-de-europe-par-les-langues-et-les-cultures-chaire-annuelle
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