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4,11

sur 1274 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Mais qu'elle fut longue, cette journée passée en compagnie d'Ivan Denisssovitch.
Longue, après une préface qu'il est fort utile de lire.
Ce jour d'hiver de froid cruel (presque moins 40 degrés sous zéro) est comme un chronogramme sans indication des heures... Au reste, à quoi servirait-il d'une montre ou d'une horloge aux pauvres zeks de ce bagne?
Cette journée n'en finit pas, dans cette peine infinie d'Ivan Denissovitch et ses compagnons d'infortune.
Un digne (sic) héritier d'Ivan le terrible et sa bande de dégénérés ont envoyé Ivan Denissovitch se perdre au goulag. Seule, la mort du tyran rouge leur permettra d'en sortir, à ces triples matriculés... Ces matricules dont les numéros sont repeints périodiquement, que la garde te les compte et les recompte, ces fantômes d'une autre vie! Que l'escorte, armée de mitraillettes, emmène et remmène la cohorte, par rangs de cinq, des zeks des baraques au chantier et vice-versa.
Pour Ivan Denissovitch Choukhov, qui n'a pas perdu son âme, la journée démarre plutôt mal avec des douleurs que la nuit n'a pas écartées. La nuit aussi courte que la journée est longue, semée d'embûche et marquée par la peur d'être envoyé au cachot pour dix infernales journées.
Pourtant, dans cet enfer, l'ex-commandant de flotte donne toujours de la voix, et le croyant conserve une foi indestructible... Manière à eux de survivre?
Ce livre m'a étreint, presque éreinté tant j'avais froid avec Ivan Denissovitch... Mais il m'a éclairé, comme ce soleil rare tel le poisson dans la soupe du zek, ou cette cigarette d'un tabac chichement mesuré.
Mais quelle journée!

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Ivan Denissovitch Choukhov a été condamné à dix ans de camp de travail pour « trahison envers la patrie ». En réalité, il a simplement été fait prisonnier par les Allemands pendant la seconde guerre mondiale avant de parvenir à s'enfuir, pensant, naïvement, qu'il serait accueilli à bras ouvert à son retour. Bien qu'ayant déjà effectué la majeure partie de sa peine, il sait pertinemment qu'elle sera prolongée encore et encore, et qu'il ne sortira probablement du camp que les pieds devant.

Choukhov supporte pourtant chaque journée avec une résignation qu'approuveraient les stoïciens de l'antiquité. Toutes les petites combines sont bonnes pour améliorer un peu son existence : ne pas manger toute sa miche de pain le matin pour la faire durer et avoir l'illusion d'avoir de plus grandes rations ; rendre de menus services à ceux qui peuvent recevoir des colis pour recevoir quelque chose en retour ; embrouiller les comptes du cuisinier pour obtenir une part de soupe supplémentaire ; cacher la meilleure truelle du chantier pour s'assurer de la garder tous les jours ; …

Dès les premières pages, on s'identifie à Choukhov : on sent le froid mordant qui essaie de se frayer un chemin jusqu'à lui, son creux à l'estomac, on partage sa crainte que le morceau de pain qu'il a caché soit dérobé pendant son absence, on tremble qu'un autre prisonnier ne le trahisse pour y gagner un petit avantage.

Une œuvre puissante, qui nous fait comprendre à travers un témoignage minimaliste tout l'envers du décor : un système totalitaire qui nie l'individu, lui enlève tout espoir et toute possibilité de réintégrer la vie normale.
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La journée ordinaire d'un ZEK.

De très nombreux ouvrages sur le Goulag sont parus depuis celui-ci, à commencer par ceux de l'auteur lui même mais aussi ceux de Varlam Chalamov, Julius Margolin, Victor Serge et bien d'autres encore. Dans tous ces livres, on retrouve la description des conditions de vie horribles des prisonniers, on insiste sur les violences, la corruption, la lutte pour se nourrir, se vêtir, la survie dans des conditions extrêmes.

On reproche parfois à Soljenitsyne pour cet ouvrage d'avoir décrit de manière édulcorée, d' avoir enjolivé la condition des prisonniers du Goulag mais si l'on s'attarde quelque peu, toutes les horreurs de cette "vie" sont bien présentes. Par petites touches, sans insister, l'auteur nous laisse deviner cette survie à travers l'obsession de manger, de ne pas se faire voler sa nourriture , ni ses vêtements à peu près corrects pour survivre au froid, d'éviter les travaux trop durs, cette petite vie quotidienne faite de multiples astuces pour s'en sortir. Pas de grandes scènes de violence ou de maltraitance mais on comprend bien que tout cela est le quotidien de ces hommes.


Ne pas oublier que ce livre n'aurait jamais été édité en URSS si l'auteur avait décrit exactement ce qu'il avait vécu.

Un grand livre sur le Goulag donc, accessible à tous et qui a le mérite d'avoir fait connaître au Monde, la vie épouvantable de ces prisonniers.

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Une journée d'Ivan Denissovitch fit l'effet d'une bombe à sa sortie en URSS en 1962. Pour la première fois, une oeuvre littéraire présentait au lecteur soviétique un témoignage du Goulag.
Plus de soixante ans après, ce court récit n'a rien perdu de sa force car c'est une vraie oeuvre littéraire, nourrie de l'expérience d'Alexandre Soljenitsyne.

Le livre raconte la journée banale d'un moujik au goulag. du réveil à l'extinction des feux : cette journée est pleine d'épreuves et de petites joies. On le découvre à travers ses dialogues très vivants, avec les autres personnages, autorités ou camarades d'infortune et puis dans son activité incessante. Soljenitsyne n'a pas pris pour héros un intellectuel ou un homme instruit comme lui. Ivan Denissovitch Choukhov est un homme simple et illettré. Il a combattu à la guerre et durant la débâcle en 1941, il a été fait prisonnier par les Allemands. Il est parvenu à s'échapper et a pu rejoindre les lignes russes. Il a été arrêté et convaincu d'espionnage. Il a reconnu des faits imaginaires pour éviter le peloton d'execution. Et il a pris 10 ans de bagne en Sibérie. Ils sont beaucoup comme lui, des soldats, des officiers, injustement accusés d'espionnage par le système bureaucratique.
Choukhov, alias Shch-854 se sentait mal en se levant, mais faute de pouvoir trouver une place à l'infirmerie, il lui faut s'activer pour oublier sa misère en évitant les ennuis. Il est toujours en mouvement. Il lui faut trouver des moyens de se nourrir, ne pas tomber malade dans le froid sibérien et aider les autres à se sortir de situations périlleuses. Non seulement il se bat pour lui mais aussi pour ceux qui travaillent avec lui. Si le travail collectif est mal fait, si quelqu'un manque à l'appel, c'est toute la compagnie qui est punie. La violence n'est pas décrite directement mais la menace est sourde et omniprésente. Choukhov est rusé, il sait cacher une cuiller , un bout de scie ou une truelle sans se faire repérer à l'appel et au contre-appel, il sait où se placer pour avoir une ration supplémentaire, il sait cultiver des relations afin de pouvoir recevoir un croûton de pain ou tirer une bouffée de cigarette. Les autres le respectent parce qu'il est digne, dur au mal et qu'il est un bon maçon. Tous ses compagnons d'infortune ne jouissent pas de la même réputation et sont condamnés d'avance. La dignité, la fraternité et le travail sont mis en avant. La scène centrale du livre montre tout le groupe de la 104 au travail. le travail manuel et collectif est source de joies qui aident à résister heure après heure. Outre Choukhov le moujik d'autres personnages sont très intéressants. le plus marquant est certainement Aliocha, le baptiste. Il lit l'Évangile dès qu'il a une minute de liberté. Son personnage est comme tout droit sorti de "Crime et Châtiment". Il est heureux de souffrir. À travers Aliocha, l'auteur exprime sa vision de la foi comme force salvatrice.
Un roman inoubliable que je recommande vivement.
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Moins 20 degrés, Sibérie années 50, une journée 'presqu'heureuse' d'Ivan Denissovitch, qui termine bientôt ses dix ans de travaux forcés. Il s'endormira heureux de ne pas avoir été collé au cachot, ni être affecté au travail sans chauffage de construction de barrières mais d'avoir maçonné avec entrain, de ne s'être pas fait piqué à la fouille en ramenant le bout de ferraille qu'il pourra valoriser en couteau de cordonnier, d'avoir eu du pot en petites débrouilles pour une deuxième ration de bouillon ou quelques biscuits de son copain César qui reçoit des colis deux fois par mois et avec lesquels il achète sa tranquillité.

Le style est sobre, factuel, s'attachant à des détails presque désuets et c'est justement cela qui nous prend aux tripes.
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"Une journée d'Ivan Denissovitch", c'est du café fort, du café fort noir, bien qu'en apparence, il n'en ait pas l'air. À vue de nez, le café a l'air fort clair, pour peu, on apercevrait le clocher de l'église dans le fond de la tasse, mais lorsqu'on le goûte, sa force se fait ressentir dans la bouche et elle vous prend à la gorge.

Étrange pourtant, puisque ce récit d'une journée dans un goulag, en plein hiver, ne comporte pas de scènes violentes, ni de scènes de tortures. Pour peu, on lirait bien cette histoire avec le sourire... jusqu'à ce que la dure réalité se fasse ressentir : hé, on est au goulag !

Voilà toute la force du roman de Soljénitsyne : faire du roman fort, nous prendre par les tripes, nous faire ressentir la faim d'Ivan et des autres, nous faire ressentir le froid mordant, la peur, la résignation, la violence des gardiens, l'inhumanité des lieux, le travail titanesque qu'on leur demande d'accomplir, le tout sans épanchements, sans forcer le trait, en restant sobre... Tout en nous donnant un récit d'une forte intensité.

Ben oui, c'est quoi une journée dans toute une vie ? Rien... Mais pourtant, si importante. Surtout qu'au goulag, il faut rester en vie.

Il ne se passe pas de choses exceptionnelles dans le roman, pourtant, l'ennui est impossible et j'ai suivi cette journée d'Ivan avec passion, mes les tripes nouées tout de même.

Ivan, il est un homme simple, avec de l'enthousiasme. Ce n'est pas un tire-au-flanc ou un salaud, mais pour survivre au goulag, il doit ruser afin que son morceau de pain qu'il a caché ne soit pas dérobé durant son absence, ne pas se faire donner par un autre qui aurait à gagner un petit avantage, bref, éviter de se faire remarquer et d'aller au cachot qui signifierait la presque mort.

Mieux qu'un Spartiate, le prisonnier CH-854 de la brigade 104 a mis au point tout un tas de petites combines afin d'améliorer quelque peu sa détention inhumaine : ne pas dévorer toute sa miche de pain le matin pour la faire durer; magouiller afin d'avoir une soupe en plus; rendre des services à ceux qui reçoivent des colis; faire correctement son travail pour ne pas mettre leur brigadier dans la merde; cacher quelque lames dans son uniforme et faire en sorte de ne pas se faire attraper...

Denissovitch se permet même le luxe, à la fin, d'être optimiste et de se dire qu'une journée de plus était passée, sans seulement un nuage, presque un bonheur...

Un récit minimaliste qui donne naissance à une oeuvre puissante, fallait le faire et le génie de l'auteur l'a fait. Poignant.

Et si le lecteur se donne la peine de réfléchir à l'envers du décor, cela lui donnera la vision d'un système totalitaire qui nie l'individu, qui lui enlève tout espoir et toute possibilité de réintégrer la vie normale. Ils savent tous qu'ils ne sortiront jamais de là...

On peut comprendre qu'à l'époque où le roman fut publié dans le "Novy Mir" il fallu couper quelques passages pour la publication (pourtant, ils n'étaient pas excessifs, ces passages) et que cela péta comme une bombe dans l'opinion russe puisque c'était la première fois qu'un écrivain parlait des goulags, lui qui y avait été.

Un grand roman à découvrir !

Lien : https://thecanniballecteur.w..
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Qu'est-ce qu'une journée dans une vie ? Pas grand-chose, non ?
Alors, qu'a-t-elle de particulier cette journée dont il est question dans ce livre ?

Tout d'abord, ce n'est pas celle d'un homme ordinaire, mais celle d'un zek, c'est à dire d'un prisonnier du goulag en URSS.
Cette journée laborieuse que l'auteur nous décrit par le menu, sans temps mort, d'une seule traite, nous semble sans fin.
Et surtout on perçoit qu'elle est semblable aux milliers qui l'ont précédée et aux milliers d'autres qui la suivront.
Tout l'art de Soljenitsyne est là : en peu de pages, faire sentir au lecteur la lenteur de l'écoulement du temps, la répétitivité des tâches effectuées par les zeks, l'absence d'espoir devant une durée de peine qui n'autorise aucun rêve.

Ne pouvant songer à l'avenir, les zeks ne sont préoccupés que par l'instant présent et ne pensent qu'à deux choses : manger et se protéger le mieux possible du froid sibérien.
Dans cette misère commune, ils font preuve d'une entraide virile, rugueuse et forcément touchante. Mais ils savent aussi se montrer très égoïstes et personnels par moments lorsque se présente l'occasion d'obtenir un peu plus de nourriture, de meilleurs vêtements contre le froid, une meilleure place où dormir ou une petite faveur auprès des gardiens.
Sojenitsyne décrit là une dualité qui peut paraître étonnante à première vue, mais qui est tout à fait logique compte tenu des conditions de vie dans le camp.

Dans un texte court et percutant, l'auteur fait comprendre l'arbitraire des arrestations, la longueur démesurée des peines infligées, l'inhumanité des goulags : toutes les horreurs du stalinisme, qu'il ne faut surtout pas oublier.
Il le fait avec une grande sobriété, et le résultat est d'autant plus fort, plus saisissant.
Avec ce premier roman (écrit en seulement deux mois !), Sojenitsyne fait preuve d'emblée d'un immense talent d'écrivain.
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Ce livre tient une place primordiale dans la littérature mondiale. Premier récit du goulag. Dénonciation des camps soviétiques. Soljenitsyne fut un pionnier. A ce titre, ce livre mérite les 5 étoiles. Je ne reviendrai pas sur le récit, d'autres lecteurs l'on déjà très bien fait. Juste mon ressenti. J'en ai parcouru la plus grande partie en diagonale. A notre époque, nous ne sommes plus surpris par ces dénonciations. Partout, de la maltraitance humaine et des atrocités peuvent s'observer. Je repense à la description des camps de ouigours par les chinois dans le Xinjiang par Sayragul Sauytbay, pour ne citer qu'un exemple. de plus, la traduction de l'édition de 1974 que j'ai lue m'a parue très pauvre et ne met pas le récit en valeur. Beaucoup de redondances également, même si elles sont justifiées par le déroulement de la journée. Et j'ai senti une certaine distance avec ce que je pense être la réalité. Comme si le fait de l'écrire en diminuait la portée. Mais, tout cela n'est que mon impression qui compte vraiment très très peu. Je pense que ce livre paru en 1963 en français devait avoir une toute autre portée à l'époque.
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La journée d'Ivan Denissovitch Choukhov n'est pas une journée pleine de rebondissements ; c'est une journée comme les trois mille six cent cinquante autres journées qu'il passera dans un bagne d'Asie Centrale, dix-sept très longues heures régies par un froid inhumain, la faim lancinante et la peur omniprésente. Ne pas tomber malade, ne pas se couper, ne pas se faire prendre par un garde, ne pas faiblir, pour ne pas finir au mitard, ne pas finir au mitard pour ne pas sortir du camp les pieds devant. Il faut composer, ruser, simuler et calculer pour survivre, supporter l'horreur et l'abjection avec le mince (très très mince) espoir de voir arriver le dernier des trois mille six cent cinquante jours…
Lorsque par une circonstance extraordinaire et ahurissante (c'est Khroutchev lui-même qui l'a fait publier, y voyant une dénonciation du culte de la personnalité de Staline !) La journée d'Ivan Denissovitch fut publiée, le monde entier découvrit la réalité de l'univers concentrationnaire soviétique, un environnement particulièrement inhumain, même si Soljenitsyne ne fait pas dans la caricature: le goulag était une arme du totalitarisme dont les conditions d'internement n'avaient rien à envier à celles des camps nazis, mais ne visait pas systématiquement à la négation de l'humanité comme ce fut le cas des nazis ; il existait des solidarités, certains gardiens étaient moins inhumains que d'autres, si bien que l'espoir pouvait subsister.
Ce fut donc une bombe littéraire que ce texte inoubliable écrit dans la langue vive, truculente et lyrique qui recréait l'argot des camps, une langue qui sonnait si vrai pour la bonne raison qu'Alexandre Sojenitsyne lui-même y avait passé huit ans.
Ivan Denissovitch a maintenant 50 ans et ce texte résonne toujours comme un hymne à l'Humanité, avec un grand H.
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De l'art de survivre ou comment l'univers impitoyable des camps génère ses propres règles. Ici cependant, sans vouloir atténuer la monstruosité de ces camps, le totalitarisme n'a pas encore atteint son summum. A la différence des camps de concentration décrits par Primo Lévi, la négation de l'humanité, ou selon Hannah Arendt la transformation de la personnalité humaine en une simple chose n'est pas totale. Les hommes sont résignés, mais l'humanité, la fraternité à l'intérieur de la brigade, la lueur d'espoir d'une fin de peine ne sont pas éteintes. Les derniers commentaires de Choukhov sur cette journée « presque de bonheur » sont à la fois terribles et réconfortants.
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