AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,11

sur 1283 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un chef d'oeuvre.
Une journée d'Ivan Denissovitch, c'est un roman qui raconte sur 200 pages la journée d'un mec au goulag. Va trouver de l'action... et bien c'est grandiose. Ça t'embarque. de son lever à son coucher, Ivan parle, marche, mange, espère. Et on est avec lui.
Ce roman est le meilleur des pied-de-nez aux coachs littéraires qui te serinent qu'il " faut absolument écrire une histoire sans temps mort pour séduire les lecteurs ".
Commenter  J’apprécie          201
Vous vous souvenez des « Souvenirs de la maison des morts » de Dostoïevski (1862) ? Eh bien un siècle plus tard, voici son équivalent, la preuve que les droits de l'homme évoluent… à pas d'escargot.
Même déni de la dignité humaine, même aveuglement d'une puissance coercitive et implacable, mêmes tentatives désespérées de garder un peu humanité dans un monde déshumanisé… A quoi sert l'Histoire si l'on est pas capable d'en tirer des leçons ?
L'auteur (1918-2008) avait été arrêté en 1945 pour avoir échangé avec un ami des lettres dans lesquelles il se permettait (honte à lui) de critiquer le père des peuples, Joseph Djougachvili, plus connu sous son nom de scène, Staline. Huit ans de « travail », puis une relégation « à perpétuité » au Kazakhstan, il ne doit qu'à Khroutchev et au processus de « déstalinisation », de pouvoir exercer à nouveau son métier (prof de maths). Il en profite pour écrire ses premiers ouvrages (Une journée d'Ivan Denissovitch, La maison de Matriona) ; mais en 1964, à la déposition de Khroutchev, le régime se durcit, il est obligé de faire paraître ses ouvrages à l'étranger (Le Pavillon des cancéreux, le Premier cercle) ; il reçoit le pris Nobel en 1970, et bien entendu, ne peut aller le chercher. Il entreprend la rédaction de son grand oeuvre « L'archipel du Goulag » toujours édité à l'étranger (1973). Finalement arrêté et expulsé en 1974, il s'exile en Suisse puis aux Etats-Unis. Il profite de la Glasnost de Gorbatchev pour revenir en Russie où il termine ses jours en 2008.
Ce petit rappel biographique est nécessaire pour comprendre à quel point l'oeuvre de Soljénitsyne s'est nourrie de sa vie : le souvenir de sa vie de détenu alimente une oeuvre puissante, témoignage impitoyable d'une époque qui ne l'est pas moins, et qui a ouvert les yeux (avec d'autres, bien sûr) sur une des pages les plus sombres de notre histoire.
Nous sommes en 1951, dans un camp au nord du Kazakhstan. Ivan Denissovitch Choukhov, matricule CH-854, a été condamné pour « espionnage » et « trahison de la patrie » à dix ans de Goulag (Glavnoié OUpravlenie LAGuerei, Direction générale des camps). le récit raconte une journée de sa vie de détenu. Entre les corvées, la faim, le froid, la survie, les violences, la promiscuité, les compromissions, la journée se passe, comme celle d'avant et comme celle d'après « Une journée de passée. Sans seulement un nuage. Presque du bonheur » Car ici, tout est relatif : une illusion de bonheur est déjà du bonheur. A condition que le mot bonheur ait encore un sens.
Dans ce court roman, (les noms sont fictifs mais tout le reste est vrai), Soljénitsyne dresse un tableau réaliste, au jour le jour (c'est le cas de le dire) de la vie de ces millions de déportés : vue par l'un d'eux. Point de vue forcément subjectif, et encore il ne dit pas tout, on devine plus qu'on ne les voit les violences exercées par les gardiens, ou par les codétenus (car le mal n'a pas de camp), les affres de la faim (l'un des problèmes majeurs) et celles du froid, sans compter la dureté du travail physique, ni les brimades des gardiens. Curieusement, l'oeuvre de Soljénitsyne n'est pas un pamphlet : c'est juste un compte rendu, subjectif quant au ressenti, mais objectif dans son résultat : l'auteur s'attache à démontrer, à travers l'horreur et la cruauté du système, comment un être vivant et conscient peut en arriver à « accepter » l'inacceptable, de par sa propre nature (l'être humain réduit à ces conditions est autant accessible à la bassesse qu'à la hauteur d'âme), et de par la perversité du système qui consiste à dresser les détenus les uns contre les autres… Finalement, on ne vit pas, ici, on survit. Mais toute survie est une victoire.
Les livres de Soljénitsyne n'ont pas d'autre leitmoiv : la vie, la liberté, n'ont de sens que si on les rend pérenne : c'est le sens du témoignage. C'est aussi le sens dans lequel il faut comprendre l'Histoire : parce qu'ainsi on peut la juger et (peut-être) en tirer des leçons.
Commenter  J’apprécie          193
Ce genre de lecture est un indispensable pour celles et ceux qui veulent approfondir leur connaissance des méfaits commis par le régime communiste en URSS

Le récit traite, d'une manière simple et concise, une journée d'un zek, c'est-à-dire d'un prisonnier des camps staliniens, nommés aussi goulag. J'ai trouvé admirable cette histoire racontée par Alexandre Soljenitsyne ; il tente de nous montrer un quotidien terrible qui est devenu pour lui une banalité. Les conditions de travail, de logement, de vie en soit, tout est fait pour enlever l'humanité des hommes qui y travaillent (les femmes ont aussi représenté une population importante, mais elles ne sont pas présentes dans ce camp-là). La langue est simple, crue parfois, mais nous permet d'être témoin d'une époque et d'un régime passé qu'il est difficile de comprendre, si la compréhension reste réellement possible. On parle souvent des camps nazi (Konzentrationslager), mais il ne faut pas oublier que d'autres régimes ont tenté, pour d'autres motivations, de détruire une frange de leur propre population. Malheureusement, les leçons ne semblent toujours pas tirées au niveau international, avec des preuves s'accumulant d'un possible "génocide" à l'encontre des Ouïghours par le régime communiste chinois

Ainsi, c'est une lecture de choix pour avoir la vision d'une personne qui a vécu tout ceci. Néanmoins, il est nécessaire d'avoir d'autres sources pour vraiment comprendre l'horreur de ces camps (Arte en a fait un très bon documentaire et l'art en général a abondé cette thématique)
Commenter  J’apprécie          182
Quelle journée ! Et quel talent pour rendre l'univers terrible des camps en racontant une journée ordinaire ! Cette journée semble bien longue au lecteur comme à Ivan Denissovitch, sans repère temporel. En une journée nous ressentons les comptages et recomptages sans fin des prisonniers, les déplacements des zeks en rangs par cinq des baraques au chantier, du chantier aux baraques, jour après jour, avec la peur permanente d'un événement qui envoie au cachot, ce qui est quasiment une condamnation à mort.
Ivan Denissovitch Choukhov est un russe ordinaire, fait prisonnier par les Allemands pendant la seconde guerre mondiale, il a réussi à s'enfuir et à retourner dans sa patrie, pensant être accueilli à bras ouverts. Mais comme tant d'autres, il a été accusé de « trahison envers la patrie » et condamné à dix ans de camp de travail. Il a déjà effectué plus de la moitié de sa peine, mais sait qu'elle sera prolongée encore et encore, et qu'il ne sortira probablement pas du camp vivant. Soljénitsyne réussit, avec la description de cette journée ordinaire, à nous faire toucher du doigt ce système totalitaire qui enlève tout espoir en niant l'individu. Tous savent que réintégrer la vie normale est impossible. Pas besoin de scènes violentes, ni de scènes de sévices ou de tortures, le quotidien dans des conditions inhumaines suffit à lui seul avec le froid, les travaux difficiles, la faim, ...
C'est donc une journée comme une autre, dans un univers qui a généré ses propres règles, avec toutes les menues combines d'un zek pour améliorer son ordinaire : ne pas dévorer toute sa miche de pain le matin, mais en cacher une partie pour en manger le soir, se débrouiller pour avoir une part de soupe en plus, rendre de menus services à ceux qui reçoivent des colis, cacher le meilleur outil pour le retrouver le lendemain. Et par petites touches, à des détails, Soljénitsyne nous fait percevoir cet univers de survie. le récit est minimaliste, et c'est ce qui lui donne toute sa puissance. La langue est à la fois truculente et lyrique, l'écriture épurée, le texte inoubliable.
Et à la fin, malgré la résignation de ces hommes, on sent qu'il leur reste encore un peu d'humanité, et les derniers mots d'Ivan (une journée de plus était passée, sans seulement un nuage, presque un bonheur…) sont à la fois terribles et lumineux hymne à la vie.
Commenter  J’apprécie          160
"Une journée de passée.Sans seulement un nuage.Presque du bonheur."
Voilà la philosophie d'Ivan Denissovitch qui a perdu jusqu'à son nom dans l'enfer clos et absurde du camp de travail forcé de la steppe kazakhe.
Il est Choukov pour ses compagnons d'infortune, il est Matricule CH-854 pour le Tartare qui lui colle trois jours de mitard pour non réveil en cadence, il est vermine,ordure ou cochon pour le corps de garde dont il lave le plancher à grande eau.
"Merci chef !"
Il sourit de toute sa bouche édentée par le scorbut lorsque le cachot lui est épargné.
Faut ouvrir l'oeil! Faut pas se faire remarquer par les salauds!
Celui qui était un simple paysan de la Russie centrale, deuxième classe condamné pour un espionnage imaginaire à dix ans de bagne, de peur,de froid et de famine, a appris à ses dépens que la survie dans le camp est plus dure que sa vie d'avant, cette douce vie où il travaillait pourtant dur pour élever sa famille.
Faut trimer pour garder sa dignité malgré l'onglée,les douleurs,la fièvre! Faut marauder un peu de sucre,un bout de pain, un mégot et le planquer dans un trou de sa paillasse pour en ressortir une once de bonheur!
Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne, qui a vécu onze ans de captivité(de 1945 à 1953) a transmis là un témoignage de la vie des camps sans toutefois parler de sa propre vie,il a su créer un chef d'oeuvre mondialement connu (bien que censuré au départ) avec l'ordinaire d'un bagnard.C'est cet ordinaire où le fouet et le nom de Staline sont juste évoqués qui fait ressortir l'horreur de la situation et l'injustice de la condamnation.
Nommer l'indicible,dévoiler le caché,décrier l'abject, ce livre, appartenant au mouvement littéraire des années 1960, a sonné comme une délivrance pour ceux qui ont vécu et survécu dans ces camps de travail forcé.
Les phrases de Soljenitsyne, courtes, émaillées d'argot et de patois russe parlent vrai et accordent encore plus de crédit au récit.Pas de chapitre,pas de souffle,pas de repos ! On les vit ces 17 heures longues et courtes à la fois!
Ses mots nous touchent.
C'est tout un pan d'histoire du XX° siècle et une philosophie que transmet ici l'auteur.
On ne peut qu'admirer le stoïcisme de Choukov, qui prend son petit bonheur du jour dans un quignon de pain rassis,et s'incliner devant sa bonté d'âme alors qu'il ne croit pas en Dieu mais offre sa galette au baptiste Aliocha en prière.
"Donnez nous notre pain quotidien!"
Serait il un chrétien charitable ce sans foi dont la loi du coeur est plus forte que la raison?
Un livre superbe et une belle leçon de courage et de vie!
Ont suivi le pavillon des cancéreux,L'archipel des goulags,Le premier cercle. Les chroniques et romans de Soljenitsyne,écrivain soviétique réhabilité en 1957 dénoncent le stalinisme et les atteintes aux droits de l'homme en URSS.
Déchu de la citoyenneté soviétique et expulsé de son pays en il s'exila aux Etats Unis de 1974 à 1994.Il a obtenu le prix Nobel en 1970.
Commenter  J’apprécie          160
Odin den'Ivana Denissovitcha
Traduction : Lucia et Jean Cathala

Que dire de ce court roman, basé sur des faits authentiques, qui valut à son auteur la reconnaissance mondiale ?

Tout d'abord qu'il fut remarqué en 1961 par le rédacteur de la revue Novy Mir, Alexandre Tvadorvski.

Puis que celui-ci, comme beaucoup d'autres, estimait qu'il fallait à tout prix, après la dénonciation des crimes staliniens et du culte de la personnalité par les XXème et XXIIème Congrès du Parti communiste soviétique, évoquer les horreurs du goulag de façon plus hardie que les quelques (rares) scènes d'arrestation montrées (de temps en temps) dans tel ou tel film auquel la censure du Parti n'avait pas bronché.

C'est ainsi que la manuscrit d'"Une Journée d'Ivan Denissovitch" finit par se retrouver entre les mains de Vladimir Lébédiev, conseiller principal de Khrouchtchev à la culture. Or, Lébédiev, fait rare chez un politique, aimait la bonne littérature et, sous réserves de quelques menues coupures dans le texte, il se chargea de lire lui-même le texte au Premier secrétaire. Et peu après, le roman fut édité.

Dans l'oeuvre de Soljenitsyne, ce roman paraît un tour de force. D'abord, il est bref. Ensuite, bien que les événements relatés soient évidemment des souvenirs de l'auteur, celui-ci parvient à prendre - et à conserver - le recul dont rêve tout écrivain hanté par le besoin irrépressible de retracer par écrit les situations les plus douloureuses qu'il a traversées. Enfin, rien qu'en racontant dix-sept heures de la vie d'un zek au goulag, le romancier trouve le moyen d'entraîner son lecteur dans les profondeurs d'un enfer où les démons se nomment Routine, Froid, Faim et Peur.

Pourtant, pas un instant, Soljenitsyne ne tombe dans le mélo sordide. Il ne fait pas pleurer Margot, c'est le moins que l'on puisse dire. La roublardise paysanne dont Ivan Denissovitch Choukhov est bien obligé de faire montre pour survivre dans le camp où il purge sa peine, fait même sourire plus d'une fois le lecteur qui, d'emblée, se sent le frère de cet homme simple, sans grande instruction mais bon ouvrier, à qui une révolution qu'il ne comprend pas (et à laquelle il ne s'intéresse pas vraiment) a volé une partie de son existence pour des raisons aussi absurdes qu'iniques et qui, dans sa misère, réussit à se satisfaire de menues joies et, mieux encore, à partager celles-ci avec moins malin ou moins chanceux que lui.

Plus qu'à Tolstoï le théoricien, c'est évidemment à Dostoievski que Soljenitsyne fait ici penser. La langue bien sûr, la façon de l'utiliser et la construction du roman appartiennent au XXème siècle mais, par la générosité de la pensée et par la dimension universelle qu'il donne à son Ivan Denissovitch, Soljenitsyne est bien l'héritier de l'auteur des "Frères Karamazov."

Rien que cela devrait vous inciter à lire "Une Journée d'Ivan Denissovitch" - si ce n'est déjà fait, bien sûr. ;o)
Commenter  J’apprécie          150
Je me suis pris une claque à la lecture d'Une journée dans la vie d'Ivan Denissovitch. Soljenitsyne nous propose de suivre, du lever au coucher, le quotidien d'un homme condamné au goulag.

J'ai ressenti le froid, la faim, et la volonté farouche de survivre du "héros" lors de cette lecture qui m'a prise aux tripes. L'auteur a lui-même passé plusieurs années au goulag, ce qui explique combien ce qu'il écrit fait vrai, parce qu'il a vécu cela.

En bref, ce livre est un vrai petit bijou, un témoignage poignant de ce qu'ont pu vivre les millions de personnes passées par l'enfer des goulags.
Commenter  J’apprécie          143
C'est à la dernière page, lorsque Choukhov fait le bilan de sa journée, qu'on mesure pleinement le talent de Soljenitsyne.

Dans un style simple, y mêlant parfois un peu d'argot pour donner la parole aux différents prisonniers : paysans russes, Lettons, Lituaniens..., Alexandre SOLJENITSYNE nous fait partager, avec beaucoup de recul, une journée de forçat au goulag (Lever 5h, rassemblement, travaux forcés, froid glacial, infirmerie, repas ...).
Il a pris le soin d'éliminer de son livre l'horreur et la mort pour se consacrer à la journée-type du prisonnier qui garde sa dignité humaine et se concentre sur les petits arrangements qui amélioreront sa ration quotidienne de nourriture.

Du grand art pour ce récit épuré qui finit par une touche de "Bonheur"
Commenter  J’apprécie          140
Une journée comme une autre dans la vie d'un zek, d'un prisonnier d'un camps soviétique. Emprisonné sans raison, n'ayant jamais fait de politique, ni commis aucun délit. Juste pas eu de chance. Comme des millions d'autres, dans un système qui généralise les camps comme un élément de fonctionnement indispensable de la société. C'est terrifiant, et d'autant plus que Soljenitsyne a choisi une sorte de prisonnier modèle, qui arrive à trouver des satisfactions dans sa vie de prisonnier, qui aime le travail bien fait, ne pourrait même pas envisager la critique du système ni la moindre révolte, qui aperçoit de l'humanité chez les pires tortionnaires. L'auteur nous montre comme un homme simple, sans instruction peut arriver à sauvegarder sa part d'humanité et de dignité dans un dispositif destiné à les lui faire perdre complètement. 

Je trouve que l'on a trop parfois voulu réduire les écrits de Soljenitsyne à un témoignage, à une dénonciation. Or c'est avant tout de la grande littérature. Son style, si simple en apparence, possède une grande puissance, un grand lyrisme, derrière une description de petits événement. L'infini affleure dans la moindre brindille. Son originalité et son talent singuliers sont encore plus sensibles en comparant ses écrits à d'autres grands écrits littéraires sur les camps, je pense en particulier à Un monde à part de Gustaw Herling et aux Récits de la Kolyma de Varlam Chalamov.
Commenter  J’apprécie          131
Le bout de pain se transforme en nourriture spirituelle et,alimente l'extraordinaire volonté de survivre.
Commenter  J’apprécie          130




Lecteurs (3358) Voir plus



Quiz Voir plus

La littérature russe

Lequel de ses écrivains est mort lors d'un duel ?

Tolstoï
Pouchkine
Dostoïevski

10 questions
438 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature russeCréer un quiz sur ce livre

{* *}