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sur 4649 notes
Un Pulitzer cent fois mérité, pour cette bande dessinée vitale, essentielle, indispensable.
Art Spiegelman nous emmène dans une période atroce, qui n'en finit pas de revenir dans sa hideur absolue.
Seul, un récit en bande dessinée noir et blanc avec un style semi-animalier pouvait offrir la force nécéesaire à ce propos sur le mal et la barbarie.
Il n'y aura jamais assez d'étoiles, pour louer ce chef d'oeuvre de la bande dessinée mondiale.
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Bande dessinée d'Art Spiegelman. Ce volume comprend Mon père saigne l'histoire et C'est là que mes ennuis ont commencé.

Préface de Marek Halter : "Qu'y a-t-il de commun entre une bande dessinée et la Shoah ? "Zahkor" ! souviens-toi en hébreu. Cette injonction apparaît quelques 169 fois dans le texte biblique, comme si les sages réunis à Yavné, vers la fin du premier siècle, pour compiler les textes et les chroniques qui allaient composer le Livre des livres, avaient pressentis le rôle primordial dévolu à la mémoire dans le destin d'un peuple appelé à la dispersion et à l'exil. Art Spiegelman est le fils d'un des survivants des ghettos polonais. Né à Stockholm en 1948, il vit à New York et dessine des B. D. Maus, son livre, est l'histoire d'une souris dont le chat a décidé d'avoir la peau. La souris est le juif, le chat le nazi. le destin de Maus est de fuir, de fuir sans espoir l'obsession du chat qui lui donne la chasse et lui trace le chemin de la chambre à gaz. Mais Maus est également le récit d'une autre traque, celle d'un père par son fils pour lui arracher l'histoire de sa vie de juif entre 1939 et 1945 et en nourrir sa propre mémoire, se conformant ainsi à l'obligation de se souvenir. de transmettre aussi. Et avec quelle énergie ! Car de la rencontre peu naturelle de la B. D. et de la Shoah naît un choc. le choc d'une forme réputée mineure pour un événement majeur. Tout comme Woody Allen a su, avec ses images en noir et blanc, nous désintoxiquer du cinéma pour mieux nous le faire voir, Art Spiegelman parvient à effacer de notre souvenir les récits un peu fatigués de la Shoah pour leur substituer un montage neuf, contemporain et fort. D'où la réussite de Maus, cette oeuvre de la première génération "d'après". Grâce à l'art de Spiegelman, le destin de Maus ne cessera de nous hanter."

Mon père saigne l'histoire (du milieu des années 30 à l'hiver 1944) - Art Spiegelman demande à son père de raconter son histoire, sa rencontre avec sa mère Anja et les années noires de la seconde guerre mondiale. Art a le projet de dessiner cette histoire en collant au plus près :"Je veux raconter ton histoire, comment ça s'est vraiment passé." (p. 25). Vladek Spiegelman retrace alors sa jeunesse en Pologne, son mariage avec Anja, ses fabriques de tissus, sa capture en tant que prisonnier de guerre et toutes les combines qu'il a "organisées" pour faire vivre et sauver sa famille et celle de son épouse. du ghetto à Auschwitz, Vladek tente de survivre.

Art fait de son père un portrait sans concession. Il montre comment le vieil homme a gardé les habitudes de la guerre, entre récupération et économies avaricieuses. "Sur certains points, il est exactement comme les caricatures racistes du vieux juif avare." (p. 133) Vladek est un vieil acariâtre bougon, remarié sans amour avec Mala après le suicide d'Anja. le père d'Art jauge le quotidien à l'aune de son expérience de la guerre et d'Auschwitz. Irrémédiablement marqué, dans sa chair et dans son âme, par la Shoah, Vladek ne peut concevoir la légèreté de la nouvelle génération.

Et c'est là que mes ennuis ont commencé (de Mauschwitz aux Catskill et au-delà) - La seconde partie s'ouvre sur une réflexion d'Art face à son oeuvre. Il se demande sous quels traits animaux il peut représenter les Français. Il remet en question le choix de son expression :"Il y a tant de choses que je n'arriverai jamais à comprendre ou à visualiser. J'veux dire la réalité est bien trop complexe pour une B. D. ... Il faut tellement simplifier ou déformer." (p. 176) Entre le postulat historique et sa représentation artistique et graphique se creuse un fossé qu'Art doute pouvoir combler. Se dessinant homme derrière un masque de souris, il montre son appartenance à un groupe, mais également les distances qu'il prend avec celui-ci.

Dans la seconde partie, Vladek poursuit le récit de son passage à Auschwitz. Il décrit comment, à force de combine et de chance, il a réussi à obtenir des places privilégiées et des avantages. Les images des camps sont connues, mais mises en bande dessinée, elles acquièrent une nouvelle épaisseur et une nouvelle vitalité. Les marches de la mort, la fin de la guerre et le retour au pays sont autant de thèmes déjà vus, mais le traitement que leur impose Art Spiegelman permet de les voir avec un oeil nouveau.

Cette bande dessinée a l'épaisseur et la forme d'un roman. Découpée en chapitres, elle est également mémoires et confessions d'un vieil homme, testament et récit des origines pour le fils. Insérée à mi-parcours, on découvre une autre bande dessinée d'Art Spiegelman, celle où il illustre le suicide de sa mère. Mise en abîme de la mort eet du récit familial, cette production met en scène des êtres humains perdus, solitaires et effrayants. Dans Maus, le recours à l'animal permet de se sauver un peu de l'horreur de la représentation.

Les souris sont les Juifs, les chats sont les Allemands, les cochons sont les Polonais, les chiens sont les Américains, etc. Je m'interroge sur le choix de la souris. Certes, la faiblesse de l'animal face au prédateur félin ne fait aucun doute. Mais j'y vois aussi une reprise des idéaux nazis : les juifs sont une vermine trop nombreuse qu'il faut exterminer. Quand les juifs cherchent à se déguiser, ils portent des masques de cochon pour se fondre la masse "honnête" de la population. Les juifs ne sont pas des citoyens au même titre que les Allemands ou les Polonais. Ils sont autre chose, autrement.

Les [S] des phylactères ressemblent aux S allemands du sigle SS. Ils zèbrent sans cesse les paroles, éclatent la parole en éclair de mots et font écho aux bombardements et aux coups. La peur suinte des pages. le dessin en noir et blanc renforce cette impression de monde manichéen : sans cesse le personnage peut basculer dans le néant. Les mots parfois s'agencent en phrases laconiques dont la logique est évidente :"Beaucoup ont eu des plaies à cause du froid. Dans les plaies du pus, et dans le pus des poux." (p. 55) L'horreur physique et les conséquences dramatiques de la saleté sont ici exprimées en termes factuels, irrémédiablement logiques. La langue de Vladek est caractéristique des émigrés : il inverse certaines parties de phrase et commet des erreurs. Il abuse des pronoms : en cela j'ai vu une nécessité de toujours mettre l'humain au centre, d'insister sur la personne en faisant mention d'elle sous toutes ses formes grammaticales.

La place du fils et, plus généralement, des générations issues des survivants, est fortement interrogée. "Je dois me sentir coupable quelque part d'avoir eu une vie plus facile qu'eux." (p. 176) Ici parle la culpabilité du survivant et ainsi s'exprime le poids intemporel et inaliénable du souvenir. Entre le père et le fils, les relations sont souvent tendues. Art en veut à son père de vivre comme si la guerre allait frapper et Vladek ne sait vivre que dans la crainte et le ressentiment. Art reste un enfant qui se sent incapable d'être à la hauteur des attentes de son père. Quand on apprend la mort de Vladek, la tension retombe. Art reprend le récit, délivré du poids de l'approbation paternelle, et il achève plus aisément la mise en images de l'existence de son père.

Pas facile de parler de cette oeuvre qui a déjà fait couler tant d'encre... Cette bande dessinée ne peut pas être saisie en une seule et première lecture. Il faudra y revenir pour mieux saisir certaines subtilités. Si les textes de Primo Levi et de Robert Anthelme m'ont fortement marquée, l'image d'Art Spiegelman a également fait impression pour longtemps.
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Vous allez me détester pour ce petit billet sous vitriol. Je le sais, mais je suis prêt à encaisser, à me battre et à résister. Il me semble que je vous l'avais dit, je suis de retour plus fort que jamais. Mais trêve de blablas, entrons de suite dans le vif du sujet. Attendez, donnez-moi quelques secondes le temps que j'enfile mon casque et mes gants de boxe. 1, 2, 3, 4, 5 (à compter au rythme des secondes hein). C'est bon. En selle Marcel. Mince j'ai dû enlever les gants pour écrire mais je les remettrai plus tard, vous avez compris le truc quoi.

Maus. Quel titre. Probablement un des meilleurs jamais pondus. Subtil jeu de mots et sonorités entre Mouse (à l'image des personnages de la BD) et Mauschein (« parler comme un juif » ndlr) dont il est la contraction, l'aube de ce roman graphique avait tout pour plaire. Et je voulais l'aimer, car j'affectionne tout particulièrement ce pan lugubre de l'Histoire, mais également la bande dessinée. le mariage des deux ne pouvait alors que me mettre des étoiles plein les yeux. Malheureusement la constellation a rapidement laissé place aux obscurs nuages annonciateurs d'un déluge : celui de mon courroux.

Ah j'oubliais : une étoile et demi rien que pour le titre. Oui, j'aurais pu en attribuer deux si c'est ce que vous vous demandez, mais étant donné que j'ai pris des trombes d'eau sur le coin de la tronche ce weekend c'est non. Alors d'où vient la deuxième étoile (finissons-en avec le positif, car mon pot de vitriol s'impatiente) ? de la couverture, tout simplement. En toute franchise elle déchire, à la fois menaçante, avec son imposante croix gammée au centre, et étonnamment ébranlante à travers les personnages des deux souris. Je trempe à présent ma plume dans l'acide sulfurique. Âmes sensibles s'abstenir, c'est DC ici, par Marvel hein.

Primo, j'ai trouvé les dessins repoussants. La surabondance de simplicité dans le trait alliée à un côté brouillon confère une inexpressivité générale sincèrement désagréable à l'oeil. Je ne parle même pas de la difficulté à s'y retrouver dans tous les personnages qui se ressemblent tous. Heureusement qu'un caban, collier ou un chapeau melon (c'est dire le niveau de précision oculaire requis) trainaient parfois dans le coin pour se repérer. Deuxio, l'histoire est tellement lente qu'il ne faut pas lire cette BD après 22h sous peine de tomber dans un sommeil de plomb. La cause ? Beaucoup de verbiages hélas inintéressants qui, au lieu de tisser un filon émotionnel entre l'oeuvre et le lecteur les distance plus qu'autre chose.

Faisons à présent tomber le couperet. La température de lecture n'excède jamais les 12,3°C (oui j'aime la précision) alors qu'on est en droit de s'attendre à une étouffante vague de sanglots. Oui j'aime pleurer devant un bon film ou un bon livre, ça réchauffe. Eh oh, tout le monde ne roule pas sur l'or, en hiver c'est bien pratique. Bref, le personnage du fils est insolent d'antipathie et celui du père insupportable d'agressivité envers la vie en générale, mais encore plus envers sa tendre moitié (âmes sensibles de féministes s'abstenir).

Bon j'ai fini mon pot de vitriol alors je vous fais la bise, avec un émoticône bien sûr (covid oblige je ne suis pas fou) et je vous attends dans l'espace commentaires. Ahou !! Léonidas, les spartiates, tout ça m'voyez ? Eh bien ça me donne du courage.
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Est-il nécessaire de présenter cet album, justement encensé et récompensé en son temps ?
C'est une polémique venue des États-Unis, où certaines écoles ont décidé de le retirer de leurs bibliothèques, qui m'a poussé à le découvrir.
Maus (souris, en allemand) c'est l'histoire de Vladek Spiegelman, son histoire de Juif Polonais au moment de l'invasion allemande, incroyable destinée qui le verra miraculeusement sortir vivant de ces années noires et du camp de concentration d'Auschwitz, notamment.
C'est son fils, Artie (Arthur) qui va recueillir durant plusieurs mois, les confidences de cet homme aigri et en conflit permanent avec ceux qui l'entourent.
L'originalité de ce roman graphique vient de ce que l'auteur a choisi de donner un visage animal aux personnages.
La souris pour les Juifs.
Le chat pour les Allemands.
Le porc pour les Polonais d'autres confessions.
La grenouille pour les Français.
Cela n'enlève rien à la dramaturgie de l'histoire, peut-être même que la lecture en est facilitée et permet d'en élargir le public.
Pour ne pas alourdir son récit, Art Spiegelman ne le relate pas d'une traite, il fait des pauses, il ramène le lecteur dans l'époque contemporaine, chez lui ou chez son père, avec qui les relations sont tendues.
Il lui en faudra de la patience pour recueillir ce témoignage.
Celui d'un père devenu acariâtre, avare, qui passe ses journées à se plaindre et à compter, comme si sa vie aujourd'hui était plus dure que ses années de galère passées.
Roman d'une vie, romans de vies (celle de la mère de l'auteur et de tant de juifs polonais), que je recommande fortement.
Plutôt que de l'interdire dans les écoles, on ferait mieux d'encourager la lecture de Maus...



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Une fresque sous forme de bande dessinée d'une partie de la seconde guerre mondiale avec la déportation des juifs polonais vers les camps de concentration. Elle est traitée sous la forme d'entretiens entre le fils et le père, celui-ci répondant aux questions posées par son fils sur son vécu douloureux de cette période qui lui enleva tant de membres de sa famille dont son premier fils.

Le fait que les personnages soient présentés sous forme de souris pour les juifs, de chats pour les nazis, de cochons pour les kapos a quand même gêné ma lecture. Un peu d'humour quand même avec un français sous les traits d'une grenouille. L'auteur parvient à donner quelque expression au visage des souris, mais, pour ma part, je préfère un dessin plus réaliste.

Ensuite, je trouve le fils bien peu indulgent avec le père. Il est vrai que la déportation ne lui a pas enlevé ses défauts, avarice, égoïsme, mais était-ce nécessaire d'insister autant jusqu'à illustrer le racisme du père à l'égard des noirs américains? Elle ne lui a certes pas ôté de tels défauts, mais il me semble que vouloir montrer les douleurs de la Shoah ne nécessitait pas d'insister autant sur les failles de la personnalité du père. Ceux qui sont revenus des camps doivent être traités en héros car ils ont, par la volonté et l'espérance, réussi à survivre là où la mort et la persécution étaient le quotidien.

D'ailleurs, le fils se désintéresse beaucoup du vécu du père devenu vieux, pleurnichard, hypocondriaque -- il meurt quand même de la maladie de son coeur -- l'écoute à peine quand il évoque le présent et le peu d'avenir qu'il lui reste, en le ramenant quelquefois durement sur la réalité de la déportation.

Il lui reproche d'avoir brûlé les carnets de sa mère, déportée également, mais peut-il comprendre la volonté du père de tirer un trait définitif sur toutes ces douleurs, encore qu'il vive dans le souvenir de sa femme, peut-il comprendre l'indicible? Il ne le démontre pas dans son attitude.

L'impression finale qu'il me laisse est celle d'avoir questionné le père pour son business davantage que par intérêt et compassion pour tout ce que celui-ci a enduré.
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Maus fait partie de ces oeuvres qui ont une portée immense à la fois universelle et personnelle. Je viens de finir le roman pour la deuxième fois, le coeur gros. Pour tout dire, je ne me sens pas bien du tout après cette lecture éprouvante et malgré les techniques de distanciation que Spiegelman a mis en place.
J'en ai rêvé toute la nuit, je n'ai pas pu lâcher le bouquin, tout en plongeant sans cesse plus profond dans l'horreur et le subterfuge de transformer les différents personnages en animaux n'a que très peu dilué cette vision des enfers qu'a été la shoah avec ses camps de concentration.
Les intermèdes où Art fait parler son père et l'enregistre ne fait que renforcer l'authenticité du récit et beaucoup de pensées m'ont traversée tout au long de la lecture: comment survivre à ces horreurs inimaginables, pendant et après? La mère de l'auteur, d'ailleurs, n'y est pas parvenue, pauvre femme. Comment ne pas devenir fou? Comment vivre avec le passé des parents qui ont vécu ça? Comment intégrer tout ça à son quotidien, comment recommencer à vivre dans la normalité, comme l'a fait le père d'Art?
J'espère que l'auteur a pu exorciser son passé et celui de sa famille grâce à cette oeuvre incroyablement forte et bouleversante.
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Je me suis replongé avec beaucoup d'émotions dans ce récit, me suis laissé porter par les aller-retours entre les dialogues conflictuels père-fils et les souvenirs de la guerre et des camps.
Je ne pense pas que face à un tel récit, je puis me permettre de lancer une discussion politico-sociale comme d'autres critiques ont pu le faire ni même de jugement sur la valeur esthétique du graphisme ou encore sur le fait de mériter ou non le Pulitzer.
Je ne peux que reconnaître à Spiegelman le mérite de parler de survivants en chair et en os, avec leurs défauts et qualités, leurs croyances et même leur petitesse d'esprit.
Raconter non pas la Shoah mais les survivants avec des propos humains ne peut que nous émouvoir, nous qui parfois avons pu côtoyer un de ceux-là qui est revenu.

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Des témoignages sur l'holocauste, il y en a eu beaucoup. Et heureusement, tant il est essentiel pour nous comme pour les générations futures de préserver la mémoire de ces événements, aussi douloureux qu'ils puissent être. Parmi ceux que j'ai eu l'occasion de découvrir, aucun ne m'aura toutefois autant remué que celui rapporté ici par Art Spiegelman. « Maus », c'est d'abord l'histoire d'un homme pris dans la tourmente nazie et tentant tant bien que mal de survivre et de veiller sur les siens. C'est aussi l'histoire de l'auteur lui-même et de sa relation avec ce père avec lequel il a toujours eu du mal à communiquer et qu'il redécouvre par le biais de son récit. L'entrelacement des deux récits est tout bonnement bouleversant et permet de livrer un témoignage original de l'enfer vécu par le peuple juif tout au long de la Seconde Guerre mondiale. le premier tome couvre la période des années 1930 à l'hiver 1944 et relate la montée progressive du nazisme et, avec lui, la rapide dégradation des conditions de vie des Juifs de Pologne. Ce sont d'abord des pogroms au cours desquels ils sont nombreux à trouver la mort. Puis arrivent les lois et décrets leur interdisant de tenir un commerce et les obligeant à quitter leur logement pour s'installer dans des ghettos où les conditions de vie sont déplorables. Et puis c'est finalement l'épuration, inexorable et impitoyable : les Juifs âgés de plus de 70 ans sont les premiers à être déportés, puis c'est au tour des invalides, des familles nombreuses, des enfants et puis finalement de tous ceux qui restent. Les quelques Juifs ayant réussi à échapper aux rafles en sont réduis à se terrer comme des rats, ou plutôt ici des souris, pris au piège de leur félin tortionnaire.

On reste complètement hébété devant l'accumulation de tant d'horreurs que l'on souhaiterait de tout coeur n'être que le fruit de l'imagination morbide de l'auteur tout en sachant pertinemment qu'il n'en est rien. le témoignage livré ici est accablant et rendu d'autant plus insupportable par un fait rapidement confirmé par le père du narrateur : ils savaient. Dès le début des années 1940, les Juifs savaient ce qu'il se passait à Auschwitz et savaient qu'on les envoyait à la mort. Mais comment lutter face à l'efficacité et implacabilité de la machine de guerre nazie ? Après des années passées à se terrer, à voir disparaître un à un tous les êtres qui leur étaient chers, Vladek et Anja finissent par eux aussi rejoindre la file des déportés. C'est à ces quelques mois passés à Auschwitz par les parents de l'auteur qu'est consacré le deuxième tome, une expérience à laquelle tous deux survivront miraculeusement, échappant non seulement aux chambres à gaz mais aussi aux mauvais traitements, à la maladie et aux marches de la mort. Pour contrebalancer l'horreur du récit, l'auteur intercale tout au long de l'ouvrage de nombreux passages dans lesquels il se met lui-même en scène en train de construire son livre et de renouer avec son père. Un père pour lequel on éprouve évidemment beaucoup de compassion tout en ne pouvant s'empêcher de le trouver insupportable dans ses vieux jours. Les dessins quant à eux pourront au premier abord rebuter (surtout de jeunes lecteurs, ce qui est bien dommage) mais servent parfaitement le propos, la représentation des personnages en animaux n'atténuant en rien le choc ressenti par le lecteur.

Avec « Maus », Art Spiegelman signe une très grande oeuvre proposant une vision novatrice et plus bouleversante encore de l'histoire des Juifs de Pologne pendant la Seconde Guerre mondiale. A lire et à faire lire pour ne pas oublier et surtout ne plus jamais recommencer.
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Nous voici avec la BD d'une souris bien connue, non pas la célébrissime des studios Walt Disney, mais celle d'Art Spiegelman qui va nous amener vers des sujets bien plus sombres et sérieux, ceux de la déportation et tentative d'extermination des juifs. L'auteur nous raconte ici le récit de son père, juif, durand la seconde guerre mondiale, d'abord caché, puis déporté et enfin rescapé des camps de la mort.

Au-delà d'une bande dessinée et de son côté "enfantin" de part les dessins et une approche souvent naïve des protagonistes (expliquée en partie par l'ignorance des faits de l'époque), c'est un formidable témoignage individuel d'un drame collectif. Il revêt ainsi une grande et précieuse valeur historique au même titre que le Journal d'Anne Frank par exemple.

Le graphisme des dessins est très sombre, pas très engageant lors des premières pages mais finalement assez bien adapté au contexte général.

C'est un témoignage de plus, le format de la BD permettant certainement d'atteindre plus de monde et d'éviter ainsi, on l'espère tous, de nouveaux accès de folie chez l'homme (bien qu'il semble malheureusement porter cela en lui).
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Une critique qui sera difficile, compliquée… Peut-on réellement écrire sur un livre comme celui-ci alors que tout ce qui nous vient est juste une immense tristesse teintée d'incrédulité et de profond respect pour tous ces êtres qui ont souffert ?

Essayons tout de même : dessin simple, noir et blanc, très épuré mais ces souris rendent très bien les émotions. C'est beau, c'est à pleurer ! J'ai également aimé les différents animaux pour représenter les différentes nationalités.

C'est un livre sur la Shoah, les horreurs qui ont eu lieu, le mot est faible. Presque à chaque page tournée, à chaque événement, il me fallait un moment pour me rendre compte, réaliser que cette folie a existé. En même temps, peut-on vraiment en prendre toute la mesure ? Je ne le crois pas. La Shoah donc, oui, mais pas que. C'est un livre sur les persécutions avant la déportation, un aspect que j'avais peu lu. C'est un livre sur ce que l'on devient lorsqu'on revient, ce que les survivants ne font jamais vraiment (revenir…). Enfin c'est un livre sur la mémoire, le traumatisme qui se transmet aux générations futures, l'écriture du témoignage. Assurément c'est un livre qu'il faut avoir lu !

~ challenge XXème siècle
~ pioché dans ma pal par Herchalex
Lien : https://lecturesdeflo.fr/202..
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