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EAN : 9782205203837
128 pages
Dargaud (30/06/2023)
3.9/5   73 notes
Résumé :
Yasmina, psychologue de 35 ans, est consommatrice de programmes de télé-réalité. Petite dernière d'une brillante famille d'universitaires, elle décide de leur prouver que la télé-réalité est un sujet de recherche digne d'intérêt et parvient à se faire embaucher sur le tournage d'une émission comme journaliste.
Plutôt que de s'arrêter au constat méprisant que ces émissions sont au mieux mainstream et au pire avilissantes, les autrices interrogent avec intellig... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (28) Voir plus Ajouter une critique
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Parce que la bêtise est l'apanage des autres.
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Ce tome contient un exposé complet, indépendant de tout autre ; il ne nécessite pas de disposer d'informations au préalable. Sa publication date de 2023. Il a été réalisé par Stella Lory pour le scénario, les dessins et les couleurs, et par Tilila Relmani pour le scénario. Il comprend cent-seize pages de bande dessinée. Il se termine par une page listant les sources (livres, articles, études, émissions, soit vingt-cinq références), et une page de remerciements.

Un avion approche de l'aéroport de Phuket, en Thaïlande, avec à son bord Yasmina Makleoud. Elle est attendue à sa sortie par un homme qui tient une pancarte portant son nom à elle, précisant le nom de l'entreprise Turfi Prod. Il la conduit en voiture, à la villa des Sudistes, et il lui souhaite bonne chance. Déposée devant, elle frappe à la porte en notant la culotte et le soutien-gorge négligemment jeté sur la statue de Bouddha sur le côté. La porte s'ouvre et une dizaine de jeunes gens sont en train de se lancer des spaghettis en sauce à la tête, avec deux caméramen en train de les filmer, et un individu hors champ derrière un fauteuil en train d'envoyer un message sur son portable. Yasmina se tourne vers le lecteur en déclarant qu'elle peut tout expliquer. Chapitre un : aux origines de la téléréalité. Quelques jours plutôt, Yasmina participait au repas de la famille Makleoud, une tablée comprenant sept adultes et un bébé. La grand-mère se râcle la gorge et annonce que cette après-midi, elle va voir l'exposition Arte Povera, en demandant si quelqu'un veut l'accompagner. le frère aîné annonce qu'il n'est pas libre car il doit avancer sur sa thèse d'habilitation. La grande soeur donne une conférence à la Sorbonne cette semaine : elle prépare un colloque sur les crises de civilisation. Son compagnon parlera de la dissolution symbolique des organes de représentation du peuple. Rym donnera une conférence à la cinémathèque sur l'évolution des critères de beauté dans le cinéma taïwanais. Seule Yasmina n'a pas d'activité intellectuelle à son actif.

La conversation reprend à table et Rym demande si les parents préfèrent que Yasmina leur annonce qu'elle va faire les anges de la téléréalité, ou qu'elle part en Afghanistan pour épouser un moudjahidine ? L'absence de réponse consterne Yasmina qui rappelle que la téléréalité la passionne. Devant l'effarement de la famille, elle leur demande s'ils ne brûlent pas de comprendre pourquoi ces programmes ont autant de succès. Et d'où viennent ces candidats aux physiques surréalistes ? Et pourquoi on aime les regarder comme si on avait accès à quelque chose d'interdit ? La mauvaise réputation de la téléréalité ne montre-t-elle pas à quel point on stigmatise les candidats et la culture populaire en général ? En quoi la téléréalité serait un sujet d'étude plus déshonorant que l'Arte Povera du président Pompidou ? Bien lancée, elle continue : avant la téléréalité, il n'y avait pas que des programmes intelligents. Elle se rappelle une émission d'Apostrophes où Bernard Pivot recevait un auteur dont le roman raconte une histoire d'amour bouleversante entre une jeune fille de quatorze ans et un écrivain de soixante-dix ans.

Le titre propose un programme fort alléchant, quelque peu tempéré par le sous-titre, en fonction de l'appétence du lecteur pour la téléréalité. La scène d'ouverture le conforte dans ses a priori, qu'il soit plutôt intéressé par l'aspect dubitatif quant à l'intérêt de ce type de programme télévisuel, ou au contraire qu'il y prenne grand plaisir au premier ou au second degré. La dessinatrice a opté pour une apparence visuelle jeune et amusée, une exagération dans les expressions de visages et le langage corporel, une simplification dans les formes, un point de vue féminin (affirmé au cours du récit) sur son immersion dans cette parodie des Marseillais : le lecteur peut aussi bien y voir une forme de dérision appliquée au sujet, autant qu'un entrain accompagnant les facéties et les outrances des histrions qui se donnent sciemment en spectacle devant la caméra. Dans le même temps, dès cette séquence introductive en deux parties (l'arrivée à la villa à Phuket, le repas de famille qui conduit à l'inscription de Yasmina), l'artiste fait preuve d'un investissement de toutes les cases, que ce soit pour le niveau de détails, ou l'énergie et l'émotion. le lecteur ne peut qu'éprouver du respect pour l'honnêteté de sa démarche, et sa curiosité pleine et entière.

Il peut donc lire cette bande dessinée comme une mise en situation, une immersion dans la production d'une émission de téléréalité, calquée sur celle qui connaît le succès à ce moment-là. Rapidement, il apparaît que Yasmina Makleoud ne jouera pas le rôle de candidate, mais de journaliste (son titre officiel), enfin plutôt assistante réalisatrice dans la villa elle-même, en prenant bien soin de rester hors champ à tout moment, et elle va nouer une réelle amitié avec Lenina, l'une des candidates. L'autrice montre qu'elle a effectué un solide travail de recherche sur les modalités de tournage : elle représente les différentes situations correspondantes. le lecteur arrive ainsi en pleine bataille de spaghettis en sauce, puis la bande dessinée reprend l'ordre chronologique en partant du casting que passe Yasmina, puis elle participe à l'audition d'autres candidats. Viennent ensuite la première journée de travail à la villa, à suivre Ada, la productrice totalement survoltée, la régie avec les écrans de contrôle et le retour de tous les micros accrochés au candidats et disséminés partout dans la villa, la phase d'interview des participants en fin de chaque journée, la découverte du script pour le lendemain, la journée de repos et ses occupations, les placements produits par les candidats sur leurs réseaux sociaux respectifs, les sorties organisées (quad, jet-ski, boîtes, n'importe quelle activité consumériste), etc.

Le lecteur est emporté par le tourbillon d'activités, par l'énergie déployée pour rendre chaque moment excitant, par l'intensité de n'importe quelle émotion (sans grand rapport avec n'importe quel instant, chacun relevant du non-événement). La narration visuelle utilise les codes de la comédie comique, exagération, réactions disproportionnées, comportements infantiles, jeunisme, mise en scène agitée, pour rendre compte de cette animation perpétuelle, de cette ébullition désordonnée. Yasmina concocte une journée type pour les candidats, teintée de parodie : 12h00 : contre toute attente, les candidats mangent des tagliatelles au pesto sur le canapé du salon quand Aaaron vient leur annoncer une activité consumériste. 13h30 : l'activité du jour, quad. Encore une distraction choisie sur un modèle bien capitaliste : coûteuse, polluante, inutile, et surtout la moins culturelle possible. 18h00 : on annonce aux candidats qu'ils vont passer la soirée en boîte de nuit, consentants ou pas. 18h20 : préparation des mecs = temps de cuisson d'un oeuf à la coque. 20h15 : préparation des filles = temps d'affinage d'un brie de Meaux. Elles vérifient la théorie bourdieusienne selon laquelle la femme doit rester cet objet accueillant attrayant et disponible. 20h45 : sous le silicone et les nano-robes en polyester se dissimule un système de pensées conservatrices, mantra des programmes. L'injonction à se mettre en couple (hétéro, cela va de soi) pour durer dans le programme. La fidélité. Mais surtout la respectabilité. Des devoirs exclusivement féminins. Malgré leurs efforts, les Sudistes ne passent toujours pas le test Bechdel-Wallace : l'indicateur du sexisme des films en trois critères. 20h45 : Show must go on, Lenina se traîne vers le dancefloor. Grave erreur tactique de Lenina qui se croit autorisée à assumer enfin son désir pour un autre homme. 22h47 : Aaaron fulmine et entame une nouvelle parade de la virilité. 23h00 : finalement tout le groupe s'est mis d'accord, la seule et unique fautive est Lenina. 00h37 : édifiante master class illustrant combien, sous un apparent libéralisme, les valeurs conservatrices de la téléréalité sont fortes.

De manière intriquée, l'autrice développe des interrogations et des analyses sur chacune de ces facettes de la téléréalité. Elle évoque les débuts historiques de ces programmes : Loft Story et Big Brother. Puis leur déclinaison sur de nombreux formats : Pékin Express, Koh-Lanta, Super Nanny, Nouveau look pour une nouvelle vie, Top Chef, Pascal le grand-frère, et bien sûr Les Marseillais, autant de catégories : vie en communauté, compétition, télécrochet, environnement de vie, séduction, sensations, mise en scène de vedettes, modes de vie, et plus si affinité expérience de vie, rénovation, rencontres, canulars, show culinaire, en soulignant le passage d'une téléréalité d'enfermement à une téléréalité de vie collective. Elle fait référence et cite plusieurs sociologues et artistes : François Jost (1949-) sémiologue, Andy Warhol (1928-1987) artiste, Patrick le Lay (1942-2020) patron de chaîne et sa célèbre formule de Temps de cerveau disponible, Eva Illouz (1961-) sociologue et universitaire spécialisée dans la sociologie des sentiments et de la culture, Pierre Bourdieu (1930-2002) sociologue, le test Bechdel-Wallace, Didier Anzieu (1923-1999), psychanalyste. Elle aurait pu également inclure la notion de société du spectacle annoncée et théorisée par Guy Debord (1931-1994). Loin de pointer du doigt les candidats comme des boucs émissaires, elle expose les mécanismes comme les valeurs réactionnaires véhiculées par cette forme de téléréalité (le capitalisme scopique), en particulier le fardeau imposé aux femmes, le narcissisme des candidats qui savent très bien mettre en oeuvre la stratégie du retournement du stigmate, la danse à deux du voyeuriste et de l'exhibitionniste.

Parti pour une lecture légère aux apparences girly sur la téléréalité de type vie collective, le lecteur en a pour son argent avec une mise en situation au sein d'une émission évoquant Les Marseillais, accompagnant une jeune femme dans la fabrication d'une saison directement dans la villa, à un rythme d'enfer avec une narration visuelle colorée et à fond de train. Dans le même temps, les autrices tiennent également la promesse de sonder ce média dans ses profondeurs, avec une analyse sociologique nourrie et pénétrante. Un ouvrage vulgarisateur, et une analyse qui s'immergent sous la surface, en reconnaissant le succès de ces divertissements comme relevant de la culture populaire.
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Club N°54 : BD non sélectionnée
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Une psy se lance dans la télé-réalité.

A défaut d'être prise comme candidate, elle est recrutée pour interviewer et organiser/suivre la journée des candidats.

Mel
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Sujet surprenant car inhabituel mais malheureusement pas mémorable.

Morgane R
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Une psy se retrouve de l'autre cote du petit écran, à participer à l'écriture quotidienne d'une télé-réalité, et découvrir qu'au-delà du prisme télévisuel, les participants « jouent » des clichés associés à leurs personnages et au format.

Une légère mise en abîme, où l'on offre aux téléspectateurs le néant qu'il attend.

Greg
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Voici mon retour de lecture sur la bande dessinée : Éloge de la surface, dans les profondeurs de la téléréalité.
Yasmina, psychologue de 35 ans, est consommatrice de programmes de télé-réalité.
Petite dernière d'une brillante famille d'universitaires, elle décide de leur prouver que la télé-réalité est un sujet de recherche digne d'intérêt et parvient à se faire embaucher sur le tournage d'une émission comme journaliste.
Éloge de la surface, dans les profondeurs de la téléréalité est une bande dessinée très bien conçue qui permet de s'interroger avec intelligence et humour sur ce besoin parfois addictif de regarder l'intimité d'inconnus à la TV.
J'avoue, étant plus jeune, j'adorais regarder Loft Story puis Secret Story et même.. les anges de la téléréalité ! Je me souviens même avoir vu en direct la fameuse réplique de Nabila sur le shampooing.
Les années passant, je ne regarde plus du tout ce genre d'émission car je trouve que les personnes qui y sont très caricaturales. Parfois même, soyons honnêtes, ce sont des caricatures d'eux même ! C'est un peu n'importe quoi lol
Toutefois, en tant qu'ancienne amatrice de ce genre, j'étais très attirée par cette bande dessinée et je n'ai pas été déçue du tout.
C'est un bon décryptage de ce phénomène, il y a de l'humour et une bonne analyse documentaire, j'ai trouvé ça très intéressant.
Il y a tout un travail approfondit sur ces émissions, leur fonctionnement, le casting.. Chapeau !
Certains passages sont très pertinents.
J'ai apprécié les graphismes et la colorisation.
Éloge de la surface, dans les profondeurs de la téléréalité est une bonne bande dessinée que je vous invite à découvrir à votre tour et note quatre étoiles et demie :)
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Yasmina est psychologue et se demande si elle n'a pas "raté" sa carrière, car contrairement aux autres membres de sa famille, elle n'a pas commis de thèse. Et pour en rajouter, elle est passionnée par la télé-réalité ! Un comble dans une famille d'érudits ! Elle décide de faire un pied de nez aux archétypes sociaux en s'inscrivant au casting des "Sudistes". Et elle va effectivement participer à quelques jours d'un de leur tournage, avec l'oeil acéré d'une spécialiste.

Le titre m'a interpellée, le résumé a attisé ma curiosité et l'illustration de couverture a confirmé mon envie de découvrir cet album ! Je remercie #NetGalleyFrance et les éditions Dargaud pour m'avoir permis de découvrir #Élogedelasurface.

Il s'agit d'un album aux abords plutôt classiques et on est surpris par l'intelligence, les références et la profondeur des réflexions autour du phénomène de télé-réalité et de ce que cela dit de notre société. Plusieurs thèmes cruciaux sont abordés autour du sujet principal : nos modes de communication, la société du spectacle, la dynamique des groupes, les médias, la sexualité et les injonctions autour des corps et des relations interpersonnelles, les zones floues qui incitent au voyeurisme ou à l'exhibitionnisme.... J'ai apprécié les références en fin d'album, "pour aller plus loin" dans la découverte de ces thèmes.

Les autrices, Lory Stella et Tilila Relmani font preuve de beaucoup de pertinence, d'impertinence et d'humour pour nous ouvrir l'esprit sur un thème de société qui fait appel à plusieurs leviers psycho-sociaux. Et on suppose aisément qu'Éloge de la surface soit basé sur leurs vies et expériences communes.
Enfin, les illustrations sont drôles, attractives, colorés, bref, très sympathiques !

#Élogedelasurface #NetGalleyFrance
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Yasmina, 35 ans est psychologue et passionnée par la téléréalité. Dans sa famille de thésards, elle passe un peu pour une idiote quand elle défend ce genre de programmes. Elle décide alors de de faire embaucher sur une émission.
L'intrigue est vraiment amusante, mais c'est surtout un prétexte pour décortiquer les coulisses des émissions de téléréalité et montrer l'implantation du concept depuis bien plus longtemps qu'on ne l'imagine à travers l'idée de société de spectacle. On s'amuse de découvrir un univers de toc dont les protagonistes ne sont pas forcément les idiots que l'on imagine, opposant image publique et vie privée.
Les situations sont pleines d'humour, surtout les coulisses du tournage où les "journalistes" doivent rester invisibles à l'écran, tout en restant sur les lieux.
Yasmina essaie d'ouvrir les yeux des autres personnages, tant sa famille, leur expliquant que dénigrer ce genre de programme relève du mépris de classe, que les participants de l'émission en leur montrant les limites de ce culte de l'image.
Les dessins sont amusants, un brin caricaturaux, collant parfaitement avec l'ambiance de l'histoire, appuyant le côté léger et humoristique.
Le résultat est bourré d'humour, reste tendre pour ses personnages, tout en offrant au lecteur une vraie réflexion. Une réussite.
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critiques presse (1)
LigneClaire
10 juillet 2023
"Éloge de la surface" plonge, c’est le cas de le dire au plus profond de cette spécialité internationale pour une étude bien ficelée signée par Tilila Relmani au scénario et Stella Lory au dessin. Attention, on en apprend beaucoup sur nous, les autres, eux les stars du système qui passent pour des débiles mais qui ne sont pas peut-être ceux qu’on croit.
Lire la critique sur le site : LigneClaire
Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
12H : contre toute attente, les candidats mangent des tagliatelles au pesto sur le canapé du salon quand Aaaron vient leur annoncer une activité consumériste. 13H30 : l’activité du jour, quad. Encore une distraction choisie sur un modèle bien capitaliste : coûteuse, polluante, inutile, et surtout la moins culturelle possible. 18H : on annonce aux candidats qu’ils vont passer la soirée en boîte de nuit, consentants ou pas. 18H20 : préparation des mecs = temps de cuisson d’un œuf à la coque. 20H15 : préparation des filles = temps d’affinage d’un brie de Meaux. Elles vérifient la théorie bourdieusienne selon laquelle la femme doit rester cet objet accueillant attrayant et disponible. 20H45 : sous le silicone et les nano-robes en polyester se dissimule un système de pensées conservatrices, mantra des programmes. L’injonction à se mettre en couple (hétéro, cela va de soi) pour durer dans le programme. La fidélité. Mais surtout la respectabilité. Des devoirs exclusivement féminins. Loin d’être solidaires, les candidates n’hésitent pas à entrer en compétition pour un homme. Malgré leurs efforts, les Sudistes ne passent toujours pas le test Bechdel-Wallace : l’indicateur du sexisme des films en trois critères. Y a-t-il au moins deux protagonistes féminins nommés ? Parlent-elles ensemble ? Parlent-elles ensemble d’autre chose que d’un homme ? Car, à l’inverse, les tendances infidèles des garçons renforcent leur virilité. 20H45 : Show must go on, Lénina se traîne vers le dancefloor. Grave erreur tactique de Lénina qui se croit autorisée à assumer enfin son désir pour un autre homme. 22H47 : Aaaron fulmine et entame une nouvelle parade de la virilité. 22H50 : après s’être reniflé le fion, Aaaron et Nolan en viennent à une conclusion : les potes passent avant les culottes. 23H00 : finalement tout le groupe s’est mis d’accord, la seule et unique fautive est Lénina.00H37 : édifiante master class illustrant combien sous un apparent libéralisme les valeurs conservatrices de la téléréalité sont fortes. Les femmes doivent y défendre là temps plein un honneur et une respectabilité jamais acquis. Seules les candidates mariées ou devenues mères sont entourées d’un halo de respectabilité. Le sociologue Pierre Bourdieu en parle dans La domination masculine (1998) : la femme, dont l’honneur, essentiellement négatif, ne peut être que défendu ou perdu, sa vertu étant successivement virginité et fidélité. Le jugement est toujours plus sévère pour elles, et elles demeurent les principales gardiennes de ces valeurs de pudeur.
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Quand t’as un max de mecs qui réalisent, écrivent et produisent, ça impose un chouille la manière dont la femme est montrée. C’est ce regard qui fait de la téléréalité l’archétype de qu’Eva Illouz appelle le capitalisme scopique. Le capitalisme scopique, c’est cette surexposition des corps toujours plus nus et érotisés par les médias et publicitaires. Chez les femmes, ce modèle de corps ultra érotisé, inspiré des codes du porno, se répand dans les années 1990.toutes ces images de bonasses te rappellent le chemin de croix de muscu et de régimes pour atteindre cet idéal. Et au cas où tu body-positiverais trop, la société est toujours là pour te rappeler à l’ordre, par des profusions d’images. Quand t’imposes aux femmes des critères de beauté impossibles, ça les maintient dans une insécurité permanente. Du coup, le projet de vie qui nous est proposé, c’est de rester toujours désirables. Et surtout ne pas chercher à briller par notre intelligence. Réduire une meuf à son capital érotique, c’est une arme de domination redoutable.
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François Jost, sémiologue. Et gros boss de l’analyse des phénomènes télévisuels. Au XXe siècle on assiste progressivement à un renversement des valeurs. On se met à questionner la sacralité de l’art en introduisant l’objet banal dans les musées pour créer la surprise. À votre avis, qui a dit : Quelle que soit la chose sur laquelle est dirigée la caméra, ça ne sera rien de spécial, et les gens regarderont exactement comme on reste assis à la fenêtre ou assis devant une porte. C’était Warhol, des décennies avant les débuts de Big Brother et Loft Story. Warhol, passionné de TV, efface la frontière entre l’art et les médias, jusqu’alors considérés comme de la sous-culture. Il aspirait à rendre invisible le regard de l’artiste. Dans cette optique, il projette en 1964 le film de 5h21 Sleep, montrant en plan fixe un homme qui dort. À la télévision, n retrouve la même démarche quasi ethnologique : Faire oublier la présence des journalistes pour donner une vision neutre des personnes filmées.
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Peut-être que la téléréalité, c’est ça… La danse à deux du voyeuriste et de l’exhibitionniste. Le public croit assister à leur vie privée dans un grand déballage d’émotions qui leur échapperait. Bien que cette émotion soit authentique, le candidat ne perd jamais de vue qu’elle se joue devant la caméra. C’est parce que c’est exposition de leur vie intime attise notre curiosité que les candidats la surexploitent. Celui qui regarde sert les intérêts narcissiques de l’exhibitionniste, bien plus qu’il ne l’imagine. Cette captation du regard est centrale, aussi bien dans la téléréalité que dans le concept psychanalytique du narcissisme. En effet, le regard est à la base de notre construction en tant que personne. Au point que Lacan a développé carrément un concept, celui du stade du miroir. C’est dans l’autre que le sujet s’identifie et même s’éprouve tout d’abord.
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La téléréalité, c’est la potion magique pour hacker des bouts de cerveaux. Il suffit de mélanger un peu tout ce qui faisait le succès des autres programmes. Aux feuilletons et séries TV, elle prend l’idée d’une histoire à rebondissements et d’identification aux personnages. Aux programmes sportifs, elle prend l’idée de compétition et d’appartenance à une équipe. À la presse à sensation, elle prend le voyeurisme, les corps exposés, les scandales. Aux jeux télévisés, elle prend l’idée de gain à la clé. Big Brother et le Loft ont été une véritable révolution. Une téléréalité avec de vrais anonymes filmés 24H/24 et qui n’avaient aucune idée de ce que cette expérience allait donner. On nous faisait miroiter que rien ne nous serait caché. Aujourd’hui encore, les téléréalités se réclament de cet héritage (même si on est plus dans une orchestration de l’authenticité). Puisque les histoires des candidats qu’on suit dans les émissions télé se poursuivent parfois par de vrais mariages et grossesses qu’on peut suivre sur leurs réseaux sociaux, et sur Youtube et Twitch. Aujourd’hui les audiences TV diminuent tandis que la fréquentation de leurs réseaux sociaux explose. Les candidats sont devenus de vrais influenceurs qui filment leur quotidien quasi heure par heure. Au passage, ils en profitent pour faire subtilement la pub de certaines marques. Ce qui est bien plus lucratif que de montrer sa trombine à la télé. La télé a riposté en créant de nouveaux formats d’émission qui utilisent la notoriété de leurs candidats les plus influents, pour tourner des émissions exclusivement sur leur vie de famille. Tout ça, fait de la réalité une véritable fiction sans fin.
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