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109 pages
Camariguo (01/10/1983)
3.5/5   2 notes
Résumé :
- Une journée de la Foire de Beaucaire par un flâneur -
(Ouvrage complété par la description de cette Foire par Stendhal en 1838)
Editions : Camariguo
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Voilà Tarascon, dont l'antiquité n'est pas plus douteuse que celle de Beaucaire, mais qui a sur celle-ci l'avantage de conserver encore le nom sous lequel Ptolémée et Strabon nous l'avaient faite connaître sur les bancs de l'école. Suivant une opinion traditionnelle, dont rien cependant ne montre la vérité, ni même la possibilité, il existerait un chemin souterrain communiquant d'une ville à l'autre, par dessous le fleuve, et dont le fameux tunnel de Londres ne serait qu'une imitation.
Tarascon est d'une grande ressource pour les étrangers venant à la foire en amateurs. Ses auberges et ses hôtels reçoivent les personnes qui, attirées par de petites affaires ou par la simple curiosité, n'ont aucun intérêt à se loger très étroitement et toujours fort chèrement dans l'intérieur de Beaucaire. Il faut avoir vu ces chambres dans lesquelles s'entassent des familles entières... c'est l'image d'une prison, et c'est le lot du plus grand nombre, car tous ne peuvent pas faire la dépense d'une cellule bien proprette, comme on en loue dans une foule de maisons ; et d'ailleurs, où placer, dans Beaucaire, 60 à 80 000 chambres pour tant de marchands, d'acheteurs et de curieux ! A Tarascon, au contraire, ces derniers peuvent trouver à se loger d'une manière, sinon confortable, du moins plus convenable. Pendant toute la durée de la foire sur l'autre rive, la ville offre un aspect de fête qui plaît à l’œil, et on peut, le soir, s'y donner le plaisir du théâtre. Beaucaire est la ville des gens d'affaires et du commerce en gros, Tarascon est celle des amateurs et du commerce en détail ; à Beaucaire agitation, tumulte, soucis, presse continuelle, purgatoire de trente jours ; à Tarascon mouvement modéré, calme d'esprit, repos de corps, chère passable et délassement.
La physionomie de cette ville n'a rien de merveilleux. Cette belle promenade complantée d'arbres, c'est le cours. A l'autre extrémité de la ville il y a une très belle caserne à triple pavillon. Vous n'êtes par curieux d'aller la visiter ; le temps vous manquerait. Il vaut mieux voir l'église de Sainte-Marthe et le château. En passant par ces petits coins nous y arriverons. Voilà le portail de cette paroisse, qui, comme celui du plus grand nombre des vieilles églises de France flétrit d'un sceau réprobateur et ignominieux le vandalisme des premières années de la révolution ; cette riche frise gothique et ce tympan ont été mutilés de la manière la plus déplorable. Vous douteriez-vous que sur ces saillies s'élevaient des statues ? Entrons. Le vaisseau est beau ; il date du XIème siècle. L'église est dédiée à sainte Marthe, sœur de Marie-Magdelaine et du Lazare, qu'une pieuse fable inventée depuis moins de mille ans, fait venir mourir en Provence. Ces huit beaux tableaux, de la main de Vien, représentant la vie de la sainte patronne, sont un don du gouvernement de Louis XVIII. Suivons ces personnages qui descendent à la chapelle souterraine. Voilà, derrière l'autel, le tombeau prétendu de l'hôtesse du Christ, avec sa statue en marbre blanc les pieds foulant un oreiller, et une croix à la main. Ce hideux dragon dont vous retrouverez la grossière peinture sur les oriflammes, sur les bannières, sur les tambours de basque d'enfants, sur les images de tous les coins de rue ; ce monstre dégoûtant, c'est la Tarasque, nom qu'il emprunte à la ville où il exerçait, dit-on, ses ravages. Le monstrueux reptile sortait du Rhône toutes les fois que l'appétit titillait son estomac, et il avait faim souvent ; et alors il dévorait autant d'enfants qu'il en pouvait attraper. Sainte Marthe arriva, fit une prière, et jetant sa jarretière au cou de l'animal, lequel cou, soit dit en passant et sans malice, devait être bien petit ou la jarretière bien longue, elle le dompta et le conduisit en laisse comme le montrent toutes ces enluminures. Je ne sais où Frezier a prit que la Tarasque portait sur le dos une corbeille d'où sortait une marionnette qui réjouissait fort les petits enfants ? Celle-ci, qui est le type de tous ces dragons imaginaires, n'a sur le dos que de vilaines écailles formant une grosse bosse, et la seule distraction qu'elle procurât aux petits enfants, c'était de le croquer. Ne reconnaissez-vous pas, dans cette fable, un conte renouvelé de ces antiques lamies dont se moque en si beaux vers le poète Lucilius ?
Le jeu de la tarasque attirait autrefois dans cette ville une multitude considérable de curieux. Ces jeux, presque toujours marqués par quelques accidents fâcheux, se célébraient le lendemain de la Pentecôte. Des jeunes gens des meilleures familles, représentant le corps de la noblesse, suivant le programme attribué au roi René, et vêtus de culottes de serge rose, pourpoint de batiste avec garnitures de mousseline et de dentelle aux manches, bas et souliers blancs avec bordure, talons et houppes rouges, chapeau monté, avec cocarde rouge, et portant suspendue au bas d'un ruban de cette même couleur, posé en sautoir autour du cou, une petite tarasque d'argent, parcouraient la ville, tambours et trompettes en tête, à l'issue de la messe, et distribuaient, sur leur passage, des cocardes rouges aux hommes et aux femmes, qui tous s'en paraient sur le champ. Immédiatement après, les mariniers de la corporation du Rhône faisaient la même promenade, distribuant, à leur tout, des cocardes bleues attachées avec du chanvre. On faisait ensuite sortir la Tarasque, énorme mannequin dont le corps était une poutre servant d'appui à de nombreux cerceaux couverts de toile peinte en vert, imitant le crocodile. Ce mannequin, porté par douze hommes, en renfermait dans ses vastes flancs un treizième qui faisait exécuter aux différentes pièces de bois couvertes d'écailles qui formaient la queue, de brusques mouvements, et qui lançait, par la gueule béante du monstre et par ses narines, des poignées de serpenteaux. La tarasque ne manquait jamais d'être dirigée vers les groupes les plus nombreux ; les coups de sa queue blessaient, meurtrissaient, pouvaient même casser les jambes de ceux qui n'étaient pas assez lestes pour en éviter le choc par un saut, et l’hilarité de la masse des spectateurs était à son comble. Les blessés n'étaient pas admis à se plaindre, parce que c'était l'usage. Une raison moins mauvaise, c'est qu'ils savaient d'avance ce qui les menaçait, et qu'ils auraient dû se tenir à l'écart.
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L'abondance est partout, mais la délicatesse nulle part. On n'a pas le temps de composer des plats gourmands à Beaucaire ; on mange, et voilà tout ; aussi, la cuisine est-elle d'un classique ! mais d'un classique à faire dresser les cheveux sur la tête d'un maître d'hôtel jeune-France. Le marchand qui n'a ni sa femme ni servante pour faire son ménage, se fait apporter quelques plats du plus voisin restaurant ; les négociants, les gens d'affaire, les acheteurs s'y rendent eux-mêmes ; mais tous ont leurs habitudes, et sont généralement fidèles au restaurateur qu'ils ont adopté. Ordinairement, c'est un cuisinier de leur pays, car nous avons des restaurants de Marseille, d'Aix, d'Avignon, de Nîmes, de Montpellier, de Lyon et d'une foule d'autres villes qu'indique leur enseigne. Vous n'avez donc de préférence pour aucun ; en ce cas, puisque nous sommes dans la rue des Quatre-Rois, entrons chez Villemejanne, où l'on est aussi bien qu'on peut espérer de l'être au milieu d'une aussi grande cohue. Mais, que je vous montre, auparavant, la respectable doyenne de tous les marchands de la foire. Tenez ; au coin de la rue, là, en tournant vers l'hôtel de ville, cette bonne vieille qui vend des fromages du Mont-Dore ; c'est m'a-t-elle dit (en 1833), pour la cinquante-huitième fois qu'elle apporte à Beaucaire sa marchandise, que pendant tout l'hiver elle fait préparer exprès pour ce commerce de si longue habitude. Puisse-t-elle, la brave femme, venir encore longtemps avec cette même santé : c'est un vœu auquel vous vous associez de bon cœur, mesdames, n'est-il pas vrai.
La difficulté, maintenant, sera de trouver une table. Bon, voilà une société qui part ; et vite, emparons-nous de la place, pour que d'autres ne nous devancent pas. - Garçon, la carte et les couverts. -
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La foire de Beaucaire avait autrefois beaucoup plus d'importance qu'elle n'en conserve aujourd'hui : c'était alors le point de réunion des principaux marchands de l'Europe, de l'Afrique et du Levant. Placée dans une position unique, cette ville est, par le haut Rhône, en contact avec la Bourgogne, le Lyonnais, la Suisse et l'Allemagne par le bas de ce fleuve elle communique, au moyen de la méditerranée, avec l'Orient, l'Italie et l'Espagne ; et par le canal des deux mers elle se met en rapport avec les provinces françaises de l'ouest et avec l'Océan. Cette admirable facilité des moyens de transport, faisait affluer sur cette place les marchandises, tant de l'intérieur de la France que des pays étrangers, et c'est ici que presque tout le commerce de débit venait s'approvisionner : alors la foire de Beaucaire ne connaissait pas de rivales parmi les autres foires les plus célèbres du monde ; mais aujourd'hui, que les longues guerres de la révolution et de l'empire ont mis le commerce de l'orient en d'autres mains que les nôtres, que l'industrie a fait de notables progrès partout, qu'on ne voit plus venir à Beaucaire que quelques rares étrangers, elle a, sous le rapport de l'importance, des concurrentes dont n'est pas la moindre celle de Nijni-Novgarod, en Russie, où arrivent des caravanes de la Bulgarie...
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Voulez-vous, mesdames, de beaux joujoux pour vos enfants, voici les frères Allemands, qui en font un débit immense. Vous faut-il de belles fleurs artificielles pour vases, pour chapeaux ou bonnets, pour garniture de robes de bal ; voulez-vous faire provision de beaux rubans de St-Etienne, regardez autour de vous ; montez à ces étages, entrez dans tous ces magasins, ces enseignes de toute façon vous en indiquent les marchandises ; et même, voilà un magasin où vous aurez ce dernier article au poids. Désirez-vous de jolies ombrelles ; voulez-vous renouveler vos parapluies : en voilà, sous ces arcades, différents marchands. Votre harpe, votre piano sont-ils tombés dans le gothique ? Ici, vous pourrez les remplacer par des Petzool ou des Pape. Est-ce des articles de goûts, qu'il vous faut, des mousselines des Indes, des dentelles de Malines ou de Valencienne, des points de France ou d'Angleterre, des blondes de tout prix, des dentelles à bon marché, en coton et à la mécanique ; ou bien avez-vous un trousseau à confectionner et vous faut-il des batistes, des toiles de Bretagne, de Flandre ou de Hollande, des rouenneries ou des cholets, des toiles peintes, des articles de Lyon et de Tarare, allez à la rue des Couvertes ou à celle des Quatre-Rois, vous trouverez tout cela dans les vastes appartements du premier étage de ces rues ou dans ces beaux magasins que, hors de temps de foire, vous prendriez pour des églises abandonnées. Est-ce de l'argent que vous voulez changer ? sous les arcades de la rue des Quatre-Rois, vous avez les changeurs avec leurs tables recouvertes d'or et d'argent, car il se fait, en ce genre de commerce, des affaires considérables. Enfin de quelque objet que vous ayez besoin, parlez, vous aurez tout ici : à Beaucaire chaque rue est un bazar, chaque quartier un monde : cachemires de France ou du Tibet, perles de Ceylan ou du Japon, diamants de Kaolconda ou du Brésil, rubis et escarboucles du Pégu, émeraudes de l'Orient ou du Pérou, produits de toutes les parties du globe, fruits de l'industrie de l'univers entier, tout est ici ; vous n'avez qu'à passer d'une rue à l'autre ; en changeant de quartier vous faites un voyage de mille lieues ; demandez donc et vous trouverez tout... tout, excepté deux choses, dit le vieux proverbe beaucairois : des chemises de femme et des caisses de mort. Je ne sais pas bien au juste si la première partie de ce dicton est encore vraie aujourd'hui ; pour la seconde, je vous réponds que l'industrie des bières n'a pas encore pris place à la foire. On le conçoit ; nul ne se met en peine de se pourvoir d'avance de ce triste manteau.
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Le voilà, ce château dont l'origine, comme celle du château de Beaucaire, paraît remonter à une haute antiquité. Suivant la savante statistique des Bouches-du-Rhône, sa fondation appartiendrait aux Romains, qui donnèrent le nom d'arx jovis, forteresse de Jupiter. Elle ne peut dater, dans ce cas, que des derniers temps de la puissance romaine, époque où le trop vaste empire, en état de décomposition, se disloquait de toute part, et où des milliers de tyrans s'en disputant les lambeaux, on avait besoin de s'entourer de châteaux de défense. Détruit, dit-on, à l'époque de l'invasion des Sarrasins, c'est sur ses ruines, qu'en 1291, le comte de Provence, Charles-le-Boiteux, commença à élever une autre forteresse dont Louis II fit le château actuel. Cet immense et beau monument (*1), qui peut donner une idée de la fameuse bastille de Paris, et qu'il eût été barbare de démolir ou de mutiler pour faire arriver le pont de Beaucaire en droite ligne, commencé en 1400, fut achevé par le roi René, qui y donna des fêtes d'une rare magnificence. La qualité de la pierre dont il est bâti, laquelle conserve éternellement son éclat d'un blanc doré, le fait paraître toujours neuf. Sa forme est celle d'un parallélogramme flanqué de deux tours rondes du côté de la ville, et de deux tours carrées du côté du fleuve, de la rive duquel il s'élève avec majesté. L'intérieur en était orné, autrefois, avec beaucoup de recherche, mais tout a disparu. Au rez-de-chaussée existe une très grande salle où l'on voyait jadis la statue de René d'Anjou, roi de Naples et comte de Provence, l'Henri IV des provençaux qui ne le nomment que le bon roi et celle de Jeannelle ou Jeanne II, reine de Naples, par qui cette couronne était arrivée sur la tête de Louis III, frère de René qui fut son successeur.

(*1) Puissante construction, une des plus belles de France du XVème siècle, à peu près intacte, terminée vers 1450. Tout est au même niveau, au sommet, ce qui constitue un grand progrès pour la défense. On n'a pas tenu compte de l'artillerie qui ne lançait alors que des boulets de pierre. Mais vers 1470, le boulet de fonte, alors employé, sera vraiment efficace.
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Critique de Say, proche de Bentham, Stendhal se confronte aux théories économiques de son temps. de l'utilitarisme au malthusianisme en passant par la question de la division du travail, le célèbre écrivain était aussi économiste.
Pour comprendre l'économie à travers le regard De Stendhal, Tiphaine de Rocquigny reçoit Christophe Reffait, maître de conférences en littérature française, Université de Picardie Jules Verne.
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