Aujourd'hui on connait tous Dr Jekyll et Mr Hyde, où l'homme qui à la suite d'une potion se transforme en un Nemesis maléfique et hideux. Que celui qui n'a jamais vu une parodie de l'oeuvre dans les cartoons par exemple me jette la première pierre ! En tout cas, si on connait le personnage, pourquoi lire le roman si on sait tout de suite le mystère ? Eh bien vous verrez dans la critique.
Dans le Londres brumeux du XIXeme siècle, un mystérieux personnage sème la terreur, ayant entre autre piétiné une pauvre petite fille. Mr Utterson, un notaire honorable, décide de mener l'enquête pour en savoir plus sur ce criminel et l'attraper. Il a comme ami le docteur Jekyll, un brillant scientifique, qui fait des expériences. Il apprends entre autres que le monstre se nomme Mr Hyde et qu'il a des liens avec Jekyll... je vous dis pas plus.
Ce qui surprend pour le lecteur du XXIeme siècle qui connait le personnage, c'est que dans la longue nouvelle, son identité n'est pas révélé avant la dernière partie de la nouvelle. A l'époque de sa parution, la révélation était incroyable mais aujourd'hui, vu qu'on sait tous qui est Dr Jeyll et Mr Hyde, c'est connu et sans surprise. Alors comme je l'ai dit, pourquoi le lire ?
Parce que c'est tout simplement une excellente nouvelle combinant fantastique et science-fiction, allégorie et critique sociale.
Dans les rues noires de la capitale et dans les maisons nobles soignées, on cherche le coupable.
Stevenson décrit très bien l'ambiance de la ville, une grande capitale toujours concerné par le mystère, où les bourgeois tendent à se conformer à la morale de l'époque tout en ayant un curieux attrait aux innovations. Cette description réaliste s'ajoute avec une subtile critique de l'hypocrisie sociale qui règne partout, où sont étouffé les pulsions et les mauvais penchants, et la retenue de toute émotion.
Comme tout oeuvre du fantastique de l'époque, on a toujours cette confrontation entre la réalité et "l'inquiétante étrangeté, " où le fantastique se trouble à son contact, et qu'on hésite si tout cela est réel où juste il y a un explication logique dans tout cela. Et avec surtout le héros qui doute face à des manifestations possiblement surnaturels, dans un contexte où la raison est dominant, accompagné par la science.
L'attrait de la science se manifeste avec le fameux Dr Jekyll, qui est un personnage plus complexe qu'on ne le croit. Il fait partie de la lignée des scientifiques fous mais bien qu'il fabrique des drogues, ce n'est pas le scientifique en blouse blanche complètement tordu et cliché qu'on croise. C'est un scientifique qui veut découvrir ce que fait l'humain et veut se démarquer d'une société ne laissant place à aucune originalité, mais qui en accomplissant l'expérience, découvre sa nature et révèle celle de l'homme.
En fait, Dr Jekyll et Mr Hyde représentent la dualité présente dans l'homme. L'homme est à la fois bon et mauvais, mais il n'est pas totalement bon ni totalement mauvais. Pas de manichéisme donc. Ce que montre le récit est que nous avons tendance à masquer notre coté sombre mais qu'à force d'être réprimé, il se lâche et se débride malgré nous. Nous sommes des êtres doubles, et pas un seul entièrement bon où mauvais, qui fait que l'humain est complexe. Une autre interprétation est que l'homme veut toujours aller découvrir l'inconnu au risque de se faire du mal, et quand il s'aperçoit qu'il est allé trop loin, c'est hélas trop tard. On peut aussi faire un avertissement sur les dangers de la science, montrer que la science s'aborde avec beaucoup de précaution et ne doit pas se faire avec la vanité et de ne pas jouer à Dieu (un avertissement toujours d'actualité).
Bon outre ces symbolismes, l'épouvante est bien présent.
Stevenson m'a fait peur en effet, Mr Hyde est brutal et dans ses -rares- attaques est sans pitié. de plus, on redoute toujours que quelque d'épouvantable surgisse dans l'enquête, on tremble quand Utterson rencontre Mr Hyde et je vous dis pas l'horreur quand un ami de Docteur Jekyll assiste à sa transformation (qui en passant est une des plus belles scènes de métamorphoses monstrueuses, qui plus est, non animale).
Le style est fluide, un peu compliqué vu que c'est du XIXeme siècle, mais avec des tournures élégantes et quelque pointe d'ironie, avec toujours ce charme anglais.
Hélas, il y a une certaine lenteur dans le récit, surtout qu'on a souvent du bavardage entre les personnages (dois-je prévenir aux féministes qu'il n'y a quasiment pas de personnage féminin important dans la nouvelle ?) sans compter que j'avais été déçu : je m'attendais à ce que Hyde fasse plus de crime or il n'en commet que deux. Désolé de vous briser vos rêves.
En revanche, j'ai adoré cette longue nouvelle, apparemment sortie d'un cauchemar de l'auteur (faudra bien que je note mes cauchemars maintenant pour voir est-ce qu'ils sont des sources potentiels d'histoires flippantes) et qui des décennies après, marque les esprits. Un mélange de fantastique et de science-fiction que je vous conseille et qui surtout vous fera questionner sur la nature humaine et sa dualité.