Clairement un livre à ne pas mettre entre toutes les mains, et il faut avoir le coeur bien accroché pour poursuivre sa lecture jusqu'à la dernière page. Tout y suscite le malaise, voire le dégoût : Tout d'abord, voir deux enfants descendre doucement la pente du crime, et finir par commettre des atrocités enfreignant tous les interdits habituels de la littérature d'épouvante (le pire n'étant pas le meurtre de chatons...). le ton de la narration ensuite,
Bram Stoker passe brutalement de l'ironie et du grotesque au réalisme le plus cru dans la description des forfaits de ses deux anti-héros. Enfin, une immoralité assumée jusqu'à la scène finale, radicalement subversive. On trouve dans cette oeuvre assez courte, écrite 10 ans avant
Dracula, une forme d'horreur très moderne (même si l'on peut aussi penser à
Sade), très étonnante chez un auteur de cette époque (et encore, je doute que quelqu'un se risque à écrire pareil texte aujourd'hui). Rien à voir avec le fantastique gothique où l'on enferme un peu trop vite Stoker. Avec tout de même un petit clin d'oeil : deux personnages finissent le coeur transpercé d'un pieu !
A noter aussi, dans la suite du recueil, la nouvelle "Le vieil Hoggen", petite perle d'humour macabre, où le héros, parti pour une innocente pêche aux crabes se retrouve pris dans une tempête déchaînée, alors qu'il transporte sur ses épaules un cadavre qui part progressivement en morceaux... Et sa réflexion lorsqu'en chemin il sème le bas du tronc : « Au moins, il ne prendra plus de coups sous la ceinture »...