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EAN : 9782221188613
216 pages
Robert Laffont (20/08/2015)
3.46/5   57 notes
Résumé :
" Les joues de Stéphanie étaient roses d'impatience quand elle a ouvert, et leur baiser a duré plus longtemps que le nôtre l'autre soir au café. Elle portait un jean bleu délavé et le même pull échancré que dans le bus. Il lui a mis la main entre les cuisses, le vent m'a ramené le rire étouffé de Stéphanie dans le cou de son amant, et la porte s'est refermée sur eux. Tout ce qui était encore vivant en moi s'est envolé à ce moment-là. Si quelqu'un était passé dans la... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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Après Dawa, le Français est le deuxième roman de Julien Suaudeau. Il est aussi passionnant que dérangeant. Il est en tout cas à découvrir.

« Je ne suis pas une petite chose et je vous arracherais le coeur de mes mains si elles étaient libres. » Ainsi se termine ce court roman (étonnamment court d'ailleurs par rapport au pavé de 500 pages qu'était Dawa). Cette phrase dure et dérangeante vous donne un résumé de l'état dans lequel on referme la dernière page de ce roman : fortement perturbé !

Le narrateur du Français est un jeune homme normand vivant à Evreux dont on ne connait que peu de choses (blond aux yeux bleus et une vingtaine d'années sont les seules informations que l'on possède). Rien ne le prédestine à tout ce qu'il va suivre dans le roman. Mais les violences du beau-père (verbales et physiques), une mère malade, une vie morne et terne sans réel avenir ou perspective, Stéphanie qui ne veut pas de lui et la mort tragique lors d'un rodéo d'un voyou connu du quartier vont changer sa vie. Par un enchainement de circonstances donc et pour échapper à la police, il va se rapprocher de trafiquants yougoslaves, qui eux même vont le mettre en relation avec le gérant d'un cybercafé à Bamako au Mali. C'est le départ tant espéré, le nouveau but de sa vie. de Bamako au Mali où il découvrira l'islam, il arrivera en Syrie, tombera dans l'engrenage de l'islamisme et deviendra acteur du djihad. Tragique itinéraire d'un enfant gâché, plus connu par son surnom « le Français »...

« Seul Allah est digne d'être loué et Mahomet est son prophète. Les jours ont passé et je me suis habitué à ce baratin. Si vous vous répétez n'importe quoi assez longtemps, tôt ou tard vous finissez par y croire. C'est le cours naturel des choses. Les publicités fonctionnent de cette façon, la musique des mots vous donne envie de croire qu'ils sont vrais. le Coran, je le lisais, je voyais bien qu'on me racontait des histoires, et en même temps je m'habituais peu à peu à ces phrases qui vous présentent le monde sous un jour simple et bien ordonné. »

Julien Suaudeau joue beaucoup sur l'ambiguïté du narrateur. Ce dernier s'engage dans le djihad, devient le pire des barbares mais pas par fanatisme religieux. A l'inverse même, il a l'air parfaitement conscient de ce vers quoi il va, les conséquences de ses actes, mais il le fait tout de même… Il y a toujours une raison, une ressemblance, un espoir, un but… jusqu'à la chute finale (j'ai eu beaucoup de mal avec le dernier chapitre…)

« C'était comme si ce qui m'arrivait était devenu abstrait, indifférent. J'avais l'impression d'avoir tout laissé derrière moi, la vie, l'avenir, les possibilités, les sentiments. Je vivais à côté de moi-même, sidéré par le rêve d'être une personne, et incapable de le vivre. Je ne pouvais pas m'en détacher, mais je n'arrivais pas non plus à me jeter dedans, comme le font tous les hommes, les désespérés surtout. »

De ce fait, cela ne plaira pas à tout le monde. D'aucuns trouveront ce récit trop improbable.
Il n'en reste pas moins pour moi que cet opus est une belle étude critique des jeunes paumés de nos banlieues (donc qu'on peut « aisément » embrigader en leur offrant un but dans la vie), voire des politiques menées (et de la guerre ou tout semble permis… on trouve en fin de roman quelques scènes de torture inhumaines très factuelles et descriptives, donc très difficiles à accepter. Ames sensibles s'abstenir…)

« C'était la vie de ces hommes-là : mentir, faire croire, tromper ; Les raisons pour lesquelles ils agissaient ainsi n'avaient aucune importance dans le fond. »

Un dernier mot sur l'écriture : elle est remarquable. Elle rend la lecture très fluide, d'autant plus que le récit est très documenté. L'auteur semble savoir de quoi il parle, ce qui rend l'intrigue très réaliste et la lecture passionnante.

Roman choc de cette rentrée littéraire sur un sujet dramatiquement d'actualité, servi par une belle écriture, le Français ne vous laissera pas indifférent. Je ne peux que vous le conseiller.

4/5

Lien : http://alombredunoyer.com/20..
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Julien Suaudeau, né en 1975, a grandi à Evreux, fait Sciences-Po et fréquenté les salles de boxe de nos banlieues. Il vit aux États-Unis depuis 2006 après avoir travaillé en Belgique et en Azerbaïdjan, réalisé des films… Aujourd'hui, il enseigne le français dans une High-school du New Jersey. Son premier roman, Dawa, paru l'an dernier, avait été une belle claque ; son nouvel opus, le Français, vient de sortir en librairie et c'est une fois encore une belle surprise.
Surprise à plus d'un titre. Parce qu'il est à nouveau question du djihad et que je ne m'attendais pas à ce que ce même sujet soit repris dans son second roman ; parce qu'après le pavé de cinq cents pages, je me suis étonné de recevoir de l'éditeur un bouquin de deux cents pages seulement ; parce qu'enfin, Julien Suaudeau a complètement changé de style d'écriture, on le constate après quelques pages à peine.
Le narrateur, Français blond aux yeux bleus d'une vingtaine d'années, vit à Evreux. Une vie morne et terne qui par un enchainement de circonstances, va l'entrainer à Bamako au Mali, puis en Syrie, pantin d'un djihad tragique et itinéraire d'un enfant gâché.
Avec ce second roman, Julien Suaudeau affirme nettement son talent d'écrivain. Si Dawa donnait un aspect journaliste en immersion à son épopée terroriste, beaucoup de détails et une intrigue en mode thriller d'excellente qualité au demeurant, le Français joue dans une autre catégorie. L'écrivain adopte un style plus mûr, plus littéraire dans le sens noble du terme, l'écriture est très belle, le récit est plus ramassé, avec des ellipses et beaucoup moins de détails. Un récit plus intimiste, plus subtile aussi.
L'auteur s'attache à la psychologie de son personnage central, cette zone floue où l'esprit déraille et se perd, rêve éveillé déformant la réalité, et tente non pas d'expliquer mais de nous faire toucher du doigt ce qui peut motiver un jeune Français (Occidental non musulman) à se retrouver embringué dans une colonne djihadiste et perpétuer des meurtres ignobles. le narrateur, malgré ses actes, n'est jamais vraiment antipathique, ce qui dérange profondément le lecteur et signe la réussite de l'écrivain. Car là, est le but de l'auteur, montrer une révolte compréhensible empruntant une voie qui l'est moins.
La révolte, c'est celle de ces jeunes de tous horizons ou origines sociales, déboussolés devant ce monde vide de repères tangibles, n'offrant aucun avenir ou perspectives fortes et trouvant dans le djihad, non pas un but mais une voie de sortie. Car il n'est pas question de religion ici, « Vous me parlez de Dieu, mais je ne vois que des hommes », juste un moyen pour être, ne serait-ce que quelque temps. Au final, on peut dire que ce roman n'est pas le procès du djihadisme mais celui de notre société qui par ses injustices multiples a créé de toute pièce son pire ennemi.
Un superbe roman qui confirme le talent de Julien Suaudeau.
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Ce n'est pas demain qu'Amazon remplacera mon cher libraire. Sachant que j'avais bien aimé Dawa, on en avait discuté à plusieurs reprises, c'est lui qui me prévient début août de la prochaine sortie de ce deuxième roman de Julien Suaudeau : « Je vous en mets un de côté ? ».
Et voilà que « le Français » m'a captivé pendant deux jours, même si le captif dans cette histoire est plus le héros que le lecteur.
Je dois dire que je n'ai lu aucun jusqu'à présent des quelques romans qui mettent en scène les djihadistes occidentaux, mais le manque d'éléments de comparaison ne m'empêchera pas de trouver celui-là excellent. À une réserve près : la lettre au papa, des trois dernières pages qui détonne (dans tous les sens du mot). Ce sur quoi je préfère ne pas m'étendre, laissant à chacun le soin de se faire son idée.
Pour le reste, c'est plus de 200 pages d'une écriture alerte et remarquable. Et documentée : à croire que l'auteur est allé séjourner ce qu'il faut au Mali, et enfin dans ce "nulle part" qui attire tant de candidats habilement recrutés.
Un récit on ne peut plus contemporain et à la première personne. Un récit très factuel, mais qui en dit long sur la fragilité et les inhibitions de ce Français ébroïcien (ainsi se nomment les habitants d'Evreux, qui ne seront peut-être pas ravis de la façon dont cette ville est dépeinte). Comment ce brave garçon glisse de proche en proche vers l'horreur, non pas à cause de convictions mais simplement du fait des circonstances ? Voilà qui n'est pas sans rappeler le parcours de tant de bons employés du Troisième Reich.
Je sais que Babélio aime bien les citations, mais il y a là trop de belle matière : mieux vaut lire « le Français » qu'en découper ne serait-ce qu'une partie, laissons le couteau au repos, il en a fait bien assez !
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Parfois, les intentions de l'auteur sont excellentes, mais la réalisation est bien trop confuse pour que le livre soit réussi.
Pour la note d'intention, Julien Suaudeau nous montre la trajectoire d'un jeune qui se retrouve projeté dans la folie de l'Organistaion Etat Islamiste. Mais il refuse de tomber dans tous les stéréotypes d'usage. Son personnage sera une feuille blanche. On ne saura jamais son nom. Il deviendra tristement célèbre sous le pseudonyme du "français", ce qui veut tout et rien dire. On saura juste qu'il est blanc. En tout cas, qu'il passe pour blanc dans les rues de Bamako.
Pour le reste, c'est un jeune type de 20 ans, pas religieux, qui exerce un travail plutôt ennuyeux dans la région d'Evreux. Sa mère souffre en permanence depuis un accident du travail mal pris en charge. Son père est parti depuis belle lurette et s'en soucie comme d'une guigne. le nouveau compagnon de sa mère est violent et alcoolique. Un milieu qui fleure bon la misère ordinaire, sans perspective ni avenir. Lui aimerait partir mais ne sait trop comment s'y prendre. Puis il y a une connerie, une mauvaise rencontre, un accident stupide et l'engrenage infernal se met en place.
L'auteur entend démonter les clichés habituels sur la radicalisation. Il veut montrer comment des jeunes déboussolés peuvent basculer, sans le vouloir.
L'intention est louable et très intéressante; mais pourquoi est)ce que cela ne fonctionne pas ?Pour moi, Suaudeau commet deux erreurs.
La première est son choix de la narration à la première personne. Il veut que son personnage soit aussi anonyme que possible, que l'on en sache le moins possible sur son "passif". Il pourrait être n'importe qui. Mais ce choix narratif, mal maîtrisé, le rend complètement impersonnel. Suaudeau lui prête un langage et des idées qui paraissent trop articifiels compte tenu du genre de personne qu'il veut mettre en scène. Il paraît avoir trop de maturité, aporfois trop de recul par rapport à ce qui lui arrive. Je crois qu'une narration à la 3ème personne aurait été beaucoup plus appropriée.Paradoxalement, au lieu de nous rapprocher de son personnage, ce "je" nous en éloigne, nous donne l'impression d'être face à un acteur délivre une performance molle.
La seconde erreur tient en un dernier acte qui repose sur un twist qui brouille complètement les intentions de l'auteur. Pour ne pas spoiler, disons que Suaudeau se livre brusquement à un mélange des genres très mavenu, qui met à mal sa démonstration. Ce sont quelques éléments qui n'ont aucun sens, qui font de son personnage le jouet d'autre chose, qui l'embarque dans une mission absurde et sans but. A moins que Suaudeau n'aie voulu pointer un effet pervers de la politique actuelle. Mais ce twist, en plus d'être inutile, m'a complètement agacé. D'autant plus que ce dernier acte n'en avait pas besoin. Il aurait pû se dérouler sans cette intervention d'un deus ex machina qui ruine la crédibilité de l'intrigue à mes yeux.
C'est dommage parce que la note d'intention était vraiment intéressante.
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« Plus tard, en nettoyant la vitre sur le parking de l'entrepôt, j'ai pensé qu'on était des hommes. Il y avait dans cette évidence comme l'ombre d'un très grand malheur. »

L'itinéraire de ce jeune homme de presque vingt-et-un ans est le récit d'un effacement, d'un renoncement, d'un reniement. le personnage principal de ce roman, « le Français », également surnom donné au jeune homme par ses compagnons de guerre, est un jeune homme d'une banalité crasse : petite vie miséreuse, mais vie quand même, dans une banlieue d'Evreux, entouré de sa mère, accidenté de la route, de son beau-père qui le frappe sans que personne, y compris le cogneur, ne sache vraiment pourquoi, de ses collègues de travail qui consiste à faire commis-livreur.

Cette vie aussi misérable et glauque soit-elle va tout lui prendre : méthodiquement elle va le priver de toutes ses attaches familiales (le jour ou son beau-père frappe une fois de trop, une fois trop fort), sentimentales (le jour où il croise Stéphanie dont il est amoureux dans les bras d'un autre) et sociales (le jour où il est pratiquement contraint de fuir).

Sa fuite, il l'organise à Bamako. Grâce à Ali, un de ses anciens collègues, et Mirko, un trafiquant venu d'Europe de l'Est, il quittera sa misère française pour une autre misère. Sauf qu'à Bamako, on va lui tendre la main et à travers la détresse qu'il porte en lui, celui qui deviendra « le Français » se voit offrir une lueur d'espoir dont il ne peut pas pressentir qu'elle toute relative et basée sur le mensonge. Alors il s'engouffre dans la brèche de l'islam et de la taqiya, l'art de la duperie et de la dissimulation… le seul hic c'est qu'il ne fait finalement que se duper lui-même jusqu'à commettre l'impensable, malgré la tentative de manipulation des services secrets français, et décapiter à visage découvert des otages occidentaux aux mains des terroristes.

Le jeune garçon n'est pas la victime d'une radicalisation opérée en France avant qu'il ne parte sur les traces du terrorisme. Il est l'aboutissement d'un processus lent et pernicieux. La force du processus qui s'opère insidieusement chez « le Français » est de proposer une alternative au néant. D'ailleurs le personnage central ne demande que cela : exister, être quelqu'un, rester un homme… Il n'en aura finalement que l'illusion, marionnette dans les mains de ses manipulateurs, qu'ils soient terroristes ou agents français fréquentant un Radisson qui fonctionne comme une vitrine de ce que haïssent les terroristes (femmes, sexe, extravagance, colonialisme et tant d'autres choses) quand bien même leurs comportements ne seraient pas si différents.

C'est d'ailleurs toute l'ambiguïté et la dichotomie entre le discours et les actes. Les terroristes décrédibilisent ainsi ce qu'ils considèrent comme un acte de foi et qui n'est rien d'autre qu'un mensonge et une tromperie de plus.

A la lumière de ce qui se passe dans le monde depuis quelques semaines, ce livre n'est ni une excuse, ni une explication. Il a quelque chose de prémonitoire (il est sorti fin août 2015). Il est une lumière projetée sur un drame humain auquel notre société n'apporte aucune réponse, un mal profondément encré que le fossé entre les malades (potentiellement la jeunesse dans son ensemble car elle partage de manière aveugle le sentiment de rejet) et les médecins (notre classe politique qui n'a jamais aussi peu maîtrisé la situation). Et personnellement, je ne vois pas comment nous pouvons nous en sortir…

Le très bel article de Samuel Dock :
http://www.huffingtonpost.fr/samuel-dock/la-naissance-des-monstres-djihad-francais_b_8240032.html

Une interview de l'auteur :
http://www.parismatch.com/Culture/Livres/Le-vide-de-notre-sous-culture-nous-revient-en-pleine-gueule-Julien-Suaudeau-870719
Lien : http://wp.me/p2X8E2-y5
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Les jours ont passé et je me suis habitué à ce baratin. Si vous vous répétez n'importe quoi assez longtemps, tôt ou tard vous finissez par y croire. C'est le cours naturel des choses. Les publicités fonctionnent de cette façon, la musique des mots vous donne envie de croire qu'ils sont vrais. Le Coran, je le lisais, je voyais bien qu'on me racontait des histoires, et en même temps je m'habituais peu à peu à ces phrases qui vous présentent le monde sous un jour simple et bien ordonné. Pas de place pour la complication ou l'entre-deux : soit il en allait ainsi, soit il en allait autrement. J'avais gaspillé beaucoup de temps jusqu'ici à comprendre, à soupeser, alors qu'il suffit de dire les choses pour qu'elles prennent de l'épaisseur.
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Ali m’a regardé dans les yeux et il a repris : « Il n’y a pas qu’une seule vie. Il y a d’autres pays, et d’autres voies. » C’était la première fois que je voyais son regard en face. « Mais tout le monde n’est pas fait pour vivre libre. Regarde-moi : on s’habitue à vivre mal. » Je lui ai dit qu’il pouvait changer de travail s’il n’aimait pas l’entrepôt. « Ce n’est pas le travail, fils. Le travail, c’est le travail, n’importe où. C’est l’impossibilité d’être un homme. De se lever sans peur, de vivre sans regret, de se coucher sans honte. Les gens comme nous n’ont pas le droit de vivre comme des hommes.
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Les jours ont passé et je me suis habitué à ce baratin. Si vous vous répétez n'importe quoi assez longtemps, tôt ou tard vous finissez par y croire. C'est le cours naturel des choses. Les publicités fonctionnent de cette façon, la musique des mots vous donne envie de croire qu'ils sont vrais. Le Coran, je le lisais, je voyais bien qu'on me racontait des histoires, et en même temps je m'habituais peu à peu à ces phrases qui vous présentent le monde sous un jour simple et bien ordonné. Pas de place pour la complication ou l'entre-deux : soit il en allait ainsi, soit il en allait autrement. J'avais gaspillé beaucoup de temps jusqu'ici à comprendre, à soupeser, alors qu'il suffit de dire les choses pour qu'elles prennent de l'épaisseur.
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Qu'est-ce que nous savions ? Rien de solide, en définitive. Notre ignorance du monde était totale. Nous savions qu'il fallait le faire partir en flammes, et c'était suffisant. Nous savions, tous, que nous étions déjà morts. En vie, mais pas vivants. Cassés. Irrécupérables. La mort ne se répare pas, disait le Professeur. Mais si la vie est pareille, sans issue, impossible à vivre ? Nous savions que la vie chez nous aurait plutôt crevé que de nous laisser une chance. Nous étions là pour ça, moi et les autres. Ils voulaient tuer ? Moi, il fallait que je les empêche de tuer cette fille. C'était la même chose malgré les apparences. Nous voulions être des héros. Je n'avais pas la mauvaise foi de me croire différent.
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" Écoute-moi bien : ce que tu sais ou crois savoir, ça n'a aucune importance, aucune utilité. Tu sais pourquoi tu es ici ? " J'ai hoché la tête. " Non, tu ne sais pas. Tu es ici pour souffrir, indéfiniment, pour qu'on te réduise en poussière. Tu es en enfer. Tu ne verras jamais un juge, ni un avocat. Tu es dans un monde où il n'y a plus rien pour te protéger. Tu n'appartiens plus à l'humanité, tu es un animal qui doit vivre dans la terreur jusqu'à la fin de ses jours. Même dans ton sommeil, même dans tes rêves, tu ne te sentiras plus jamais en sécurité. Voilà comment on traite les enragés. "
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Vidéo de Julien Suaudeau
Entretien avec Mame-Fatou Niang, Alain Policar et Julien Suaudeau. Dans leurs ouvrages, ils montrent comment l'idéal universaliste a été détourné pour préserver des hiérarchies sociales, mais mérite encore d'être poursuivi. Extrait.
Pour voir l'émission intégrale : https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/180222/sauver-l-universalisme-malgre-ses-devoiements#at_medium=custom7&at_campaign=1050
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