Un très bon livre qui aborde un sujet original et riche !
C'est d'abord un thriller qui est ici traité. On nous raconte le parcours pour le moins singulier de J.B Grenouille qui, devenu meurtrier par accident, va poursuivre sur sa lancée. Ici, les crimes servent à la fois de bas instincts et de nobles aspirations, produisant un paradoxe qui verse à la fois dans le sordide et le sublime. Mais de toute évidence, notre héros est quelqu'un hors du commun grâce à un don particulier et un sens, dirons-nous, de l'excellence. Seulement il semble bien être le seul à s'en rendre compte tant ses origines obscures, le laissent dans l'exploitation et l'anonymat. D'où cette quête de revanche sociale, de gloire et d'amour qui l'entraîne vers un versant sombre de lui-même. Orphelin, Grenouille connaît la maltraitance des foyers et les conditions de vie d'un enfant mal né. Malgré tout, il développe par ses propres soins, une aptitude particulière, celle de sentir : pas une flagrance n'échappe à son odorat si fin et c'est avec audace qu'il saura montrer ce savoir-faire à un vrai parfumeur. Devenu son apprenti, il apprend vite et concocte des senteurs enivrantes. Mais faute d'être reconnu, il quitte l'atelier et part vers un autre chantier pour acquérir de nouvelles compétences. En chemin, il connaît alors une crise profonde avant de poursuivre pour se transformer en tueur en série.
Une très bonne histoire qui se déroule sur une toile de fond historique où l'on découvre le Paris du XVIII, ses ruelles pleines de monde et d'acres odeurs, le métier de parfumeur et l'art de la capture des essences : les techniques propres à ce métier sont ici traitées telles qu'elles étaient à cette époque. Quant à la peinture sociale, on peut voir à travers ce roman les inégalités frappantes, l'écart des conditions entre les pauvres et les riches alors qu' il n'y a pas tant d'oeuvres qui les traitent : la plupart évoquant les drames ou tragédies qui se déroulent dans le microcosme de l'aristocratie.
Enfin, le but que poursuit Grenouille peut alors prendre une autre dimension que la seule quête personnelle si on le rapporte à son contexte. Teinté de revanche sociale, il devient existentiel, quasi-métaphysique : Grenouille cherche à confectionner des parfums, autrement dit des odeurs agréables, quand précisément il vit dans un milieu où la puanteur est la règle, une norme toujours banalisée. Lui, avec la finesse de son odorat, est plus que jamais apte à saisir toutes les nuances de cette puanteur qui règne à Paris face à laquelle il propose la confection de parfums... Autre point. Ne s'étonne-t-il pas lui-même de ce paradoxe surprenant qui le perturbe tant : alors qu'il sent si bien l'odeur des autres, il ne parvient pas à sentir la sienne propre ? Ce n'est qu'en devenant meurtrier que son existence apparaît aux autres. Ceci dit, Grenouille n'est pas pour autant devenu célèbre étant donné que l'auteur lui-même reconnaît l'anonymat de son héros et qu'il a dû fouiller longtemps dans les archives pour raconter son histoire. le propre d'un parfum est d'être une invention éphémère : d'où le fait que les mauvaises odeurs qui st implantées dans le décor bien avant sa venue semblent se maintenir à la fin en dépit de son retour sur les lieux nauséabonds de sa naissance dans lesquels il verse son parfum.
Reste que je m'interroge sur l'intervention du fantastique, son rôle implicite ? Baldini meurt après le départ de Grenouille, sa maison incendiée je crois, et Grenouille disparaît une fois
le parfum déversé sur le marché au poisson. Un semblant de justice je suppose.