Au coeur de l'hiver glacé des hauts plateaux du Vercors drômois, isolés du reste du monde, Elie Martins, un garde de l'ONF, découvre, pendu à un arbre centenaire, sémaphore au milieu du grand vide immaculé, le cadavre nu d'une femme. Cette macabre rencontre va-t-elle remplir le grand vide mémoriel qui occupe l'esprit d'Elie depuis 12 ans ? A l'époque, une balle dans la tête l'a laissé vivant par miracle mais totalement amnésique. Mais il sait, il sent que ce crime est un message personnel que lui délivre le meurtrier. L'enquête est confiée au lieutenant Nina Mellinsky, de la P.J. de Grenoble, jeune flic d'une trentaine d'années, qui a quitté les Stups de Paris pour fuir une culpabilité qui la ronge depuis la mort d'un collègue. Rapidement les indices impliquent très clairement Elie dans le meurtre de la femme pendue, jusqu'à en faire le suspect n°1. Que va découvrir Nina en fouillant dans le passé du garde de l'ONF ? Va-t-elle éclaircir les brumes opaques qui entourent l'amnésique ? La recherche de la vérité qui obsède Nina s'annonce longue et difficile. Mettre la main sur l'assassin, qui laisse derrière lui les cadavres des amis montagnards d'Elie, comme un piste à suivre... ou à brouiller, aussi.
Le hasard a fait que le livre que je viens de lire avant "
Solitudes" soit "
De silence et de loup" de
Patrice Gain, et je retrouve dans les deux romans de nombreuses similitudes. tout d'abord, les deux auteurs ont en commun le goût des grands espaces où la Nature ne fait que tolérer l'homme. Alors que
Patrice Gain explore l'Arctique et la toundra sibérienne, Niko Takian plante le décor de son roman dans les monts sauvages du Vercors. Tous les deux font du grand froid, de la neige et des brouillards épais un personnage à part entière de l'histoire qui noie les paysages pour servir de linceul aux voyageurs solitaires et imprudents. Nous retrouvons ensuite le loup en animal totem qui éclaire et qui guide Anna dans les glaces polaires et Chef Reda, le collègue et ami d'Elie, sur les sentes pentues et enneigées du parc national du Vercors. Et enfin, dernier thème commun au deux récits, le chamanisme qui relie les forces naturelles aux humains qui savent les comprendre et les respecter. Dans le roman de Gain, le peuple Iakoute est dépositaire de ce savoir ancestral. Dans celui de Tackian, deux personnages possèdent cette connexion tellurique : Chef Reda qui a fait son apprentissage chez les Mohawks du Québec et Jacques Lavandier, un berger aveugle septuagénaire, qui communique avec le monde par l'intermédiaire des auras colorés qu'il perçoit dans les êtres vivants et les choses. Mais les deux auteurs développent ces thèmes communs dans des buts assez différents.
Patrice Gain les met en partie au service d'une narration qui interroge le lecteur sur l'avenir de notre monde tandis que
Niko Tackian, auteur de la série télévisée Alex Hugo, qui fait aussi la part belle à la montagne, la nature et aux taiseux, les utilisent pour assoir une intrigue riche, profonde qui avance avec force rebondissements qui incitent le lecteur à ne refermer le bouquin qu'une fois la dernière page lue.