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Pièce en 4 actes, dont j'ai beaucoup aimé à la fois la lecture et la représentation théâtrale, il y a quelques années. Je me souviens qu'entre chaque acte, le spectateur entendait le bruit d'un train qui passait et qui me paraissait être le symbole de la fuite du temps. Au cas particulier, l'avenir s'ouvrait sur les décombres d'un vaste domaine nommé "La Cerisaie", en raison de son magnifique verger.
Cette pièce évoque en effet un monde finissant, celui des propriétaires fonciers dans la Russie du début du 20ème siècle; un monde au milieu duquel tentaient de trouver un sens à leur existence des personnages ambivalents, parfois attachants, qui incarnaient, pour le pire ou le meilleur, les valeurs traditionnelles de la Russie de l'époque.
Le vieux Valet Firs, n'est pas pour moi un personnage secondaire, il est "l'âme du domaine", celui qui symbolise le mieux le point d'ancrage, la fidélité à un lieu et la stabilité des choses. Mais la propriété ne résiste pas au temps qui passe. Elle finit par être vendue à un commerçant, qui, en cherchant la rentabilité, va la défigurer dans le but de lotir le terrain et d'y construire des isbas. Signe de temps nouveaux, qui sans doute ne résisteront pas non plus à la vague révolutionnaire quelques années plus tard.
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Songez-y, Ania : votre grand-père, votre arrière-grand-père et tous vos ancêtres avaient des serfs, ils disposaient des âmes vivantes. N'entendez-vous donc pas derrière chaque cerisier, derrière chaque feuille, derrière chaque tronc des êtres vivants qui vous regardent, n'entendez-vous vraiment pas leur voix… Disposer d'âmes vivantes, cela vous a tous dénaturés, vous tous qui viviez ici autrefois et qui qui vivez ici maintenant, de sorte que votre mère, vous-même, votre oncle, vous ne vous rendez pas compte que vous vivez à crédit, de l'argent des autres, aux dépens de ceux à qui vous ne permettez pas de franchir plus que le seuil de votre vestibule… Nous avons un retard d'au moins deux cents ans, nous n'avons encore absolument rien, nous sommes incapables de nous situer par rapport à notre passé, nous ne savons que philosopher, nous nous plaignons de l'ennui ou nous buvons de la vodka. Il est pourtant clair que pour commencer une vie au présent, nous devrons d'abord expier notre passé, en finir avec lui, et nous ne pouvons l'expier que par la souffrance, par un travail extraordinaire, ininterrompu.
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Je ne connaissais pas l'oeuvre de Tchekhov, mais j'en avais entendu parler et certains titres revenaient régulièrement mes oreilles. La Cerisaie en faisait partie. Quand j'ai commencé à lire la pièce, je n'avais aucun a-priori. Et j'ai été enthousiasmé par la facilité de lecture. Au premier abord. Puis, je me suis renseignée et lu quelques critiques et j'ai découvert que Tchekhov avait voulu en faire une comédie et a été particulièrement choqué lors de la première représentation de constater que le metteur en scène en avait fait une tragédie. Personnellement, je n'y ai vu qu'une tragédie. Dans cette pièce, peut-être mal traduite, Tchékhov aborde l'effet des changements sociaux sur la société. L'abolition du servage de 1861 par Alexandre II a permis aux anciens serfs de s'enrichir et de s'élever en société alors que plusieurs aristocrates se sont appauvris, devenant incapables d'entretenir leurs domaines sans leurs esclaves. L'effet de cette réforme était encore ancré quand Tchekhov écrit sa pièce.
Outre le contenu des textes, les transformations de la société russe apparaissent également dans les attitudes des personnages qui ont l'allure de fantômes, d'ombres blanches, de marionnettes aux fils brisés. Leurs dialogues décousus, hésitants, laissent surgir des plages de silence, un vide soudain. Tous ces gens parlent sans s'écouter ; il n'est pas rare que la série de répliques d'un personnage retombent dans le vide, tandis que l'interlocuteur censé lui répondre parle uniquement pour lui-même. La cerisaie est le lieu d'un perpétuel décalage.
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Tchekhov écrit La Cerisaie un an avant sa mort, alors qu'il est malade. La rédaction de cette pièce qu'il veut comique lui est difficile. Il y présente un témoignage d'une époque de dépression et de désillusion. Anton Tchekhov va créer dans son théâtre une forme nouvelle, avant-gardiste, symboliste. Il veut parler à la sensibilité de l'homme moderne. Dans cette comédie qui nous fait plutôt penser à un drame statique, la sensibilité touche peut-être plus les personnages que les lecteurs...

La Cerisaie, c'est l'histoire d'une famille aristocrate qui s'est appauvrie. Voilà trois ans que la mère, Lioubov, et la fille, Anya, étaient en voyage en Europe, à Paris. Mais le manque d'argent et les dettes forcent leur retour. Retrouver leur demeure et Varia, fille adoptée par Lioubov, ne les enchantent pas particulièrement. le plaisir de retrouver leur maison telle quelle est fort, mais le risque de perte de ce lieu-mémoire aristocratique les blesse. Et pourtant, Lopakhine, ce moujik, veut aider, propose des solutions pertinentes. Mais chacun est enfermé dans son propre monde, chacun parle pour soi et non pour ou avec les autres. Chacun reste dans sa bulle jusqu'au drame.

De toute évidence, il faut lire La Cerisaie pour ce qu'elle est : une pièce de théâtre symbolique, qui se voudrait comique, mais à laquelle on ne peut pas retirer l'aspect dramatique. Les cerisiers sont les sujets du drame. Ils représentent l'aristocratie et les souvenirs d'une riche vie aux yeux de Lioubov et sa famille. Mais ils portent un autre symbole pour Trofimov. « Songez seulement, Ania, votre père, votre grand-père et tous vos aïeux possédaient des serfs, des âmes vivantes, vous devez les voir, ces êtres humains, ils vous regardent de chaque cerise du jardin, de chaque tronc d'arbre, vous devez entendre leurs voix… » Pour Trofimov, les cerisiers représentent le servage et toutes les personnes envers qui la famille est redevable. Lorsque la pièce s'achève, les cerisiers sont abattus. Suivant l'axe de lecture, nous y lisons la fin de l'aristocratie, mais aussi la fin du servage. La seconde interprétation est renforcée par le fait qu'il s'agisse d'un moujik, un ancien serf, qui fait abattre les arbres.

En lisant cette pièce, je savais que l'auteur avait voulu faire une comédie. Mais j'y ai été difficilement sensible. On oublierait presque de rire des farces et des maladresses des personnages. le surnommé « vingt-deux malheurs » existe essentiellement pour nous faire rire. Mais je n'ai pas ri, souris, je ne me suis pas particulièrement amusée. Pourtant, elle comporte des ressorts comiques, là n'est pas le problème. le fait est que La Cerisaie semble osciller entre tragédie moyenne et comédie héroïque. Mais une comédie héroïque un peu à côté. Pour être sensible au comique, il ne faut pas se prendre au jeu des personnages, s'identifier à eux, il faut les voir agir. Tchekhov place le quatrième mur pour nous présenter un tableau comique par ses réactions déplacées et par les répliques toujours en décalage des personnages.

En se plaçant « au-dessus » des personnages, on apprécie la manière dont les monologues masqués en conversations se tissent pour former un panorama d'une société gangrénée. Malgré cela, Tchekhov ne fait jamais de choix entre le matérialisme de Lopakhine et l'aristocratie de Lioubov. Chacun porte son masque, chacun essaie d'agir comme il peut, mais tous sont soumis au joug du changement. Firs est le symbole parfait de ce changement d'époque. Tout le monde fait attention à lui, ce serf qui veut le rester, mais à la fin, tout le monde pense qu'il a été conduit à l'hôpital. Mais finalement, il a été oublié, il est vieux et malade et il a été abandonné dans ce jardin qui sera détruit, au son des cerisiers mourants.

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Pour quelqu'un qui n'aime pas vraiment le théâtre, je dois dire que cette pièce m'a plue !
Le thème: l'aristocratie russe, m'intéressait déjà auparavant. Et il faut dire que le mettre en scène à l'aide d'un jeu de pouvoir entre une famille aristocratique puissante et un entrepreneur ambitieux pour montrer l'évolution de la société russe est une brillante idée.
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J'avais envie de relire cette oeuvre majeure que j'aime beaucoup. Les metteurs en scène prennent, et c'est normal, maintes libertés avec le texte, ici de Tchekhov. Ayant visionné cet été sur Culture Box la mise en scène de Tiago Rodrigues (Avignon 2021) avec Isabelle Huppert, j'ai eu envie de revenir aux sources.
Bien sûr Tchekhov reste terriblement d'actualité. Les serfs libérés surfent sur la vague du libéralisme. Une cerisaie abattue en vue d'un lotissement pour touristes est une promesse de revenus pour les débrouillards. Gare aux poètes !

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La cerisaie / Anton Tchekhov
Cette pièce de théâtre, comédie en quatre actes a été créée en 1904 et la première eut lieu à Moscou, connaissant un vif succès.
Nous sommes au début du XXe siècle au mois de mai dans la propriété de Madame Lioubov Ranevskaya qui vient juste de rentrer de France avec sa fille Anya âgée de 17 ans et Charlotta la gouvernante, France où elle a vécu durant cinq ans avec un amant dont on ne saura rien. Elle a tenté de se suicider à la suite de la disparition de son jeune fils qui a péri noyé.
Lopakhine est un marchand, ancien serf : il est au coeur de l'action. Il rappelle à Ranevskaya et à Gaiev son frère qu'il faut vendre la propriété pour rembourser les dettes de la famille. Mais pour Ranevskaya, la propriété représente toute son enfance pleine de souvenirs d'une vie facile. Lopakhine malgré tout veut acheter afin d'abattre les cerisiers et construire des chalets à louer. C'est la fin d'un monde aristocratique et l'entrée en scène des hommes d'affaires de peu de sentiments.
« Ah ! ma cerisaie, ma chère , ma belle cerisaie ! Ma vie, ma jeunesse, mon bonheur, adieu…adieu ! » (Madame Ranevskaya)
Une pièce riche de descriptions et de sentiments mais dont l'intérêt n'est pas toujours évident : l'ennui guette vite le lecteur avide d'émotions fortes.
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Pourquoi 120 ans plus tard s'intéresser à la Cerisaie de Tchekhov ? Parce que c'est s'intéresser à un pan de l'histoire russe antérieur à la révolution bolchevique. Parce que les germes de cette révolution sont contenus dans ce divertissement théâtral.
A bien y regarder la monarchie tsariste est en train de s'écrouler dans la pièce de Tchekhov. Les piliers de cette monarchie, à savoir les nobles, riches propriétaires terriens, sont décadents : ils boivent, ils jouent leur fortune dans des cercles de jeu, ils passent du bon temps dans les endroits européens à la mode : Biarritz, Nice-Menton, Baden Baden, Marienbad. Ils ne réalisent pas que le monde change autour d'eux et qu'ils sont en train de perdre la partie. Ne dit-on pas qu'on ne voit jamais la poutre qu'on a dans l'oeil.
La société russe change. Les nouveaux riches que sont les « marchands » amassent des fortunes et chassent de chez eux les propriétaires terriens ruinés. Les petits juifs d'Odessa deviennent les banquiers de l'empire (Référence au père d'Irène Nemiervsky). Les intellectuels sont en train de devenir les révolutionnaires de demain. L'impératrice fait confiance à un charlatan venu du fin fond de la Sibérie. Bref tout s'écroule autour de la classe dirigeante.
Après la première secousse de Février 1917, ces représentants du monde d'hier en prenant provisoirement le pouvoir vont encore montrer le bout de leur nez mais ils seront définitivement emportés en Octobre par cette vague révolutionnaire, pas si surprenante que cela finalement, une fois qu'on a lu la pièce de Tchekhov.
Je considère que cette pièce est révolutionnaire et je me demande ce que les aristocrates russes, ceux justement auxquels se destinait ce spectacle, pouvaient en dire dans les diners d'après- théâtre.
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Deuxième pièce de théâtre par cet auteur, je suis agréablement surpris d'avoir bien aimé cette lecture, étant donné que le théâtre n'est pas ma littérature de prédilection. Pourtant, au coeur de cette Cerisaie, où sa vente est sur toutes les lèvres, le parfum enivrant des fleurs fait tourner une fois de plus les têtes, jusqu'à la triste fin ! Tout aura été imparfait, que ce soit les relations amoureuses ou la réussite sociale ; que de désillusions, qui appuient bel et bien sur la fin du mythe de ces allées de cerisiers en fleur. Une autre belle pièce, dans la même lignée qu'Oncle Vania
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Comme on dit en histoire "entre traditions et modernités"... le respect des traditions est incarné par presque tous les personnages, presque tous attachés à un ordre immuable et à un monde idéal et idéalisé, car déjà disparus : celui où la famille était riche, puissante, à la tête de ses serfs et de ces cerisiers. Aujourd'hui, la famille a connu des souffrances, des deuils. Les fleurs sont toujours belles, mais le chemin de fer grignote les terres, les serfs sont devenus libres, l'argent devient important puisqu'on s'aperçoit qu'il manque. Mais dans ce monde d'entre deux, de passage, rien n'est exprimé clairement. Les sentiments sont tus, personne n'arrive à comprendre l'autre, et à se faire comprendre. Et c'est ce qui m'a le moins séduit dans cette pièce, les personnages parlent sans s'écouter, discourent sans se comprendre.
Deux hommes - les femmes sont toutes tournées vers le passé - incarnent la modernité, le nouveau monde avec ses idées révolutionnaires et l'industrialisation : le rapport et l'argent prennent la place de la beauté gratuite qui ne rapporte rien des arbres.
Alors oui, la dernière scène et les dernières lignes sont très belles, mais l'incompréhension des personnages, les pleurnicheries de la mère et les soeurs un peu niaises moins moins convaincues que la force des sentiments dans la Mouette ou que les expressions de douleur chez l'Oncle Vania.
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Le clafoutis de Tchekhov

Je m'appelle .............?..........." je suis un jeune homme de dix-sept ans, laid, maladif et timide", je passe mes étés dans la "maison de campagne des Choumikhine", et je m'y ennuie.

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