Térence, auteur comique d'expression latine du IIème siècle avant Jésus-Christ est très communément associé à
Plaute, l'autre grosse pointure comique en latin. Mais, je trouve ce rapprochement malheureux, notamment pour le moins comique des deux, à savoir Térence.
C'est un peu comme si dans une dizaine de siècles on rapprochait
Corneille et
Molière, (ne considérant que les comédies de
Corneille) et qu'on les présentait comme les deux grands auteurs comiques classiques du XVIIème siècle français. le talent comique de l'un éclipserait fatalement l'autre.
Eh bien, c'est un peu le cas ici, car si l'on considère Térence comme un auteur de comédies, c'est-à-dire là où l'on a une forte chance de rigoler beaucoup, l'on se trompe. Ce n'est pas sur ce registre qu'officie Térence. Il s'agit plutôt de drames sociaux ayant parfois quelques notes d'humour.
Leur fonction n'est pas manifestement de faire rire à gorge déployée mais de critiquer doucement certaines pratiques sociales, voire d'introduire quelques réflexions philosophiques. Ainsi, L'Hécyre, c'est-à-dire La Belle-Mère traite d'une délicate question, celle de la normalité du viol et de l'adultère à l'époque romaine.
Pamphile aime une courtisane, Bacchis, depuis des années et ne semble pas pressé d'avoir des relations " sérieuses " avec les femmes. Voyant l'âge arriver, son père, Lachès, le presse de prendre une épouse. La fille des voisins, paraît tout indiquée pour remplir cet office.
Pamphile n'est pas tellement chaud d'abandonner sa vie d'avant et de prendre femme, mais le paternel a parlé, il faut s'exécuter. le mariage est donc conclu, mais Pamphile n'arrive guère à prendre goût à son épouse légitime et songe toujours à sa courtisane.
Cependant, peu à peu, par sa bonne prestance et malgré l'absence de tout rapport charnel, la jeune épouse parvient à se faire de plus en plus apprécier de son mari. Celui-ci songe de plus en plus sérieusement à daigner enfin l'honorer des plaisirs du lit lorsque le décès d'un parent l'éloigne pour quelque temps du foyer.
Hors, pendant ce temps, la bru s'en retourne chez ses parents. Tout de suite, la belle-mère accède au statut de suspect numéro 1 pour expliquer ce déménagement précipité.
Pourtant, la pauvre Sostrata n'y est pour rien. La cause est bien ailleurs. La jeune épouse a, en réalité été violée avant même son mariage par un inconnu et, comme à chaque fois en pareil cas, se retrouve enceinte. Elle sait trop qu'elle n'a eu aucun rapport avec son légitime mari et redoute d'avoir à donner naissance à ce fils bâtard car il pourrait bien être cause de son renvoi pur et simple du foyer si le mari découvre le pot aux roses...
Le sac de noeud est bien ficelé et Térence pose un décor ma foi fort sympathique et d'une étonnante fraîcheur avant, malheureusement, de gâcher quelque peu la marchandise par un final, un peu facile et d'une saveur moindre au reste...
En somme, une pièce d'une stupéfiante modernité quant au questionnement qu'elle soulève sur la condition de la femme (aussi bien en ce qui concerne la bru violée obligée de se cacher que la belle-mère accusée à tort, peut-être essentiellement parce qu'elle est une femme et qu'il faut bien désigner un coupable). Mais ce n'est bien sûr qu'un avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.