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Jules Marouzeau (Éditeur scientifique)Jean Gérard (II) (Éditeur scientifique)
EAN : 9782251012766
372 pages
Les Belles Lettres (01/01/1984)
3/5   5 notes
Résumé :
a
Que lire après Comédies, tome 2. Heautontimoroumenos - PhormionVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Heautontimoroumenos (Le Bourreau de Soi-Même en français) est une pièce pas spécialement comique, à l'image du restant de la production de Térence, mais plutôt une critique sociale avec certains clins d'oeil qui peuvent porter à sourire. On est loin du burlesque de Plaute, par exemple.

La critique sociale qui est adressée ici l'est à l'égard des pères trop sévères avec leurs enfants et qui oublient un peu trop facilement qu'ils ont, eux aussi, été adolescents ou jeunes un jour, et que, eux aussi, ont commis des imprudences ou des folies, mais qu'ils n'en sont pas pour autant des cas désespérés.

C'est étonnant de constater combien cette problématique a traversé vingt-deux siècles sans jamais se faner ni ternir. Peut-être bien qu'elle touche à l'universel, à l'incompressible décalage temporel entre le moment où l'on a un fils qui entre dans l'âge adulte et le moment où l'on entrait soi-même dans l'âge adulte.

Les changements qui se sont opérés en nous créent forcément une tension qui se cristallise dans les relations parent-enfant, mais qui semblent bien être une dissonance propre à l'adulte, entre le lui de maintenant et le lui de sa jeunesse.

Cette pièce, sans être particulièrement captivante, est tout de même intéressante pour nous parler des relations sociales d'alors, très misogynes, ainsi que de la relation esclave-maître, pas aussi tyrannique et déséquilibrée qu'on peut se la figurer de nos jours et qui ne semble pas si différente des relations maître-serviteur de l'Ancien Régime.

Ensuite, ce tome nous propose la pièce Phormion. Écoutez bien : Phormion. Ce nom ne vous dis rien ? C'est pourtant une pièce que vous connaissez plus ou moins, dans ses grandes lignes. Elle a été remaniée et remise au goût d'alors par un auteur français classique. Allez, faites un effort, vous voyez de qui je veux parler. Non ? Molière, ça vous dit quelque chose tout de même. Les Fourberies de Scapin aussi, sans doute.

Et bien Scapin est né ici. D'ailleurs il est né bien plus loin que ça encore puisque Térence lui-même propose déjà un remake d'une pièce grecque d'Apollodore de Carystos intitulée, le Plaignant.

Pour être tout à fait précise, le rôle de fourbe bienveillant est ici partagé entre Phormion et l'esclave Géta, les deux concourant à faire en sorte que les fils puissent épouser les femmes qu'ils ont choisi en dépit de l'avis contraire de leurs pères respectifs.

Les deux fils en question sont Antiphon et Phédria, deux cousins, dont les pères, Démiphon et Chrémès, sont frères. Il est bien entendu question de magouille, d'amour, d'argent et même d'adultère, mais tout se finit toujours bien et les pères sont souvent les dindons de la farce, quoique, jusqu'à un certain point seulement.

Je vous laisse le soin d'en juger par vous-même car en ceci comme en plein d'autres choses, le mieux est encore de s'y atteler personnellement attendu que ceci n'est que mon avis, c'est-à-dire, bien peu de chose.
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"Je suis la plaie et le couteau..." Baudelaire a repris, pour titre d'un de ses poèmes,ce nom "Héautontimoroumenos", celui qui se torture lui-même- et son poème, terrible, n'a rien d'une comédie..

A franchement parler, celle de Térence n'en est pas une non plus: le théâtre de Térence était destiné à un public de lettrés, le cercle des Scipion, les protecteurs de Térence, qui goûtaient une comédie délicate,raffinée, pleine de vérité psychologique et d'intrigues sophistiquées; en somme, la vraie comédie de caractère, inspirée du grec Ménandre. Le pauvre Térence , il faut le préciser, n'avait plus de public populaire, et ne pouvait compter que sur l'élite pour continuer à pratiquer son art.

En effet, le public romain, assez "bourrin" dans l'ensemble, préférait les spectacles de gladiateurs ou de jongleurs au théâtre, où malgré le Prologue qui leur exposait l'intrigue avant les premières scènes, il perdait vite...son latin!!

Et si les comédies de Plaute, quelques années avant Térence, lui avaient dilaté la rate, il s'en était vite lassé, avide de plaisirs faciles et consommables -panem et circenses, du pain et des jeux, c'était vraiment sa devise !

Donc ne cherchons pas dans L'Héautontimoroumenos le sens de la gaudriole, la joyeuse poilade et les bons mots d'un Plaute, mais l'intrigue est soignée, la peinture des moeurs bien observée et les caractères approfondis quoique assez stéréotypés.

Les esclaves sont rusés et débrouillards, les courtisanes intéressées et roublardes (assez macho , la comédie latine, on est loin de la liberté de ton d'un Aristophane; dans la comédie latine, c'est: les femmes à la maison, au fond du gynécée ou au bordel, sous la coupe de la Maîtresse!). Et surtout les fils sont en butte à l'autoritarisme et l'avarice des pères..C'est la raison pour laquelle on différencie peu ou mal le répertoire de Térence, ce sont toujours, à quelques variantes près, les mêmes "fabulae": un amour contrarié, une jeune femme réduite à la prostitution , un jeune homme réduit à vivre d'expédients du fait d'un père odieux, un esclave intéressé et débrouillard qui démêle les files de l'intrigue, un bon quiproquo et une happy end, souvent fondée sur un enlèvement -les pirates, très actifs en Méditerranée- ,suivie d'une scène de reconnaissance et d'attendrissement généralisés

Il faut cependant relire Térence parce qu'il annonce le virage de toutes les comédies -Marivaux après Molière, chez nous - du comique populaire à un comique plus diffus et plus mitigé, souvent proche du drame ou de la cruauté; il faut relire aussi Térence pour retrouver tout à coup les modèles de Molière -Scapin, par exemple, dans la deuxième pièce de ce livre, le Phormion- mais Molière, lui, avait pris le meilleur de chacun des comiques latins : la subtilité des intrigues, la peinture exacte des mœurs du temps, il les prend à Térence et la "vis comica" , la "présence" des personnages, à Plaute!! Un parfait alliage!
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
CHRÉMÈS : Ce n'est plus maintenant de l'argent qu'il s'agit, mais de la manière dont nous le donnerons au jeune homme au moindre risque. Car s'il a compris, une fois, dans quel état d'esprit tu étais, que tu es prêt à donner ta propre vie et tout ton argent plutôt que de te séparer de ton fils, oh là là, quelle brèche tu lui auras ouverte sur la voie de la débauche, et, pour toi, du même coup, tu en perdras tout plaisir à vivre. Car nous nous laissons tous entraîner par la facilité. Tout ce qui lui passera par la tête, il le voudra, et il ne se demandera pas si c'est bien ou mal ; il le demandera ; toi, tu ne pourras supporter de voir perdre et ta fortune et lui-même. Tu refuseras de donner ; il ira aussitôt à ce qu'il comprendra être le plus efficace sur toi ; il menacera sur-le-champ de te quitter.

HEAUTONTIMOROUMENOS.
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SOSTRATA
Sûrement, si tu n'y prends garde, Chrémès, tu seras cause de quelque malheur pour notre fils, et je m'étonne vraiment qu'une idée si absurde ait pu te venir à l'esprit, mon mari.
CHRÉMÈS
Ah ! tu es toujours bien femme. Ai-je de ma vie formé un seul projet que tu n'aies contrecarré, Sostrata? Et aujourd'hui même, si je te demandais en quoi consiste ma faute et pourquoi tu agis ainsi, dans cette affaire où tu me résistes si hardiment, tu ne saurais le dire, sotte que tu es.
SOSTRATA
Moi, je ne saurais le dire?
CHRÉMÈS
Si, si, tu le saurais. J'aime mieux dire comme toi que. d'avoir à recommencer la même discussion.
SOSTRATA
Ah! tu es injuste d'exiger que je me taise dans une circonstance aussi grave.
CHRÉMÈS
Je ne l'exige plus : parle. Je n'en ferai pas moins à ma tête.
SOSTRATA
Tu n'en feras pas moins?
CHRÉMÈS
Non.
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PHORMION : On ne tend pas de filets pour prendre l'épervier ni le milan, qui nous font du mal ; on en tend pour prendre ceux qui sont innocents ; parce que les seconds peuvent rapporter quelque chose, tandis que pour les premiers, c'est du temps perdu.

PHORMION : Acte II, Scène 2.

P. S. : Ça ne vous rappelle pas, dans une certaine mesure, le fonctionnement de la police actuelle, bien que ces vers aient été écrits il y a presque 2200 ans ?
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Que les pères sont des juges injustes envers tous les jeunes gens ! Ils trouveraient naturel que dès l'enfance nous naissions vieux et que nous n'ayons aucun goût pour les choses que comporte l'adolescence. Ils font la loi selon leur propre goût, celui qu'ils ont maintenant, non pas celui qu'ils avaient autrefois.

HEAUTONTIMOROUMENOS.
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CHRÉMÈS : Oh, cesse, ma femme, de rebattre les oreilles des dieux en les remerciant de t'avoir rendu ta fille, à moins que tu ne juges de leur nature d'après la tienne, et que tu ne croies qu'ils ne comprennent rien sans qu'on le leur ait répété cent fois !

HEAUTONTIMOROUMENOS : Acte V, Scène 1.
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