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sur 4365 notes
C'est un long poème sur la solitude et le son que fait le temps quand il passe.

On voyage immobile, comme le lac Baïkal emprisonné par la glace regarde se refléter à sa surface le ciel infini. Dans le silence, les pensées se dégagent de l'ombre du bruit, elles s'illuminent. Comme la glace qui craque sous l'effet du printemps. C'est un regard au plus profond de soi au milieu d'une nature presque vierge, pour l'instant.

S'exiler six mois dans une cabane au fond du lac Baïkal pour y trouver la paix, s'entourer de la présence de livres, du silence, du murmure de ses pensées. Les transcrire pour qu'elles se posent en images, qu'elles atteignent le lecteur et le fassent rêver. Sylvain Tesson nous offre ainsi un beau voyage. Ses mots sont tellement lumineux et légers comme des flocons de neige, qu'on voudrait tout noter, tout retenir, pour qu'ils ne s'envolent pas. Les attacher au bout d'une ficelle et les laisser fleurir le ciel comme des ballons de rêve (de sagesse).

Mais l'homme n'est pas fait pour vivre seul. Même la solitude n'a de valeur que si elle est partagée, au moins un peu.
"Rien ne vaut la solitude. Pour être parfaitement heureux, il me manque quelqu'un à qui l'expliquer."
Il faut partager ce qui est beau, ce qui est secret, ce qui est silence. Les mots peuvent le faire sans briser l'harmonie.
Un récit de voyage immobile à partager.
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La Sibérie n'est certainement pas la première destination que vous choisiriez pour vos prochaines vacances, ni même si vous deviez prendre un long break de 6 mois ailleurs que chez vous.
Je vous rassure, ce n'est pas mon choix personnel non plus, mais ce fut celui de Sylvain Tesson qui n'arrivait plus à trouver assez de réconfort dans ses multiples voyages et errances sur le globe. Pourtant, ces périples, c'était toute sa vie. C'est en marchant, en parcourant le monde qu'il se sentait bien, mais la magie n'opère plus aussi bien. Et c'est dans l'immobilité qu'il pense trouver la solution. Certes, c'est un peu extrême, mais pour lui, c'est presque la routine. Et puis, ce paysage, ces rives du lac Baïkal, il avait promis d'y revenir !

Ce livre est en fait son carnet de bord, ce qu'il a consigné durant cette retraite volontaire du monde (bien qu'il ne fut pas complètement isolé…. On peut même être envahi dans des coins aussi reculés que cela, incroyable, non ?!).
6 mois, c'est long et c'est court. le temps n'est plus tout à fait le même une fois que l'on sort de notre société de consommation, de ce carcan mondialisé où ce qui a réellement de la valeur est négligé au profit de quêtes aussi futiles qu'éphémères. Pour cela, j'avoue que j'ai un peu la même vision que Sylvain sur le fait que je souhaite avoir un vie, une existence pleine et qui vaut la peine d'être vécue.
Nous lisons donc les lignes écrites par Sylvain Tesson juste avant de se retrouver seul dans sa cabane (on débute avec le voyage qui va le conduire jusqu'à son refuge de rondins sur les bords du lac Baïkal) et jusqu'à son retour parmi nous ou presque.

L'auteur s'étonne lui-même. Il s'attache à des choses, des éléments qu'il aurait cru presque insignifiants auparavant, même si c'est forcément un amoureux de la nature et de ses merveilles pour avoir choisi un tel lieu.
Le voilà quand il parle d'une mésange qui vient le voir régulièrement :
"La visite du petit animal m'enchante. Elle illumine l'après-midi. En quelques jours, j'ai réussi à me contenter d'un spectacle pareil. Prodigieux comme on se déshabitue vite du baryum de la vie urbaine."
Il s'interroge également :
"La vie de cabane est peut-être une régression. Mais s'il y avait progrès dans cette régression ?"
Je m'interroge aussi. Je ne vis pas dans une cabane, mais j'essaie de ne pas trop me laisser happer par notre monde qui a certes du bon, mais qui ne me plait pas toujours. Je m'émerveille encore devant des choses toutes bêtes car je les trouve magiques par leur apparente simplicité alors que c'est en réalité tout le contraire.

On pourrait penser que vivre ainsi en hermine est un calvaire. Certains s'effraient à la perspective de ne pouvoir parler à personne, mais je l'avoue, cela ne me gènerait pas tant que cela. Et puis, 6 mois, ce n'est pas l'éternité non plus. Il faut relativiser.
Sylvain Tesson aime les gens taciturnes et donc le calme. le fait que l'on ne soit pas obligé de déverser non plus un flot de paroles en continue pour échanger avec autrui est un plus pour lui. Cependant, il se rendra chez ses voisins (des heures de marche dans une météo par toujours clémente : - 32 °, -34° etc...) de temps en temps et recevra des visites dans sa cabane. Reste que parfois, ces rencontres vont presque le déranger :
"Je crois bien que je vais espacer mes visites".
Il va même se retenir de ne pas chasser parfois les visiteurs. Ils dérangent sa tranquillité non d'une pipe en bois !

Les habitudes se mettent en place et sont nécessaires car sans l'oeil critique d'un tiers pour nous faire avancer et une certaine volonté personnelle, l'homme est de nature à se laisser aller.
Sylvain Tesson y trouvera même du plaisir à cette routine imposée, des gratifications qui réchaufferont son âme presque tout autant que son corps. Il vaut mieux d'ailleurs par de telles températures polaires (voir le début du journal de bord).
Je suis un peu étonnée de trouver autant d'allusion à de l'alcool, mais après tout nous somme en Sibérie et les Russes n'ont point la réputation de carburer à l'eau plate. Définitivement, je ne peux pas m'imaginer vivre la même expérience à cause du climat, mais aussi à cause de ce facteur alcoolisé. Il me resterait bien les litres de thé à avaler, mais rien que la perspective de me rendre toutes les 1/2 heures aux toilettes dans ce froid, m'en fait passer l'envie immédiatement. Non, il me faudrait trouver un coin plus tempéré et je crois bien que j'ai ma petite idée, mais chut…. Ce n'est ni l'endroit pour vous le révéler, ni le propos de ce billet.

L'auteur et ses voisins possèdent la faculté de regarder des heures par la fenêtre. le paysage qui s'offre à eux est plus captivant que bien des programmes télévisés que l'on a chez nous. Sur ce point, je peux les comprendre car j'ai également la chance de bénéficié d'un panorama magnifique : j'ai le Mont-Blanc à quelques encablures à peine. Je ne me lasse pas de l'observer au fil des saisons. Il n'est jamais tout à fait le même. A chaque minute, la lumière est différente, les nuages passent et parfois me le dissimule, mais je sais qu'il est là et je l'imagine, je me projette au delà de ce voile. En bref, il me dépasse, il se dégage une certaine magie, une puissance que Dame nature veut bien me laisser admirer. le lac Baïkal doit être tout aussi captivant avec ses eaux prisonnières des glaces, ses forêts tout autour, sa faune, les caprices de la météo…
Dépaysement garanti.

Ce journal est agréable à lire même si l'on n'est pas fan de "nature writting" : genre littéraire où se mêle l'observation de la nature qui nous entoure et des considération autobiographiques.
Sylvain Tesson sait agrémenter volontairement ou non certaines de ses pages de traits d'humour qui m'ont bien déridés durant ma lecture :
"Ils ont des gueules à dépecer le Thétchène et ils partagent délicatement leur biscotte avec la mésange."
"25 mai. Je passe des heures à fumer dans mon hamac au sommet de l'éminence, les chiens à mes pieds. A Paris, les miens me croient aux prises avec le froid sibérien, ahanant comme un sourd sur mon billot pour fendre le bois dans le blizzard."
Le décalage entre ce que l'on croit connaître et la réalité est à son comble. Cela fait du bien de pouvoir être encore surpris et de se dire que tout n'est pas encore perdu.

Introspection, réflexion, méditation… Tout cela est présent. Six mois pour faire le tour de soi-même et aussi du monde qui nous entoure. On pense également à celui que l'on a quitté et que l'on devra rejoindre passé cette retraite.
Solitude et rencontre, tel pourrait être le sous titre de cet ouvrage qui décidément incite à ouvrir vraiment nos yeux.
Pour moi qui recherche de la profondeur dans mes lectures (même s'il m'arrive de lire des choses très légères également), ce fut parfait. Sylvain Tesson avait emporter avec lui beaucoup de lecture et il fait très souvent des parallèles entre les pages qu'il dévore, celles qu'il gratte et ce qui lui sert de cadre d'existence. Il nous suggère parfois de faire de même sans pour autant partir en Sibérie. Peut-être aurions nous un regard plus neuf alors, plus réaliste, plus responsable ?

Lien : http://espace-temps-libre.bl..
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Cette idée lui trottait dans la tête depuis sept, alors qu'il avait fait la connaissance du lac Baïkal, gelé sur plus d'un mètre en hiver, ce n'était pas une lubie. Il a construit ce voyage. Lorsque que le camion qui l'a amené avec ses provisions, les kilos de ketchup, la vodka, la musique et les livres, l'aventure peut commencer. le garde forestier, Sergueï, lui dit au passage:

« Ici, c'est un magnifique endroit pour se suicider »…

Il s'organise dans son nouveau domaine, au coeur d'une solitude qu'il a voulue, il vit en fonction des éléments, il est en osmose avec la nature, le lac où il va apprendre à pécher, les tempêtes de neige, le temps ne s'écoule plus de la même façon.

« L'éventail des choses à accomplir est réduit. Lire, tirer de l'eau couper du bois, écrire et verser le thé deviennent des liturgies. En ville, chaque acte se déroule au détriment de mille autres. La forêt resserre ce que la ville disperse. » P 44

Ces six mois passés dans son isba, entre février et juillet, constituent une aventure certes, mais surtout c'est un voyage initiatique. Il apprend le silence, comme une méditation, les pensées parasites qui s'apaisent; il est axé sur l'essentiel, la nature, les arbres, les animaux, ici et maintenant.

Sylvain Tesson ne tombe pas dans l'angélisme, il voit les Russes tels qu'ils sont, et non tels qu'il les imagine, il voit les dégâts que l'homme inflige à la Nature, les dangers de l'urbanisation de la mondialisation et l'importance de l'écologie (la vraie, par les partis écolos) pour le futur de la planète.

« Nos rêves se réalisent mais ne sont que des bulles de savon explosant dans l'inéluctable ». P 97

J'ai beaucoup aimé ses réflexions sur la vie, le temps qui passe, la solitude, les autres (les plus proches sont à 5 heures à pied par exemple). Sa caisse de livres m'a plu car beaucoup de ceux-ci figurent dans mes lectures passées et à venir.

A noter quelques pages, (120 à 122) où il décortique « L'amant de Lady Chaterley » et oppose Lawrence à Gorki…

J'aurais bien aimé me lancer dans une telle aventure, mais il faut avoir la santé et la jeunesse pour survivre dans cet univers glacé, même si on s'enivre en le voyant absorber autant de vodka…

Ce livre, qui a reçu le prix Médicis Essai en 2011, est plein de poésie et m'a accompagnée comme une méditation car la façon de voir les choses, la vie de Sylvain Tesson me plaît beaucoup. Je le suis moins dans ses dérives alcoolisées qui ont eu entre autres le résultat qu'on sait, mais sa sensibilité me touche.

Un livre que je vais sûrement ouvrir et ré ouvrir car j'ai des annotations partout, beaucoup de phrases m'ont plu et je ne peux les citer toutes…

Je dirai au passage que j'ai beaucoup aimé le film de Safy Nebbou, qui est une adaptation libre, avec l'accord de l'auteur, avec ses paysages splendides et le jeu tout en finesse de Raphaël Personnaz et la musique magnifique d'Ibrahim Maalouf

http://www.allocine.fr/personne/fichepersonne-94238/interviews/?cmedia=19563403
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Je vais être certainement un peu dure, mais l'auteur de ce livre m'a fortement agacée. Je ne suis même pas honteuse d'avouer que je me suis arrêtée au mois de février (1er chapître).J'ai eu tout au long de cette lecture l'impression d'avoir rencontré un auteur dont l'égo est peut-être aussi grand que le lac Baïkal. Et alors toutes ces pensées "philosophique"...Mais qu'il y reste Monsieur Tesson au bord de son lac. Cela me fait penser à ces bobos citadins pour qui l'Homme des campagnes, le jardinier...est un philosophe qui s'ignore. J'aurais aimé qu'il se pose plus de questions, qu'il ne voit pas tout (bon ok j'ai pas tout lu) à travers le regard d'un romantique (un peu alcoolique). Et pourquoi chercher si loin l'essence d'une nature que l'on pourrait apprendre à découvrir à sa porte, au quotidien.
Sincèrement déçue, je conseillerais davantage le documentaire "Rencontres hors du temps" (et pourtant ô combien ancrée dans notre réalité) d'Eric Valli aux Editions de la Martinière.
Lien : http://www.babelio.com/livre..
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Dans les forêts de Sibérie est le récit d'un ermitage. C'est le carnet de bord d'un voyageur immobile. Après quelques folles pérégrinations sur les falaises maritimes, sur les crêtes des montagnes, dans les plaines slaves, ou bien sur le faitage des toitures vertigineuses, Sylvain Tesson décide de faire une pause de six mois au fin fond de la Sibérie, dans une cabane en bois, sur la rive occidentale du lac Baïkal. Ses voisins les plus proches sont à cinquante kilomètres. Tranquille, non ?
L'une des phrases que je préfère de ce livre est celle-ci : « La cabane est le lieu du pas de côté, le havre de vide où l'on n'est pas forcé de réagir à tout ». Loin du vacarme et de l'immédiateté de nos existences parfois vaines, constamment insatisfaites, ce pas de côté est un bain de jouvence.
Autant vous l'avouer tout de suite : j'ai trouvé ce livre magnifique. Je voudrais me dépêcher de vous donner mille raisons d'aimer ce récit, mais l'empressement ne convient pas ici. Alors, prenons juste le temps de poser par quelques touches furtives, des impressions ici et là, picorons ensemble ces instants précieux un peu comme le fait la mésange, dont l'auteur fit la rencontre éblouie lors de sa retraite de six mois.
Dans ce recours à la solitude, Sylvain Tesson emporte notamment des cigares et une cargaison de livres et de vodka. Avec ironie, il avouera que cette pause de six mois avait pour vertu de rattraper quelques lectures en retard. Amis lecteurs, maintenant vous savez ce qu'il faut faire pour alléger vos piles de livres qui ne cessent d'enfler à force de coups de coeur multiples...
Ce paysage géographique et intime étant posé, l'auteur nous invite sur la rive du temps, aux abords de « la virginité du monde » tel qu'il nous le dit, nous sommes prêts à y entrer avec lui, à nous déposséder de tout désir, car c'est ainsi que s'exprime l'invitation, c'est ainsi qu'est défini le contrat.
J'ai aimé cette façon qu'a Sylvain Tesson de poser ses valises au fond de cette cabane en bois, appréhender pour la première fois ce paysage immense autour de lui, perdu parmi les cèdres du Nord.
Mais l'immobilité permet aussi de poser le regard sur ce qu'on oublie de voir dans nos existences bruyantes.
Apprendre à s'asseoir devant une fenêtre, avec un thé fumant.
Apprivoiser une mésange.
Suivre dans la nuit la trajectoire de la lune.
Etre nu et courir dehors à -33°C.
Écrire des haïkus dans la neige, écriture éphémère disant la vie comme elle est, comme elle passe.
Vider des litres de vodka et puis pisser devant la nuit.
Oublier l'avenir.
Pleurer aussi, non pas de chagrin ni de tristesse, pleurer tout simplement devant l'immensité du monde, devant sa propre immensité, qui est là béante, brusquement, aux portes de cette cabane sibérienne.
Et puis habiter le silence. Habiter l'instant présent, ne plus se préoccuper de l'instant d'après, de demain, de l'avenir. L'immanence de l'instant devient un joyau précieux. Une jubilation.
Ce retrait provisoire n'est pas un enfermement mais au contraire une ouverture, un recours au bonheur, par un chemin différent de celui auquel nous sommes habitués. Ici ce n'est pas fuir, mais se retrouver tout simplement.
Dans sa cabane, derrière sa fenêtre ou bien dehors, marchant sur le lac gelé, les heures trépidantes défilent où l'oeil de l'auteur ne se lasse jamais du spectacle merveilleux qu'il découvre et contemple.
Il dit : « plus on connait les choses, plus elles deviennent belles ». Comme c'est vrai !
Nous sommes dans la virginité de l'instant et l'auteur, sans pourtant nous donner de leçons, nous apprend à la découvrir, à l'aimer, à ne pas s'en effrayer. Car cette virginité de l'instant peut faire peur à certains de nos contemporains...
Dans cet ermitage, les journées sont façonnées de pêche, de bûcheronnage, de longues marches dans les neiges silencieuses, de lecture, mais aussi de multiples gorgées de vodka, seul ou avec les quelques amis qui passent de temps en temps : Youri, Sergueï, Natasha...
Dans ce récit, j'ai aimé que Sylvain Tesson m'amène, le temps d'un livre, à poser mon regard sur l'autre rive. Celle qui m'attend peut-être à quelques portées de mains...
Puis, six mois plus tard, le soleil est de retour, les canards sauvages aussi. Après cela, il faut bien repartir vers les villes.
Mais peut-être que notre regard aura changé, ne serait-ce que sur nous-mêmes.
Continuer de s'asseoir devant une fenêtre, ici ou là, avec un thé brûlant ou une vodka, qu'importe.
Nous refermons le livre. Si la forêt sibérienne est désormais loin de nous, il y a peut-être une dune bretonne d'où contempler l'océan avec le même regard que nous propose Sylvain Tesson, même si ce n'est pas un ermitage de six mois, une façon de regarder vers l'horizon et en même temps si près au-dedans de nous-mêmes. Faire ce pas de côté...
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A lire au coin du feu. Le récit d'une retraite loin du monde, écrit avec sensibilité et d'humour. Une jolie découverte.
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Sylvain Tesson avait déjà vu cette cabane au bord du lac Baïkal en pleine pampa sibérienne, pardon taïga sibérienne. Il s'était promis d'y revenir avant ses quarante ans. C'est fait, il a trente-huit ans et il va passer six mois dans un isolement complet, dans un paysage sauvage et sublime où il fait -40°degrés en plein hiver et les seuls voisins sont des animaux pas vraiment domestiques. Il voulait du silence, ne plus répondre à son courrier, vivre nu, ne plus répondre à son téléphone et vivre comme Robinson. Elle est superbe la théorie du futur ermite, mais l'histoire est un peu différente.

Il arrive dans sa petite cabane de 9m2 avec ses provisions, des vivres, de la vodka et des dolipranes pour lutter contre les effets de la vodka, une petite centaine de livres et tout le nécessaire à sa survie. Il s'installe et commence la corvée qui revient le plus souvent : couper du bois en quantité suffisante pour se chauffer et s'alimenter. Il ne pense pas à chasser et pêcher puisqu'il a des provisions.

La Sibérie n'est pas si inhabitée que ça et les visites sont quand même assez nombreuses et quand la solitude est trop pesante Sylvain n'hésite pas à faire plusieurs jours de marche pour rendre une visite de courtoisie à ses plus proches voisins. Bref, il n'est pas si seul. Entre deux livres et une bouteille de vodka, il nous livre ses pensées sur cette vie hors norme.

J'avoue : j'ai beaucoup ri au fil de cette aventure. Imaginer Sylvain patiner sur le lac en guise de loisir était source de gaieté pour moi, mais il faut être honnête, j'ai ri car j'ai eu la même envie que Sylvain à un moment de ma vie et j'ai vécu dix-sept mois au fin fond de la pampa lozérienne avec des températures à -30° l'hiver, le vent glacial, le bois à couper, les alentours de la maison à déneiger. Je suis même certaine que j'avais moins de visites des voisins que Sylvain.

Vu que Sylvain Tesson a une vision de la vie aussi compliquée que la mienne je vais continuer à explorer son univers, sans la vodka.

J'ai adoré ce récit.
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Que l'écriture est belle ! et que de fulgurances ! de courtes phrases qui en quelques mots dépeignent toute la beauté de la nature.

Que de difficultés à terminer ce petit livre. J'ai été plus d'une fois exaspérée au point d'avoir envie de le balancer dans une poubelle ! Et puis non : il a de trop belles images. Complètement paradoxal mais j'en ai noté des citations !
Alors pourquoi ?
Dune part le prétexte de cet ouvrage : l'auteur accomplit un rêve courageux et ambitieux puisqu'il s'isole pendant six mois au plus profond d'une forêt russe, dans une petite cabane pour "jouer" à l'ermite.
Reste à savoir ce qu'en entend par courage : c'est celui de ceux qui recherchent la décharge d'adrénaline, qui repoussent leurs propres limites et y trouvent un grand plaisir. Quoique que là j'ai trouvé que ses escalades sont plutôt nécessitées par le besoin de faire passer ses excès de vodka.
D'autre part, peut-on parler d'ermite quand on ne consacre que quelques mois de sa vie à un relatif isolement ? Ce soi-disant ermitage ressemble plutôt à un défi qu'il s'est fixé à lui-même ; et je l'imagine fort bien à son retour à Paris rayer de sa liste des exploits à accomplir pour mieux s'en parer. Et il se passe peu de semaines sans visites, celles des russes mais aussi celles d'une certaine intelligentsia...
Là c'est l'autre caractéristique de la personnalité qui transparaît : le paraître, l'image, le narcissisme avec en contre-point un mépris pour "LA société" .
Quelle belle liste de lecture ! Au fil des pages, j'ai plus l'impression que les livres apportés lui servent à meubler sa cabane, à occuper les trop longues heures de solitude entre une course sportive dans la forêt pour éliminer les vapeurs de la vodka et pousser quelques soupirs sur son sort.
Mais qu'en retient-il de toutes ces lectures ? Ce qu'il en écrit dans son « journal d'ermitage » ressemble plus à la dissertation brillante d'un premier de classe et glisse sur lui sans pénétrer sa pensée, sans le remuer. Il disserte et empile les références. Une le touche, de mon humble point de vue, parce qu'il prend conscience qu'elle s'applique à lui :
« La mise en garde de Nietzsche m'a frappé : « Je l'ai vu de mes yeux : des natures douées, riches « portées à la liberté », « crevées par la lecture » dès trente ans [il a 38ans], devenues de simples allumettes, qu'il faut frotter pour qu'elles donnent des étincelles, des « pensées » ».

Il est un voyeur qui s'en tient à l'image des choses, des êtres. Sa femme le quitte mais se pose-t-il la question du pourquoi ? Il regarde sa peine comme si c'était un événement qui bouscule le calme de ses jours.

Oui, il a de belles phrases mais souvent d'une poèsie maniérée « Les heures sont de grandes filles blanches dressées dans le soleil pour me servir » : difficile de ne pas en rire .
Ou d'autres belles phrases à l'emporte-pièces comme sa réponse rachitique à cette question « Qu'est ce que la société ?» Les poncifs y ont leur place comme « Les Allemands et les Russes : les uns rêveraient de mettre le monde en ordre, les autres doivent subir le chaos pour exprimer leur génie. »
Bref, le ton sentencieux d'intellectuel parisien qui relaie le discours médiatique en croyant qu'il s'agit de sa propre réflexion. Comme ce qu'il rapporte de sa rencontre avec des jeunes de banlieue. Ce rend-t-il compte du mépris qui sous-tend ses paroles ?
Et derrière ce discours, la même cruelle indifférence que celle d'un enfant détruisant un nid de fourmis avant de s'en retourner dans le cocon de son foyer.
Comme il est compréhensible que la femme qu'il pense aimer, se lasse.

Son amour de la nature et des animaux ne manque pas de paradoxes : il est fier d'aller repêcher des papillons en train de se noyer dans le lac, pleurer sur le sort des mouches avalées par les ours, élans et animaux de la forêt en mal de nourriture et abandonner les chiots qu'il avait recueillis et qui l'avaient consolé.

Et pourtant que de richesse et de possibles chez cet écrivain ! Je suis virulente dans l'appréciation de cet ouvrage, parce que je n'ai pas le centième de ses dons et que j'espère d'autres textes qui seront plus aboutis et dans l'écriture et surtout dans la pensée.
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Mon histoire avec le roman de Sylvain Tesson est très personnelle. J'ai 45 ans, marié avec une famille nombreuse, un chien, des vacances à faire des trajets en voiture à travers toute la France. Une vie trépidante, à faire plein de choses dans tous les sens à 1000 à l'heure, et dans tout cela, pas une seconde pour lire. Pas un instant à soi même finalement, sauf peut être une heure de footing le dimanche.

Car depuis le bac français - où j'avais souffert sur la Princesse de Clèves, Manon Lescaut et les Mémoires d'Outre Tombe - je n'ai plus ouvert un seul livre, sauf peut être quelques enquêtes du Commissaire Maigret.

Un dimanche matin, alors que je devais faire seul un Bordeaux Paris en voiture, un ami qui me loge me dit « tiens, voici un CD audio » toi qui aimes les grands espaces, ça devrait te plaire.

Pour moi, les CD audios, c'était des choses pour les gens plutôt de la génération de mes parents. Mais qu'importe, après tout, puisque je suis seul dans la voiture.

Je lance l'engin. Et me voilà dans les préparatifs d'un long ermitage volontaire au bout du bout du monde : le lac Baikal, au fond de la Sibérie immense. Les préparatifs sont racontés minutieusement : pâtes, Tabasco (je ne suis pas sûr d'aimer cela), vodka, cigares, et surtout une bibliothèque idéale. Et on fait la liste. Une de ces listes de livres que l'on a jamais le temps de lire, et que l'on ne prend jamais. Mémoires de Casanova, etc…

L'auteur arrive dans sa cabane, et va affronter la solitude extrême du grand nord entre ses pâtes, sa vodka, ses cigares et la littérature.

Il ne se passe rien d'autre si ce n'est le récit de quelque laborieuse visite à des voisins ivrognes vivant à deux jours de marche de là. A la fin, l'auteur raconte que s'il avait pu avoir un chien, il serait probablement devenu fou.

Me voilà à Paris. le CD n'est pas terminé. Je viens de passer six heures en voiture, et j'ai l'impression de n'être là que depuis une petite demi heure.

Alors je fais trois tours de périphérique pour finir ce livre audio.

C'est là que quelque chose s'est passé en moi de profond. Une révolution. Une renaissance.

Cela aurait pu être un autre livre. Mais ça a été celui là.

Merci



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De tous les livres de Sylvain Tesson que j'ai pu lire, celui-là est mon préféré.
L'aventurier écrivain s'est isolé dans une cabane au bord du lac Baïkal pendant six mois. Il a vécu au rythme des saisons et de ce que lui offrait la nature.
Il nous livre un journal de bord de ce temps suspendu en pleine nature, et il y mêle ses réflexions politico-philosophiques à son observation de la nature. La solitude accompagne ces longues journées entrecoupées par les visites des autochtones avec qui il descend moult litres de vodka.
J'ai été impressionnée par ce désir profond de l'auteur à vivre coupé du monde et dans des conditions extrêmes. Cela donne le frisson

Entre les passages empreints de poésie, pointent les réflexions écologiques. Bon, on peut se poser les mêmes questions en s'isolant dans la campagne française, mais ce n'est plus vraiment de l'aventure… et c'est bien cette vie aventureuse au bout du monde dans des conditions extrêmes qui attire notre écrivain baroudeur et on l'aime pour ça.
Une belle leçon d'humanité et un dépaysement garanti
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