C'est la première fois que je lis un roman de
Jean Teulé, découvert grâce à des critiques sur Babelio, toutes élogieuses et je comprends pourquoi. Dans les
Longues peines, l'auteur évoque la vie carcérale à travers des entretiens avec des gardiens de prison, ce qui apporte au récit une tonalité journalistique mais pas que. Quand l'auteur n'échange pas avec Benoît et Agnès, les « matons », ,il nous fait le récit des histoires des prisonniers, de la noirceur des journées qui se succèdent, « Encore une qui commence, encore une qui finit, encore une qui, encore une… ».
Rien de bien nouveau : misère psychologique et affective, violences, délits sordides, déviances, etc. Ici, les fonctionnaires pénitentiaires sont tout aussi en souffrance que les détenus, pris entre aversion et compassion pour les êtres qu'ils côtoient au quotidien. Ce qui fait la force de ce petit livre c'est que se dégage une certaine poésie, tant dans le style que dans les personnages. Nous suivons avec émotion l'entrée en carrière douloureuse de Cyril Cambusat qui n'est pas vraiment taillé pour travailler dans ce milieu, trop tendre, trop immature. le directeur de la maison d'arrêt et sa femme Mathilde offrent aussi de jolis passages de tendresse désespérée – elle, en mal d'enfants qui tricote des bonnet et écharpe couleur layette que lui porte parce qu'il l'aime et qu'il accompagne son lent naufrage psychique. Aucune de ces histoires ne finit bien, aucun espoir que la sortie, si elle est possible pour certains, ne rime avec renouveau, tout est trop abimé : Corinne, Rose, Biche – tous sont définitivement marqués par le drame et la prison n'offre aucune rédemption. Pour
Teulé, « La prison tape sur le système. Elle est stressante, inquiétante et déstructurante, ne facilite donc en rien l'émergence de la vie. Des colombes âgées, franchissant le mur d'enceinte, s'y attrapaient des crises cardiaques. Leur vol n'avait plus alors de loi divine, sinon celle des cailloux qui tombent. Il neigeait des colombes sur des chiens durcis qu'on retrouvait les pattes en l'air ». Tout est dit… C'est court mais dense, bien écrit, j'ai beaucoup aimé.