Amour et diplomatie ne font pas bon ménage.
Chantal Thomas nous avait déjà charmés avec ses Adieux à la reine qui évoquait les dernières heures de Versailles au moment de la Révolution. Elle nous revient avec un nouveau roman historique.
Nous sommes en 1721, ce livre raconte l'idée qu'a eue Philippe d'Orléans, le Régent, pour asseoir son pouvoir et mettre fin à treize années de guerre : il propose à Philippe V non seulement que la petite infante Anna Maria Victoria, quatre ans, épouse son cousin germain Louis XV, onze ans, et devienne ainsi la reine de France, mais aussi que sa fille, Louise-Elisabeth, Mlle de Montpensier, douze ans, épouse don Luis, prince des Asturies, quinze ans, et devienne ainsi la reine d'Espagne. Les quatre enfants sont l'objet de tractations politiques pour qui leur âge ne compte pas « Mais qui, à cette époque, a une enfance à revendiquer ? Certainement pas les enfants du peuple mis au travail dès qu'ils peuvent se tenir debout ! Mais les enfants de rois bénéficient-ils, en plus du luxe où ils grandissent, de ce don d'un temps d'avant les soucis et les responsabilités de l'âge adulte ? »
Saint-Simon, qui lorgne sur le titre de grand d'Espagne, part pour Madrid afin de faire signer le double contrat.
L'échange des princesses, pour lesquelles l'exil sera un royaume, se déroule en grande pompe, le 9 janvier 1722, dans un pavillon dressé sur un îlot de la Bidassoa, là-même où s'étaient rejoints soixante ans auparavant
Louis XIV et l'infante
Marie-Thérèse.
Pour l'infante espagnole, la France est plutôt plaisante, Louis XV avenant et avec la princesse la Palatine, elle se trouve une grand-mère de substitution idéale. Cependant, Louis XV lui préférera d'abord ses jeunes favoris puis Marie Leszczynska.
Pour Mlle de Montpensier, l'Espagne est un cauchemar. Dès son arrivée, elle doit assister à des autodafés au cours desquels les hérétiques sont brûlés vifs et sa nouvelle famille est fort antipathique avec elle. Alors, la Française, impopulaire et surnommée «la Goitreuse», se révolte et à la mort de don Luis, deux ans plus tard, elle hurle de joie.
Rien ne se passe donc comme prévu... Si bien qu'au mois de mai 1725, sur la Bidassoa, a lieu un nouvel échange de princesses, mais cette fois en sens inverse.
Il y a dans l'écriture de
Chantal Thomas, même et peut-être surtout dans les passages les plus sordides, une petite musique de la langue, recherchée et raffinée sans être maniérée. de plus, elle a enrichi son roman d'authentiques documents dont certains inédits. Chaque description, chaque dialogue rapporté semble si réel que le lecteur a l'impression de vivre au coeur de ces cours d'Espagne et de France.