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EAN : 9782021343151
224 pages
Seuil (17/08/2017)
3.57/5   283 notes
Résumé :
Nager. Nager pour fuir les contraintes, pour échapper aux vies imposées, aux destins réduits, aux disciplines. C’est ce qu’a sans doute ressenti Jackie toute sa vie, démarrée en 1919 et prolongée pendant presque un siècle dans une liberté secrète, obstinée, qui la fit jusqu’à la fin parcourir des kilomètres pour aller se baigner sur sa plage préférée, à Villefranche-sur-Mer. Entre-temps elle s’était mariée, avait quitté Lyon pour Arcachon, puis, devenue jeune veuve,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (66) Voir plus Ajouter une critique
3,57

sur 283 notes
Un livre écrit tout en pudeur et délicatesse. Les « Souvenirs de la marée basse » sont ceux de toute une vie. Chantal Thomas les égrène dans une « musique d'écriture » douce, joyeuse et sautillante. C'est une ode à la mère et à la mer. Pas facile pour Chantal d'être la fille de Jackie, cette femme oublieuse, cette femme-enfant qui souffre de vivre une vie normale et dont elle refuse toutes les contraintes ; cette mère si peu maternel dont le seul désir est de nager, toujours nager avec entêtement et grâce son crawl dans la mer bleue et limpide. Il faudra longtemps à Chantal pour comprendre ce que cette mère fantasque lui a transmise d'essentiel : « l'énergie d'un sillage qui s'inscrit dans l'instant ». Ce livre, c'est aussi une ode à la jeunesse, quand Chantal était une enfant de la mer ; quand elle bâtissait des murailles de sable qui allaient forcément retenir l'avancée inexorable de l'eau ; c'est avec la petite Lucile – Lucile la conteuse – la découverte du monde magique et plein de fureur du Maître des Dunes et de la Princesse du Palais des Mers ; ce sont des étés emplis de rires, d'insouciance et de gambades… C'est raconté avec tellement d'humour et de nostalgie que je n'ai pas pu m'empêcher de me souvenir de mes propres vacances et de mes combats héroïques contre les vagues qui venaient lécher mes châteaux de sable… « Souvenirs de la marée basse » : un vrai bonheur, un vrai plaisir de lecture. Une grande découverte aussi ! celle de l'écrivaine Chantal Thomas.
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Nager ? J'ai jamais su. Même encore maintenant. Après des centaines de kilomètres lorsque je dois me mettre à l'eau me revient sans cesse cette question : Est-ce que cette fois-ci encore je vais savoir nager. Est-ce que je vais flotter ? Suis-je capable d'avancer ?
Lorsque que l'on a été gros ou fumeur, même après un régime ou arrêté de fumer on a toujours cette ancienne étiquette qui vous colle à la peau comme une marque de fabrique. Moi c'est la natation … en plus des deux autres.
J'ai appris, seul, à quarante-deux ans, ne sachant trop quoi faire de mes pauses déjeuner à cinquante bornes de chez moi. A dix ans j'ai failli me noyer, à vingt aussi. Et pour tordre le cou de mes appréhensions je me suis mis au triathlon à l'âge de quarante-sept ans.
Le premier était dans le lac de Poses : 750 mètres de barbotage.
- Vous voyez la bouée au milieu du lac ? Vous la contournez par la droite et vous revenez. Pu…rée c'est loin. Tout le monde est affublé de combine de natation dernier cri, nous sommes deux ou trois en maillot de bain à se les peler grave. Température de l'eau : 18 ° C. La sirène retentit et d'un seul élan les trois cent triathlètes s'élancent comme un seul homme dans des cris de vivats de la foule massée le long des berges. Y en a qu'un qui est resté sur la plage, pénétrant doucement dans l'eau, se mouillant le ventre, la nuque, les bras. Je me jette enfin ignorant les quolibets dans mon dos, les premiers ont déjà parcouru plus d'une centaine de mètres dans un crawl impeccable d'où aucune éclaboussure ne jaillit. Les derniers sont à cinquante mètres devant moi, les algues tentent de me retenir, habitué à la piscine j'ai l'impression qu'à tout instant je vais me noyer.
Il en faut des longueurs pour que le plaisir intense de la natation se manifeste. Mais alors quelle liberté de nager, quel plaisir ! Surtout le soir quand tous vos muscles vous remercient de les avoir laisser se défouler. Inimaginable !
Chantal Thomas l'a compris très vite grâce à sa maman qui ne pouvait concevoir la vie sans cette activité. C'est leurs vies qu'elle nous raconte dans ce livre et il fait du bien en plus de vous faire remonter nombre de souvenirs.
Je vous ai raconté la fois ou je me suis lancé dans un Ironman ? Allez ça sera pour une prochaine.
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Chantal Thomas entre deux mers, entre deux âges. Dans la première partie "Le temps d'Arcachon", océanique, est celui de son enfance et puis vient l'âge adulte qui la propulse vers "D'autres rivages" (méditerranéens et d'outre atlantique) où elle emmène aussi le lecteur dans un deuxième temps. Ce sont d'abord les tentes en toile rayée parallèles à l'océan et les « parfums mêlés d'iode et de varech, de résine et d'aiguilles de pins », qui tracent sur les bords du Bassin d'Arcachon les contours de la géographie et de la généalogie familiale de l'auteure. S'y dessinent précisément les figures de ses parents (Jackie et Armand) et celles de ses grands-parents maternels (Eugénie et Félix). Souvenirs rapportés ou vécus de "hauts faits" familiaux (plongée de Jackie dans le Grand Canal à Versailles), d'adresses et de maisons successives et d'une valise transformée en berceau. Souvenirs précoces aussi d'immensités sableuses où Chantal apprend à ramper ; de plages et de vacances – maillots, serviettes et « bonnet-marguerite » – de complicités enfantines près d'une jetée rouillée, de frontières invisibles entre les saisons dans une ville qui revendique de les faire vivre toutes quatre ensemble et par quartiers bien spécifiques. Habiter en bordure de la ville d'hiver et lorgner les estivants pendant l'été. Nager. Librement surtout, avant même de pratiquer les mouvements réglementaires. Courir à marée basse plage de la pêcherie, repérer les baïnes, s'éclabousser en entrant dans l'eau, grelotter, « La gaieté vient de la mer […] On saute, on plonge, on batifole, on se roule dans l'écume du rire » et c'est déjà l'été prochain. En courts instantanés d'Atlantique, riches d'images suggérées et de sensations légères, Chantal Thomas écrit son enfance dans l'immédiateté d'une collection d'instants précieux qu'on jurerait intacts, sur fond d'humeurs et d'obsessions sportives maternelles – les rituels de crawl de Jackie chronométrés par le bienveillant grand-père, Félix. de son père Chantal a hérité des silences, avant sa disparition prématurée, « le dernier été ». Ces pages d'enfance inscrites et restituées dans la lumière changeante d'horizons marins à perte de vue semblent l'avoir toujours accompagnée longtemps après les avoir tournées et qu'elle ait rejoint les rives de la méditerranée évoquées dans la deuxième partie. le recul de l'adolescente plus grave puis de l'adulte se fait alors sentir … Nager, flotter, se laisser porter : cet art du lâcher prise et de l'abandon que lui a offert l'océan à l'âge des commencements et qui prend à contre pied la passion chronométrée de sa mère, Chantal Thomas le fait superbement partager.
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C'était fin août, à la radio ou à la télé, je ne sais plus, à l'occasion de la rentrée littéraire, une anecdote à propos de ce livre a retenu toute mon attention : la mère de Chantal Thomas, adolescente, s'était baignée dans le Grand Canal du château de Versailles. Dire que cette expérience m'a parlé est un bel euphémisme : non que je me sois jetée tête la première dans un plan d'eau royal mais figurez-vous que des châteaux de la région parisienne, j'en ai visité un paquet ! Mon père adorait ça et l'été, sous un soleil écrasant et des températures caniculaires, nous arpentions régulièrement les allées éblouissantes de Vaux-le-vicomte, les contre-allées aveuglantes de Fontainebleau ou de Courances. Si vous saviez combien de fois j'ai envié les canards qui batifolaient tranquillement dans l'eau fraîche des bassins. J'aurais donné une fortune pour m'allonger dans leur flotte verdâtre et fangeuse ! Cela a pour nom l'appel de l'eau et j'y suis ultra sensible. Impossible de résister. J'aurais deux trois anecdotes à peine avouables à vous raconter à ce sujet ! Ma capacité à me plonger dans l'eau si j'ai trop chaud n'a aucune limite : ni celle de la pudeur, ni celle de la loi ou d'un quelconque interdit. Je ne résiste pas, où que je sois… D'ailleurs, si le souvenir de certaines visites a pu se perdre en chemin, je n'ai jamais oublié mes bains et je pourrais vous citer une longue liste de lieux où j'ai aimé nager.
Bref, je savais que ce livre me parlerait et ce fut le cas !
Par où commencer ?
Peut-être par l'épisode de la mère évoluant dans l'eau du Grand Canal, sous l'oeil ahuri des fantômes du passé, faisant une espèce de pied de nez à L Histoire : mythique, magique, magnifique…
Le reste l'est tout autant... La première page par exemple où l'auteur raconte un bain sous la pluie en Méditerranée. Elle repense à sa mère et comprend soudain ce qu'elle lui a transmis : « l'énergie d'un sillage qui s'inscrit dans l'instant, la beauté d'un chemin d'oubli... », quelque chose qui n'appartient ni à L Histoire ni à la durée mais plutôt qui est hors du temps, lié au plaisir immédiat, à la sensualité, au bonheur tout simplement. Vivre dans le présent. C'est toute une philosophie tout ça, non ?
Ce livre sur la mer, sur les plages et les rivages, parle d'une mère, celle de l'auteur. Une mère fantasque avec laquelle pendant longtemps Chantal Thomas a le vague sentiment de n'avoir pas beaucoup de points communs. Pas une étrangère, non, quelqu'un de différent qu'on regarde un peu avec étonnement, curiosité. « Ma mère est une enfant à part. » confie l'auteur. Une mère qui n'a pas toujours joué complètement son rôle tellement elle était tournée vers l'ailleurs, l'extérieur, la mer, l'horizon. « De même que Colette écrit de Sido, sa mère, qu'elle a deux visages : son visage de maison, triste, et son visage de jardin, radieux, ma mère a deux visages : son visage de maison, obscur, et son visage de natation, lumineux. » D'ailleurs, Chantal Thomas, dans une interview, explique qu'elle a eu l'idée d'écrire ce livre en lisant le Journal de deuil de Roland Barthes. Ce dernier, après le décès de sa mère dont il était très proche, s'est trouvé plongé dans une telle détresse qu'il a tout fait pour que rien ne change dans la maison. Aucun objet ne devait être déplacé. Sa mère était une femme d'intérieur et Roland Barthes avait toujours vécu dans ce petit univers rassurant et protecteur. La mère de Chantal Thomas, elle, était une femme d'extérieur : elle aimait nager, vivre cette liberté absolue, ce plaisir total de s'abandonner à la sensualité quoi qu'il arrive, dans une communion totale avec les éléments. Car nager, c'est s'alléger : de son propre poids, de celui de ses vêtements et peut-être même de ses soucis.
Longtemps, les femmes n'ont pas appris à nager, on les préférait engoncées, immobiles, tenues. Avait-on peur qu'elles s'enfuient vers d'autres rivages ? « Il faut dire que la nageuse… est un phénomène neuf et d'exception dans une histoire de l'humanité qui revient pour les femmes à une histoire de leur immobilisation, de leur identification imposée à des êtres de pudeur et de faiblesse, des créatures maladives qui ne peuvent que demeurer sur le rivage, empaquetées de jupons, de robes et de châles, protégées du vent et du soleil. »
Nager c'est s'émanciper, s'éloigner, s'ouvrir au monde, se lâcher, s'abandonner, offrir son corps nu au plaisir… Encore une fois, finalement, c'est tout un art, une philosophie !
La transmission de la mère à la fille ne s'est peut-être pas faite par des mots, des phrases, des réflexions théoriques mais par des gestes, ceux d'un crawl parfait qui fend gracieusement l'espace de l'océan, propulsant le corps de la nageuse vers un horizon illimité, une liberté infinie qui invite à profiter de ce qui ne dure pas, à jouir de l'instant.
Vers la fin de l'oeuvre, les pages où l'auteur évoque sa mère vieillissante et sa prise de conscience soudaine de ce qui les lie sont magnifiques et bouleversantes.
Chantal Thomas évoque une enfance à Arcachon avec parents et grands-parents où elle est bien persuadée de vivre dans le plus bel endroit du monde. La plage ? Un espace de lumière, d'eau et de sable où la mère et la fille tissent des liens, plus qu'ailleurs peut-être… C'est aussi le lieu du jeu, de l'observation, de l'invention, de l'expérimentation que l'on partage avec des camarades d'un jour ou d'un été… Merveilleuses pages qui racontent les journées de l'enfance…
J'ai tellement eu envie de découvrir ces lieux magiques si bien décrits dans ce livre que j'ai réservé une maison pour les vacances de printemps, à Arcachon, la ville des quatre saisons…. J'ai noté sur un petit carnet le nom des rues et des plages que mentionne Chantal Thomas, sans oublier l'île aux oiseaux, où nous irons peut-être. Ce n'est pas la première fois que je traîne tout mon petit monde sur les traces de maisons ou de chemins qui parfois n'ont jamais existé sinon dans l'imagination de leurs auteurs. Je me suis promis aussi - mais ça, c'est pour plus tard - d'aller nager en Méditerranée, au Cap Martin. Ce n'est pas tout près, il me faudra traverser la France mais pour me baigner « là où la mer est translucide, du bleu liquide d'une pierre précieuse », je serais capable de tout.
L'appel de l'eau n'a ni limites ni frontières…
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Chantal Thomas délaisse pour un temps les princesses et reines de France pour rendre hommage à Jackie, sa mère, qui n'avait pour seule obsession que nager.
Nager sans cesse, dans la mer, dans l'océan, dans les lacs.
Lorsqu'elle plonge dans le Grand Canal du Château de Versailles, elle nage lentement, gracieusement, passionnément comme si inconsciemment, elle voulait venger toutes les femmes qui dans les siècles passés ne nageaient pas :
« Des femmes bien nées, bien élevées, ne nagent pas ! cela supposerait en plus un déshabillage compliqué, d'une lenteur impossible. Nager ! L'idée seule ! Quelle folie ! »
Chantal Thomas était fascinée par cette Jackie, sa mère.
Le récit ouvre les portes aux souvenirs d'enfance chez les grands-parents à Arcachon, aux alternances de foules estivales et de plages désertes, de bruit et de silence.
L'auteure parsème son récit de quelques anecdotes historiques, géographiques et culturelles ce qui en fait un attrait supplémentaire.
Chantal Thomas signe un bel hommage à cette naïade tant aimée.
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critiques presse (9)
Telerama
31 août 2018
Chantal Thomas fait revivre, sur les plages de son enfance, une mère secrète qui lui a légué la passion des bains de mer, le goût de s'abandonner à la volupté de la nage.
Lire la critique sur le site : Telerama
Bibliobs
18 septembre 2017
Dans “Souvenirs de la marée basse”, la romancière des “Adieux à la reine” évoque sa mère, qui ne respirait qu'en nageant.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LeFigaro
15 septembre 2017
Chantal Thomas dresse un portrait tendre de sa mère qui lui a transmis l'amour de l'océan.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LaPresse
12 septembre 2017
Bien que qualifié de roman, Souvenirs de la marée basse de Chantal Thomas, prix Femina 2002 pour Les adieux à la reine, pourrait se ranger dans la liste des beaux essais de l'auteure, comme Chemins de sable, Cafés de la mémoire ou Comment supporter sa liberté.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Lexpress
11 septembre 2017
Les souvenirs de l'auteure nous emportent dans leur courant pour mieux nous laisser doucement découvrir l'image d'une femme, celle de sa mère. Un roman qui complète une oeuvre d'une beauté rare.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LeMonde
11 septembre 2017
Dans « Souvenirs de la marée basse », l’écrivaine évoque sa mère à travers leur commune passion pour la nage.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Lexpress
11 septembre 2017
La nage transcende Chantal Thomas. "J'aime l'eau d'amour", écrit-elle dans les sublimes pages de Souvenirs de la marée basse.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LaLibreBelgique
01 septembre 2017
Si c’est en tant que "roman" que paraît "Souvenirs de la marée basse", ce texte est pourtant (auto)biographique : Chantal Thomas, dont la plume est de poète, y évoque son enfance et y ressuscite sa mère, Jackie, dont elle a hérité de la "liberté secrète, obstinée".
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Telerama
16 août 2017
Chantal Thomas fait revivre, sur les plages de son enfance, une mère secrète qui lui a légué la passion des bains de mer, le goût de s'abandonner à la volupté de la nage.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (93) Voir plus Ajouter une citation
C'est toute une histoire pour les adultes, surtout pour les femmes, d'entrer dans l'eau (certaines passent plus de temps à y entrer qu'à se baigner). Elles pourraient rétorquer que la difficulté avec nous, les enfants, est que nous sortions de l'eau. En réalité, ça n'a rien à voir. Nous faisons traîner, nous supplions - encore cinq minutes, trois minutes, une minute ! - mais c'est pour faire durer le plaisir. A force d'appels répétés de la part des parents, de supplications inutiles de notre part, nous finissons par nous y résoudre. Quelquefois nous avons tant tardé que nous tremblons et claquons des dents. Nous avons le bout des doigts fripés. Et malgré frictions, maillot sec, chemise et pull-over, rien ne nous réchauffe. Peu importe. Si c'était possible, nous retournerions à l'eau, grelottants et refroidis comme nous sommes et nous reprendrions nos jeux. Les parents viendraient nous repêcher tout bleu, et ceux qui auraient encore la force de s'exprimer balbutieraient que non, ils ne veulent pas sortir de l'eau. Que surtout on ne les bassine plus avec cette promesse supposée calmer notre fanatisme de l'eau, surtout qu'ils n'entendent plus cette fadaise : " Vous reviendrez demain ".
Demain n'existe pas.
Enfants bleus de froid, nous voulons la morsure cruelle du présent.
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Ce matin, après deux mois de sécheresse ininterrompue, je me suis réveillée sous des nuages noirs. Je n'ai pas eu besoin de sortir pour le constater. De mon lit, je pouvais apercevoir, dans un éclairage étrangement terne, les palmiers agités par le vent, le vert brillant de leurs palmes assombri de gris. J'avais dormi longtemps, sans les interruptions que produit la montée de la clarté, le miracle quotidien d'un retour du jour salué par les cris des mouettes et les longs roucoulements des colombes. ici, à Nice, pendant les mois d'été, je me réveille en plusieurs phases. Non que je sois poussé par l'anxiété ; au contraire, une impatience de lumière, de nuances dans la lumière, me rend le sommeil fragile. Ainsi se distingue, bien avant que le jour atteigne au plein soleil, une blancheur verdâtre qui va se teinter de rose, pour enfin - et c'est ce qui me réveille complètement - s'épanouir dans le pur éclat d'une transparence dorée.
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Je suis née d'impulsions sportives et de la convoitise de corps parfaits. Je suis née de parents qui s'étaient rencontrés à quinze ans et que la séparation de la guerre n'a pas fait mûrir à la même vitesse. Ou plutôt lui seul a vieilli. Quand, un soir de janvier 1945, il attendait Jackie sur le quai de la gare de Perrache, dans les gravats recouverts de neige, sous l'arche fendue et la grande horloge désaxée, il ne se rappelait plus l'adolescent qu'il avait été, tandis que la gamine pétulante, en bottines rouges à semelles de bois et chaussettes de laine qui lui sautait au cou, n'avait guère changé.
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Je me tiens en haut d'une dune Au-dessous de moi : la mer, verte, extraordinairement claire, transparente, une eau d'huitre. Des zones d'un vert plus soutenu et qui forment comme des ombres aux formes changeantes correspondent aux différences de répartition du sable au fond du Bassin, à ses vagues. Cette eau magnifique, irrésistible, m'apparaît à travers les silhouettes noires, légèrement torses ou courbes, de pins. C'est un paysage très large. J'ai l'impression que tout - la mer verte, la hauteur de la dune, les pins - est plus grand que nature. Une image parfaitement frontale. Une image qui me dit : Voici ce que tu as devant les yeux.
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Nous n'avons pas vu les jours passer. C'est ainsi qu'un soir de septembre, alors que la plage est depuis longtemps désertée des enfants estivants, ce que nous avons à peine remarqué, nos mères échangent quelques phrases et concluent : "Allez, dites-vous au revoir, à l'été prochain ! "
La grande dune nous tombe dessus, les jetées s'effondrent, le Bassin se vide, les crabes se carapatent, les méduses sont pétrifiées, les huîtres s'égosillent et les mouettes se taisent - et nos mères sont changées en pisse-vinaigre. Allons, redisent-elles comme si de rien n'était, dépêchez-vous, il est temps. Nous nous embrassons dans un frôlement. Nous répétons d'une voix morte : Au revoir, à l'été prochain, et nous partons chacune dans la direction voulue par nos mères. Nous ne nous retournons pas. Il peut faire grand soleil ou ciel bas, ça ne change rien. En même temps qu'a été décrété la cessation de la saison s'est cassé le lien magique qui nous liait aux éléments. Nous n'obéissons plus au vent, nous ne nageons plus dans le sens du courant, la princesse ne donne plus de ses nouvelles.
(p. 126)

A l'été prochain !
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« Café Vivre » , de Chantal Thomas, c'est aux éditions du Seuil.
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