Walden est une invitation tout simplement à vivre. Mais à vivre vraiment. Il ne s'agit pas de toutes ces petites folies du quotidien, ces commérages, ce travail acharné, ou encore ces désirs insatiables, et ce même credo consommer et consommer.
Ce superflu trouble le fleuve pur de nos existences, il se brouille, tout est orage et tumultes. Notre temps est mal employé, employé qu'il est au superflu. Dès lors, pourquoi ne pas employer notre temps « à battre sur l'enclume nos existences pour les rendre meilleures » ? Notre auteur appelle à une réforme morale. Chaque jour doit être une aube perpétuelle, source de création et de renouvellement. « le matin, c'est quand je suis réveillé et qu'en moi il est une aube. » Quand donc nous réveillerons-nous ? Pourquoi cette routine ? Thoreau constate chez ses concitoyens une vie appauvrie spirituellement : « Nous sommes encore forcés découper notre pain spirituel en tranches beaucoup plus minces que ne faisaient nos ancêtres le pain de froment ». Combien alors la nourriture spirituelle est-elle fine.
L'invitation de Walden est claire : Enlevons ce superflu. « Simplicité, simplicité ! » s'écrit-il. Nous y découvrirons sous cette enveloppe, une profondeur. Walden est cette expérience du retour à l'essentiel et à la « substantielle moelle » de l'existence. « Je ne voulais pas vivre ce qui n'était pas la vie » (p.127) affirme son auteur.
La philosophie est avant tout une praxis selon Thoreau. Ce n'est pas la philosophie universitaire. Il renoue avec les philosophies antiques. En somme, la philosophie se vit.
Thoreau décide, par conséquent, d'aller vivre deux ans dans une cabane, construite par lui-même. Il y découvre dans cette vie simple et belle, une tranquillité, une harmonie. Il vit au rythme de la nature, cultive des haricots, partage sa cabane avec ses « invités ». Il respire enfin. En effet, nous ne sommes plus en contact avec l'air, le ciel, nous sommes coupés de nos racines. de même, encore aujourd'hui, nous respirons peu l'air. Les métros, les voitures, autant de bulles qui nous coupent de la symphonie du monde. Thoreau trouve dommage que l'agriculture n'est pensée qu'en terme de rendement et de rapidité. Autrefois, affirme-t-il l'agriculture était un art sacré. Les hommes en faisaient des fêtes, et des cérémonies ponctuées de rites. Ouvrons les yeux, l'homme a besoin de la nature. Source de poésie, de tranquillité, de méditations, n'oublions pas qu'elle fut d'abord notre premier livre.
Thoreau privilégie une relation authentique, intime et personnelle avec la nature. Les oiseaux y sont comme invités, les animaux vont et viennent. Détrompons nous, il n'est pas naïf, il observe aussi des adversités. L
es saisons filent, et Thoreau en voit toutes leurs nuances, leurs beautés, leurs secrets. Tout marque la présence du divin. le divin est immanent.
Finissons sur une idée importante du livre : La pureté du lac de Walden qui charme son habitant ou visiteur. Thoreau y voit ses nuances, ses couleurs, sa démarche. Cette eau transparente est paisible et l'homme s'y laisse mener. Dans cette communion, la nature s'unit à l'homme.
p.250 : « Un lac est le trait le plus beau et le plus expressif du paysage. C'est l'oeil de la terre, où le spectateur, en y plongeant le sien, sonde la profondeur de sa propre nature. Les arbres fluviatiles voisins de la rive sont les cils délicats qui le frangent, et les collines et rochers boisés qui l'entourent , le sourcil qui le surplombe. »
Ce lac est pur et devrait le rester : «l'eau baigne la rive comme elle faisait il y a mille ans ». Thoreau critique l'anthropisation croissante. L'homme touche de plus en plus aux endroits vierges. Là où demeure ce qui est de plus sacré.
Finissons par ces belles lignes de Thoreau qui peuvent peindre ce charme : « C'est un miroir que nulle pierre ne peut fêler, dont le vif-argent ne se dissipera, dont sans cesse la Nature ravive le doré ; ni orages, ni poussière, ne sauraient ternir sa surface toujours fraîche [...].
Ne laissez pas, vous aussi, fêler ce miroir qui est votre vie intérieure ; cherchez la beauté, la simplicité et la joie authentique d'exister.