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sur 1039 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
" La richesse superflue ne peut acheter que des choses superflues. Il n'est besoin d'argent pour satisfaire les besoins vitaux de l'âme."
Henry David Thoreau figure emblématique de la philosophie américaine fait son grand retour dans les maisons d'éditions. Même Michel Onfray y va de sa plume pour nous faire découvrir " Thoreau le sauvage".
" Walden" est une expérience que fit le philosophe; pendant deux ans il vécu dans une cabane près de l'étang de Walden. Vivant chichement du produit de son travail Thoreau nous fait part de ses réflexions sur la richesse, le superflue qui inondent sa société du milieu du 19ème siècle
Ecologiste avant l'heure, marcheur insatiable il étudia la faune et la flore de la nouvelle Angleterre. L'auteur de " la désobéissance civile" était un homme intègre et méfiant envers ces congénères. Dans son oraison funèbre Ralph Waldo Emerso rend un bel hommage à son ami , luttant contre l'esclavagisme un homme atypique qui fit des émules comme Gandhi ou Martin Luther King.
Que dirait Thoreau de notre société consumériste ?
Un livre intéressant avec parfois quelques longueurs, on peut lui pardonner.
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Un beau récit d'un auteur culte de la littérature américaine. J'ai passé un bon moment à Walden, l'étang près duquel Henry David Thoreau construisit sa cabane, pour deux ans durant, se contenter d'une vie simple en harmonie avec la nature. Un écologiste avant l'heure, qui au cours de son existence privilégiera la proximité avec elle plutôt que de trop côtoyer la comédie humaine ; le plaisir infini de fouler l'herbe du champs d'à côté, de la promenade dans les bois ou du concert des oiseaux du Massachusetts plutôt que l'ambition, la réussite et les faux-semblants de la société.
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C'est au printemps de l'an de grâce 1845 que je me retrouve, ici, seul dans les bois, à Concord, Massachussetts. Un lieu parlant pour tout amateur de littérature américaine. Une cabane en bois, construite de ses propres mains, au bord de l'étang de Walden. D'abord, la hache, je la pose à mes pieds. Il me faut en premier lieu comprendre le lieu. Regarder le soleil, regarder la lune bleue, sentir le vent et ses fragrances cheminées afin de définir les délimitations de son petit lopin sur lequel terrasser sa nouvelle vie. Maintenant, je prends ma hache, relève les manches de ma chemise à carreaux, en mode bucheron même en c'temps-là, et commence à couper quelques arbres. Mais avant, je sens son écorce, je caresse sa mousse, je parle à sa sève, pour demander poliment si je peux l'abattre, son cycle est ainsi fait, dans le respect des bonnes manières, vous avez-dit une bière ? Au bout d'une heure, et d'un soleil brillant, le corps en sueur, j'enlève ma chemise, attention les filles, ne vous évanouissez pas tout de suite vous n'avez pas fini de me lire, afin de continuer mon dur labeur. Car de tout temps, tout labeur se fait dans la difficulté et la sueur.

Maintenant que j'ai assemblé ensemble mes rondins, mis un toit et fini ma pièce qui servira, de chambre, de cuisine, de bar et de bibliothèque, je me rends compte que j'ai oublié les chiottes. Tant pis, j'irai pisser contre un arbre, la nature, et me laverai directement dans l'étang au milieu des poissons qui fourniront également un peu de mon diner, de temps en temps. Pécher, cueillir, chasser et semer. Je prépare, la saison s'y prêtant, à faire pousser quelques haricots et plans de maïs. C'est aussi ça la nature, apprendre à recevoir ce qu'elle veut vous donner, en échange d'un soin particulier à travailler la terre, à y mélanger son compost naturel et sa sueur. Et ainsi, je pourrais aller en ville, échanger quelques barquettes de mûres cueillies de ci de là, contre un bon vieux whisky, le temps de distiller le mien. C'est l'économie de marché. J'installerais même trois chaises et peut-être voudras-tu être mon invité(e).

En attendant, je me pose sur ma terrasse, un vieux rocking-chair, avec un bouquin et un verre, et je lis, je bois, je regarde les étoiles, complètement à poil, comme un retour à la nature, sans chaussettes dans le Massachussetts.

Et maintenant que je suis presque installé, il ne me reste plus qu'à balayer toute la poussière autour de moi. Une poussière qui va pis s'en va, pis revient, Alors je continue de balayer, une vie sans fin. Entre temps, je regarde le soleil se coucher, je bois une bière en compagnie des étoiles, ces âmes endormies au-dessus de ma tête. J'observe le silence de ma vie. Je balaye la poussière, je rebois une bière. Je sors un livre de ma bibliothèque, prend une nouvelle bière, Henry David Thoreau, un roman d'un autre temps qui n'a pas pris une ride, Walden ou la vie dans les bois, une oeuvre bien plus poétique que la poussière de ma vie, tout aussi enivrant que les bibines que je m'enfile en regardant, les yeux baissés, la lune bleue qui illumine toujours mes nuits. Et ainsi sous son regard absent, je m'étends nu dans l'étang de Walden.
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Cette lecture d'un homme qui se contente de peu et qui prend ce que la nature lui donne, qu'il s'agisse du bois pour se chauffer ou de ce qu'elle apporte à ses cinq sens reste une leçon de vie qui fouette la raison de l'homme du XXIe siècle. Je ne vais pas sortir le couplet sur la société de consommation, Thoreau narrateur est un anachorète qui vit tellement loin de ça que ça n'aurait pas de sens. Mais quand on regarde la date, 1854, et ce que les USA sont devenus, ça laisse pensif. On se demande comment est reçue/étudié cette oeuvre aujourd'hui.
Ce qui m'en reste, les descriptions très concrètes de la nature, le passage des saisons, un vent de fraîcheur dans le cerveau.
Thoreau se permet de longs développements sur l'économie, puis il passe à de belles descriptions de la nature, le réveil du printemps, les étangs gelés et les beautés du dégel, les cendres encore ardentes de l'été, les animaux, chats-huant sages sorciers de minuit, le soliloque de l'écureuil rouge, le retour des pinsons et des gélinottes . L'écrivain a des talents de menuisier, de bûcheron, et il construit lui-même sa maison. Puis il publie dans le corps de son texte le tableau de ce qu'elle lui a coûté. Son plus grand talent est de se contenter de peu.

Ce qui l'entoure devient le monde entier, les Bruits, la Solitude, son Champs de haricots, le Village, les Étangs ..Quand il rencontre un tourbier qui vit difficilement, il lui vante son mode de vie frugal, sans café, ni thé, ni viande. Il préfère se passer de tout et élève cette ascèse à une forme de philosophie sévère, monomaniaque et têtue. L'homme pousse l'austérité jusqu'à son extrémité plutôt que de subir la loi de la société.

Ce n'est pas une lecture facile, c'est le genre de classique où il faut parfois accepter de s'ennuyer, s'accrocher en vrai bon lecteur, parce que c'est ton socle, ce qui te fonde, le réservoir de mot-images qui reste en soi, comme un sédiment mémoriel. Et on est récompensé par des bonheurs d'écriture. Au détour d'une page, on tombe sur la description d'une chouette qu'il épie dans un paysage de neige, ou de l'écureuil rouge qui vient se nourrir à sa fenêtre.
Lien : http://killing-ego.blogspot...
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Il y a quelque chose d'assez bouleversant à considérer la portée de ce livre, pierre fondatrice de la culture américaine en même temps que vigie dédaignée contemplant déjà en 1850 la dérive de ce continent vers un capitalisme effréné, de même que l'actualité de son propos qui ramène aux fondamentaux d'une vie minimaliste et philosophique, maintenant que les limites du modèle consumériste sont atteintes.
Et que de pages merveilleuses sur la Nature, les lacs, la faune, la lumière de Walden, sur la sérénité de l'épure matérielle, sur la richesse de l'attitude contemplative, sur l'essentialité du travail de la terre à la seule mesure de ses besoins.
Les deux ans que Thoreau aura passés dans sa cabane à Walden et la narration éclairée qu'il en a faite dans ces pages ont un parfum d'éternité, à savourer et méditer sans modération.
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Parc. Terrain clos où se réunit chaque jour le gang des poussettes. Elles ratissent calmement les allées jusqu'à ce que l'occupant du carrosse, son altesse royale, fasse un signe à son esclave de parent afin d'arrêter le cortège. Il faut comprendre ses cris. Ils ne sont qu'une simple injonction : “laisse-moi jouer avec les autres !”. le parc se transforme alors en une tempête de petits monstres qui hurlent leur joie de vivre à qui veut bien l'entendre, de la fleur piétinée à l'oiseau envolé, et de la statue prise d'assaut jusqu'au canard gavé de pain blanc.

À l'écart des babils, vous trouverez ces amoureux fauchés qui n'ont nul besoin de restaurant étoilé ni de bague sertie. Ils ont le luxe de s'offrir la simplicité d'un moment suspendu avec vue sur la vie. Un indémodable ! Tout comme les bancs, que seraient les parcs sans eux ? Ces postes d'observation où se déroule toujours une scène, une action, une émotion. Aujourd'hui, à cet endroit précis, sur ce mélange de fer et de bois, débute le festival international du film d'amour dont le film en avant-première est Rendez-vous manqués. Vous serez au première loge !

Hormis cela, le parc est avant tout une rupture dans le paysage vertical de nos villes. Un pied de nez à l'empilement des logements et à la rentabilisation de l'espace. Un morceau de nature aménagée nécessaire aux urbains qui ne sont plus à même d'avoir cette connexion charnelle avec leur environnement naturel. Peut-être faudrait-il justement se poser dans un parc et revenir aux fondamentaux en relisant un classique de la littérature américaine : Walden ou la vie dans les bois.

Malgré le fait que ce livre soit l'une des oeuvres littéraires les plus importantes des États-Unis, son auteur, Thoreau, reste méconnu du grand public francophone. Né à Concord en 1817, il vécut une courte vie dans la durée puisqu'il mourut à l'âge de 44 ans mais son existence fut d'une rare justesse humaine. Les concessions ne faisaient pas partie de son vocabulaire. Ainsi il était un fervent opposant à l'esclavage au point d'inspirer Martin Luther King en personne. S'il y a bien un fait qui caractérise Thoreau c'est qu'il était un homme de principes. Ce n'est pas un hasard si on lui doit la création du manifeste sur la désobéissance civile tant il portait haut les couleurs de la liberté. Sans doute cela laisse-t-il à penser qu'il était du genre à agiter les foules ? La réalité fut tout autre puisqu'il vivait loin des agitations, dans la plus grande simplicité et en accord avec la nature. Une vie exemplaire qu'il nous est permis de lire dans Walden, le récit de ses deux années passées à l'écart des villes.

Cette autobiographie de 371 pages compile son expérience de vie solitaire dans les bois. Elle suit une trame logique qui est celle de suivre Thoreau depuis la genèse de son projet jusqu'à l'aboutissement de celui-ci. Walden est le compte rendu des pensées de l'auteur pendant deux années passées en quasi autonomie. Il n'est pas aisé de classer cet ouvrage dans un style particulier puisqu'il y est question de poésie, philosophie et d'éloge de la nature sur un fond romanesque. le livre n'est pas ardu par son style mais par ses références américaines. Certains passages ou jeux de mots peuvent tomber à plat si l'on n'est pas un peu initié à la culture Outre-Atlantique. Mieux vaut le savoir même si l'intérêt majeur du livre ne réside pas dans son style. 😉

Le plus grand voyageur n'est pas celui qui a fait dix fois le tour du monde, mais celui qui a fait une seule fois le tour de lui-même. Voici une citation de Gandhi qui pourrait résumer Walden tant le chemin emprunté par Thoreau est la réalisation de soi tout en restant le plus simple possible. L'auteur américain nous raconte quelle a été sa démarche quand il a commencé à construire sa cabane. Cela devait être fonctionnel, respecter l'environnement, et surtout ce projet devait lui laisser du temps de qualité car Thoreau trouvait qu'il ne fallait en aucun cas devenir l'esclave de sa propre vie :

« Je lui dis que je ne consommais ni thé, ni café, ni beurre, ni lait, ni viande fraîche, et que je n'avais de ce fait pas à travailler pour me procurer ces produits; que, de plus ne travaillant pas beaucoup, je n'avais pas besoin de manger beaucoup, et que ma nourriture ne me coûtait quasiment rien; mais que lui, en revanche, habitué au thé, au café, au beurre, au lait, à la viande de boeuf, il devait travailler dur pour payer ces denrées ; puis lorsqu'il avait travaillé dur il devait manger tout aussi dur pour restaurer son organisme… »

Dans Walden, l'écrivain américain nous explique aussi les détails de ce projet. Rien n'est laissé au hasard, à tel point que Thoreau nous fait la comptabilité du coût de sa cabane. Il nous raconte d'où sont venus les matériaux pour construire sa maison, comment il a réussi à vivre en autosuffisance alimentaire en cultivant uniquement ce dont il avait besoin de manger. Qu'elle soit alimentaire, laborieuse, ou affective, ce naturaliste avait une insatiable volonté de s'affranchir de toute servitude.

Enfin, ce livre continue d'être un classique car il entre en résonance avec notre époque. Il en est l'antithèse utile. Walden est un parti pris sur la place de l'homme dans l'environnement, une ode à la contemplation où l'auteur est capable d'observer la nature pendant des heures et de s'émerveiller de la beauté du monde. Thoreau a réussi à sortir des sentiers battus et nous montre que tout est déjà là sous nos yeux. Une oeuvre intemporelle à relire pour nous rappeler que la vie est d'une simplicité confondante 😉.

« Dans ma maison, j'avais trois chaises : une pour la solitude, deux pour l'amitié, trois pour le monde. »
Lien : https://lespetitesanalyses.c..
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Je commence l'été et la saison au ralenti avec un tas d'un peu plus d'une vingtaine de livres et un choix d'ouverture difficile. Ce sera donc un petit Rick Bass pas encore lu... mais attendez-donc un peu ! Deux page et déjà plusieurs références à Thoreau et Walden. du coup ce sera Walden avant The Wild Marsh... autant s'instruire en se divertissant!

Le monsieur étant contemporain et poteau d'Emerson, je craignais rencontrer quelques passages obscurs pour mon neurone. Et bien non ! Thoreau, c'est clair, c'est limpide, comme l'eau de Walden Pond.
Enfin, je m'entend. Vers la fin, je me demandais parfois où certains chapitres avaient l'intention de mener le lecteur. Mais tout s'éclairait à un moment ou un autre.

En plus, c'est bourré d'humour (sérieusement, faut en avoir pour parler d'expérience de la nature sauvage à moins de 2 miles de Concord!), de références littéraires classiques (grecques, latines, chinoises, indiennes...), anglaises également avec de la poésie, ou plus contemporaines de Thoreau, mais aussi, et là, c'est vraiment intéressant il me semble, un tas de mentions scientifiques de l'époque notamment de Darwin! Bref, c'est très, très riche.

Ensuite, si on monte d'un niveau, ça se complique. J'ai beaucoup apprécié le soin du détail dans la description de Walden Pond à travers les saisons, de la géologie à la vie animale en passant par la végétation et bien sûr, quelques visiteurs et réguliers de la région. Parce qu'au delà de la réflexion sur la société (je vais y venir), Thoreau est surtout un observateur attentif et un naturaliste, un poète dans un environnement qu'il dépeint avec génie et amour.

Et enfin, la réflexion sur la société humaine.
Je ne suis pas très sûre de la manière de formuler l'effet de Walden sur moi.
J'étais particulièrement intéressée par les références aux avancées technologiques du XIXº et encore plus par l'avis de Thoreau, notamment sur le progrès pour le progrès, la course à la modernité et l'acceptation des routes toutes tracées par sociétés et gouvernement sans questionnement quand à la pertinence et l'utilité de ces routes et mouvements de masse.
Pour résumer, j'ai été surprise par la modernité des observations et propositions de Thoreau quand au superflu qu'il soit matériel, oral ou occupationnel, à la modération comme solution à bien des choses (pas d'ascétisme, merci), mais surtout, cette annonce de réaction à la politique de conquête du gouvernement américain (et européen), c'est l'époque de la guerre contre le Mexique pour obtenir ses territoires du nord (Colorado, Nouveau Mexique, Nevada, Californie...), son outrage face à l'esclavage que le gouvernement favorise encore à l'époque de manière détournée (Fugitive Slave Act de 1850 qui implique que tout esclave en fuite dans les états du nord non-esclavagistes doivent être renvoyés à leur "maître" dans le sud), tous ces sujets qui seront à la base de Civil Disobedience. Que je lirai également sous peu.

La seule difficulté que j'ai rencontrée est son histoire d'élévation spirituelle. Je n'avais pas été particulièrement marquée par ce côté-là chez Emerson, mais peut-être devrais-je relire Nature... En réalité, je m'attendais à une avant-garde évidente, inspiration pour les Nature Writers du nord ouest américain dans leur vision d'une nature où tout est lié, tout a sa place, ni plus élevée, ni moins, qu'il soit question d'insecte, animal, végétal ou d'humain. Là, l'impression est que Thoreau exclut l'homme de cette logique hormis dans sa destruction insensée et sa soif de domination. J'ai presque l'impression d'une contradiction dans son discours, entre une nature de laquelle on doit se rapprocher dans sa logique et son apparente simplicité, et un exceptionnalisme humain subtilement tissé, mais que l'on ressent dans les passages sur le spirituel. Mais peut-être est-ce seulement mon impression faussée par une incompréhension.
En dehors de ce petit détail, oui, je comprend les références si fréquentes à Thoreau et son Walden, à la minutie de son étude et au détail de son observation des rouages de la Nature, au plaisir de profiter au quotidien d'un environnement sublime, sans (trop) d'interférences humaines, au besoin de préserver cet environnement sans concession à la civilisation.

Très, très instructif, vraiment très agréable et surtout absolument abordable !
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Walden, la vie dans les bois d'un excentrique qui manie le paradoxe et la provocation avec férocité.
Ceux qui le présentent comme un baba-cool avant l'heure ne l'ont pas bien lu. Certes, il y a des passages un peu lyriques, des flâneries qui font penser aux Rêveries du Promeneur solitaire, des méditations poétiques.
Mais d'autres où il se moque de ses contemporains, financiers, propriétaires terriens ou simples fermiers qui ne cherchent qu'à faire fructifier des dollars.
"Le lac de Flint! Que notre nomenclature est pauvre....De quel droit le fermier malpropre et imbécile dont la ferme touchait cette eau du ciel, et qui a impitoyablement dévasté ses rives, lui a-t-il donné son nom? Un grippe-sou qui préférait la surface miroitante d'un dollar ou d'un sou rutilant, où il pouvait voir sa propre face d'effronté; qui considérait comme des intrus jusqu'aux canards sauvage qui s'y posaient; ses doigts transformés en serres calleuses et crochues à force d'agripper, telles des harpies- non, ce n'est pas moi qui lui ai donné son nom."

Thoreau ne se prive pas de critiquer vigoureusement le système économique, qui instaure une exploitation industrielle de la terre, qui détruit les beautés naturelles des paysages: "comment s'attendre à ce que les oiseaux chantent quand leurs bosquets ont été ravagés?"
Sa retraite au fond des bois lui permet de sortir du système pour mieux en faire le procès. Il souligne que l'homme qui travaille est un solitaire, et que les relations sociales sont généralement d'un piètre intérêt: "Nous nous retrouvons trois fois par jour pour les repas, où chacun offre à l'autre une ènième dégustation de ce vieux fromage moisi que nous sommes. Afin de rendre supportable cette fréquentation effrénée, et de ne pas aboutir à une guerre déclarée, il nous a fallu accepter un certain nombre de règles, appelées étiquette ou politesse."

Walden fait l'apologie de la solitude, mais pas n'importe où.
Pas n'importe comment. Dans sa modeste cabane, Thoreau réfléchit, il lit, il écrit, observe, médite; il jouit de la vue du lac et des saisons, il pense aux anciens habitants de ces forêts, bref, il philosophe sans en avoir l'air.

Le ton est souvent enjoué, il lui arrive de ricaner tout seul dans sa cabane, si une pensée incongrue le traverse. Il use souvent d'ironie et de sarcasme, à la manière d'un Diderot ou d'un Montesquieu: "Si j'étais sûr et certain qu'un homme venait me voir avec la ferme intention de me faire du bien, je prendrais mes jambes à mon cou, comme si je fuyais ce vent sec et brûlant des déserts africains qu'on appelle le simoun." Il fait ensuite allusion aux Jésuites, venus "faire du bien" aux Indiens en les torturant pour qu'ils se convertissent.
Il décrit avec humour une bataille rangée entre deux colonies de fourmis, se moque de lui-même dans sa posture d'ermite, de poète ou d'agriculteur primitif. Cette auto dérision place le lecteur de son côté, car si Thoreau manie la critique, il ne tombe pas dans un discours moralisateur.

Il reste assez humble pour que chacun puisse se dire: "et si moi aussi, j'allais vivre dans une cabane, payé de haricots et vêtu comme un vagabond, nourri de pain et de chants d'oiseaux?"
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Ce genre de livres dont on entend parler depuis le berceau, qui est cité en référence à longueur d'articles... il fallait bien parvenir à le lire un jour et cette nouvelle traduction proposée par Gallmeister tombait à pic. C'est une lecture qui rejoint mon état d'esprit en de nombreux points et fait écho à nombre de mes questionnements sur la façon d'être au monde. Je me demande ce que Thoreau penserait s'il débarquait parmi nous, près de 170 ans après la publication de son récit sur deux années passées en quasi autarcie au bord du lac de Walden, en voyant à quel point nous avons persévéré dans l'éloignement voire la destruction du vivant autre que nos petites personnes. Ses observations faites à l'aube des spectaculaires "progrès" de notre "civilisation" seraient donc restées lettre morte malgré la notoriété de ce texte. Mais j'ai l'impression qu'il le savait déjà en l'écrivant. D'ailleurs, il ne cherchait qu'à témoigner de son expérience et à prôner la liberté de vivre autrement, hors des injonctions de la société, sans forcément entraîner tout le monde après lui. A offrir également un autre point de vue. C'est à mon sens la richesse de ce livre. Donner à réfléchir sur nos modes de vie, pas uniquement d'un point de vue de l'écologie mais autour de la notion de liberté. Tenter de montrer à quel point ce que nous pensons libérateur peut au contraire s'avérer un facteur d'enfermement. La vitesse, l'immédiateté, l'automatisme, l'accumulation de biens sont vus comme des signes de progrès, Thoreau s'attache à démontrer la façon dont tout ceci piège et aliène l'être humain en l'attachant à un système capitaliste et en le réduisant à l'état de travailleur souvent pauvre. C'est pourquoi je n'ai pas pu m'empêcher d'imaginer la tête du monsieur s'il revenait constater par lui-même où nous en sommes. Dans Walden il y a aussi de magnifiques pages d'observation des petits riens de la nature sauvage, des transformations au fil des saisons, de la vie dans tous ses frémissements. Une observation respectueuse, et bien au-delà qui essaye de capter l'essence même de la vie et fait le lien entre tous les êtres vivants à travers leurs similitudes de comportements. C'est un texte qui mêle observations scientifiques et vision poétique, que l'on peut relire plusieurs fois pour en explorer toutes les facettes, politiques, économiques, naturalistes, écologiques voire mystiques. Il existe de nombreuses et passionnantes analyses de Walden, mais chaque lecteur y trouvera un écho particulier en fonction de son propre cheminement, de l'état de ses réflexions sur le sens de la vie et de son degré de dépendance à la société de consommation. Et une incitation à s'extraire du monde pour mieux se trouver soi-même, même si s'échapper est devenu bien plus difficile au 21ème siècle.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Il y a très longtemps que j'avais Walden dans mon programme de lecture. Nature, Environnement, Solitude tout cela me parle. Souvent cité comme une référence de la nature writing, initiateur de ce type de littérature paraît-il, H.D. Thoreau part au printemps 1845 pour deux ans deux mois et deux jours au bord du Lac Walden pour vivre une expérience d'isolement, d'observations et d'expériences personnelles.

L'auteur relate dans le détail la préparation de son habitat, de ses cultures, de l'organisation pour être au maximum auto-suffisant, la comptabilité qu'il tient de chaque dépense s'y rapportant, réduisant ses besoins au strict minimum, puis il observe, il écoute, il pense et nous livre ses réflexions : sur la différence entre acheter, posséder et faire de ses mains, sur l'importance de vivre l'instant, de profiter de chaque moment, de se lever tôt et d'observer ce qui nous entoure, du plaisir qu'on en retire, de vivre simplement….. Cela ne fait-il pas écho en vous : la décroissance dont on parle tant de nos jours, lui l'évoque déjà. Il explique également où va le monde, la vitesse à laquelle il accélère et les répercussions de cette course effrénée.

Il aborde également l'importance de la lecture dans sa vie et en particulier celle des classiques, privilégier les lectures qui importent, qui éduquent plutôt que les lectures faciles , rendre la culture accessible à tous voire à la privilégier par rapport à d'autres dépenses…..

"Un mot écrit est la plus choisie des reliques. C'est quelque chose de tout de suite plus intime avec nous et plus universel que toute autre oeuvre d'art. (p142)"

Bien sûr la nature et ses occupants, le rythme des saisons, son quotidien tiennent une grande place mais il y est également question de ses voisins, des gens de passage et ce fut pour moi une surprise de constater qu'il était loin d'être totalement seul sur les bords du lac. En effet, il se rendait régulièrement au village voisin, appréciait de croiser chasseurs, pêcheurs et autres promeneurs mais utilisait également des techniques pour éloigner les importuns.

Je l'ai lu par petites touches car l'écriture est exigeante, un peu déroutante au début dans son style assez ampoulé et les sujets abordés sont à la fois philosophiques et descriptifs. Il se fait d'ailleurs assez professoral dans le ton, un peu trop parfois même s'il ne s'empêche pas quelques traits d'humour :

"Pour les Pyramides, ce quelles offrent surtout d'étonnant, c'est qu'on ait pu trouver tant d'hommes assez avilis pour passer leur vie à la construction d'une tombe destinée à quelque imbécile ambitieux, qu'il eût été plus sage et plus mâle de noyer dans le Nil pour ensuite livrer son corps aux chiens. (..) Quand à la religion et l'amour de l'art des bâtisseurs, ce sont à peu près les mêmes par tout l'univers, que l'édifice soit un temple égyptien ou la Banque des Etats-Unis. Cela coût plus que cela ne vaut. (p88)"

Il m'a fallu un petit temps d'adaptation et prendre le temps de « digérer » ce qu'il écrit, d'y penser et le transposer dans la vie actuelle. Pour moi qui suis depuis longtemps convaincue des bienfaits de l'isolement, de l'écoute de la nature, du non gaspillage, du fait maison, de la non-consommation à outrance, je savais qu'il allait confirmer mon propre ressenti, donc pas de réelle découverte sur le fond. La réelle surprise vient du fait que cet ouvrage a été publié au milieu du 19ème siècle…. Il avait déjà pressenti vers quel monde nous allions et ses dangers à long terme sur les hommes, la nature et les animaux.

Je dois avouer que, même si je suis contente de l'avoir lu et comprends la référence qu'il représente pour tous les amoureux de la nature et des immersions solitaires, j'ai été un peu déçue, peut-être, parce que j'en attendais encore plus, parce que le style m'a parfois gênée, peu habituée que je suis à lire une telle écriture, que j'ai trouvé certains passages un peu longs et tournant parfois un peu en rond.

Découpé en 17 chapitres comme Visiteurs, le champ de haricots, bruits, lecture, économie, voisins inférieurs, pendaison de crémaillères (la construction d'une cheminée par ses soins est savoureuse par le plaisir qu'il en tire), l'étang l'hiver etc….. + la conclusion, on peut aisément revenir s'y plonger à l'occasion d'un questionnement sur un domaine particulier.

On comprend qu'il s'agit là de l'oeuvre d'une vie, tellement elle est précise, faisant appel à de nombreuses références littéraires, poétiques, qu'il a peaufiné pour trouver le mot juste (on retrouve là votre sens de la précision), retrouver tous ses souvenirs et sensations afin de nous faire partager son expérience. Il ne s'est pas contenté, comme beaucoup, de donner des préceptes, il les a appliqués. Il m'a conforté dans mes orientations, même si je n'ai pas eu de réelle révélation.

Dans notre société hyper connectée, d'hyper consommation et de rapidité, un tel ouvrage porte à réfléchir sur le sens que l'on veut donner à son existence. le lire peut permettre à certains de se poser les bonnes questions, à d'autres de les conforter dans leur choix.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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