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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Re-publication par Sabine Wespieser éditeur d'un roman de Duong Thu Huong, un de mes auteurs fétiches, paru en 1991 en France aux Editions des Femmes. Elle remet ainsi à l'honneur un texte tombé dans l'oubli, qui est pourtant un des meilleurs de l'auteur.

Après l'analyse de la campagne dans Terre des oublis, de la ville dans Sanctuaire du coeur; après la biographie romancée de Ho Chi Minh, Duong Thu Huong creuse encore plus dans le fondement de la société vietnamienne moderne : le communisme. Jusqu'à présent, ses romans faisaient intervenir le communisme comme une toile de fonds, un guide de la société. Ici, c'est un acteur essentiel de l'histoire : Hang, la jeune héroïne, a été obligée d'abandonner ses études pour gagner sa vie comme ouvrière dans une usine textile en URSS. Son oncle la fait alors appeler à Moscou, prétextant une maladie. Dans le train qui la conduit à la capitale, elle mesure le chemin parcouru et retrace l'histoire de sa vie, à partir de ses liens avec cet oncle, communiste zélé qui a en partie ruiné sa famille. C'est aussi un véritable chant, celui de la douleur de l'exil …

« Je revois ainsi de longues plaines sinueuses, piquetées par des ailes de cerf-volants, des rizières dorées escaladant le flanc des collines, la blancheur immaculée des villes du Centre-Vietnam, les somptueuses plages de Nha Trang, de My Khe, de Dai Lanh … »

Les couleurs de l'exil, Duong Thu Huong ne les connaissaient pas encore à cette époque, mais on peut imaginer qu'elle a relu ces lignes aujourd'hui …

« Ne jamais regarder en arrière, même le temps d'un éclair. Aucun bonheur n'y résisterait. »

A travers un drame familial, le grand auteur vietnamien interroge déjà l'aveuglement dont ont fait preuve les Vietnamiens qui ont appliqué – sans discernement – le modèle communiste à leur pays. Ici, c'est en particulier les désastres de la réforme agraire qui est à l'origine de l'histoire.

C'est ce texte, paru au Vietnam en 1988 – et son succès – qui a conduit à l'arrestation de l'auteur en 1991, date à laquelle il a été publié en France.

Et pourtant, au coeur même de ce roman polémique, j'y ai déjà retrouvé cette écriture que j'aime tant, si richement évocatoire, au point que j'ai la sensation d'être transportée au Vietnam à chaque page tournée. Je ne me lasse pas de la description des préparations du Têt, du travail dans les rizières, des rites qui peuplent la vie traditionnelle des paysans. Même la triste réalité qu'elle décrit ne suffit pas à cacher l'amour que l'auteur porte à son pays, un amour qu'elle montre en dénonçant encore et encore les absurdités de la vie communiste, et les mauvais choix des dirigeants.

C'est encore également l'occasion de dresser un très beau portrait de femme, celui de la tante de Hang, qui a tout perdu mais a eu la force de se battre pour vivre, devenir riche et subvenir aux besoins de son unique héritière, Hang. « Cette femme qui comptait parmi les êtres qui m'étaient le plus chers, ce silence, cette solitude, cette permanence des choses, tout cela ne faisait qu'un. c'était mon sang, mes origines, mon ancrage ici-bas. Rien ne m'était plus proche, et rien ne m'était plus étranger. D'elle me venait toute la tendresse de ce monde. D'elle, j'hériterais aussi de toutes les peines, de toutes les douleurs du passé … »

En bref, un beau moment d'émotion dans ce très beau roman, que je ne peux que vous encourager à découvrir. Un grand écrivain, qui mériterait plus de reconnaissance.
Lien : http://missbouquinaix.wordpr..
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"Votre oncle ressemble à un tas de gens que j'ai connu.Ils se sont épuisés à faire advenir le paradis sur terre.Mais leur intelligence était trop limitée."
Ce sont Les paradis aveugles de son oncle, "cadre de l'état" vietnamien tyrannique, aveuglé par un marxisme-lénisme se voulant révolutionnaire (dans tous les sens du terme) mais par trop répressif, ce sont les abus d'une classe dite exploitée ivre de revanche sur une "classe exploiteuse" que l'on étiquette "propriétaires terriens" sans trop savoir quelle est vraiment la valeur des propriétés, que relate Duong Thu Huong dans ce roman fort et bouleversant (issu de faits véridiques qui ont débuté au Vietnem, durant les années 50, lors des réformes agraires).
Bouleversant, car Hang, l'héroïne, "être craintif de 42 kilos", révoltée,est tiraillée entre ces deux mondes de par ses origines. C'est lors d'un voyage en train vers Moscou (alors qu'elle a abandonné études et Vietnam) pour se rendre au chevet de cet oncle maternel, soit-disant malade, qu'elle se remémore son douloureux passé.
Une mère, faible, défaitiste ("c'est la sort") mais courageuse (travaillant sur les marchés pour élever sa fille unique), pauvre (mais critiquée car commerçante), qui ne peut s'empêcher d'aimer son frère (le fameux oncle Chinh) et de subvenir à ses besoins alors qu'il a chassé son époux instituteur de la collectivité puis l'a fait assassiner lorsqu'il a voulu revenir.
Une tante paternelle forte,"ennemie de la révolution", qui a subi humiliations et dénonciations, qui voit en Hang le dernier maillon de leur lignée, fonde sur elle des espoirs d'études universitaires et veut en faire son héritière.
On ne peut qu'admirer la fillette lucide qui prévient sa mère :"il vient pour l'argent c'est tout", l'adolescente en souffrance qui constate que même son chien "n'avait plus la force d'aimer", l'adulte révoltée qui dénonce: " tout pouvoir est dictateur".
Outre la valeur de témoignage de ce roman, Duong Thu Huong analyse sans complaisance les rapports mère-fille qui se détériorent. Pas de mélo. Il y a fissure et même si l'amour est là comment supporter l'absurde d'une idéologie destructrice et injuste?
A signaler le dépaysement qu'apporte ce roman:malgré les rues jonchées d'ordures (d'êtres et de choses), Hang a le mal du pays aux "plaines piquetées de cerfs-volants". On déguste à ses côtés une "soupe de filets de porc aux fleurs de lys", on picore du riz dans des feuilles de bananier,on plante des batonnets d'encens près d'un autel où fleurissent la mémoire des morts et bouquet de pivoines.
L'écriture imagée, poétique, et la foule de sentiments côtoyés font de Les paradis aveugles, un roman lumineux et clairvoyant qui vaut vraiment le détour!
A signaler que l'auteur a été arrêtée, dans les années 90, à cause des réalités dénoncées sur le Vietnam!
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