Ce livre porte dans le titre une phrase d'un vers du poète et peintre anglais
William Blake…Conduis ta charrette par dessus les ossements des morts…Et chaque chapitre va s'ouvrir sur une phrase sortant d'un vers de
William Blake.
C'est le premier livre que je lis de cette auteure et je dois dire que je suis restée sous le charme du début à la fin; j'étais si heureuse en lisant que je ne voulais pas que le livre se termine, je pense que c'est ma meilleure lecture dernièrement…C'est un livre, en plus, qui se lit assez facilement, avec un argument fort qui capte l'intérêt du lecteur et qui réunit plusieurs genres littéraires : mystère, thriller écologique, écologie, poésie, fantastique et beaucoup d'humour pince-sans-rire, décalé. C'est une oeuvre qui m'a paru très originale avec un personnage principal, Janina Doucheyko, que j'aurai du mal à oublier ; sous un extérieur de femme excentrique, il y a un personnage féminin si intense, si réfléchi, si drôle, si farouchement indépendante et luttant pour ses positions, si clairvoyante parfois en ce qui concerne son entourage, si comiquement procédurière. Elle nous fait penser qu'il n'y a pas qu'une seule façon de voir la vie et les choses.
Lisant entre les lignes, le texte laisse quelque peu transparaître le passé communiste de la Pologne et quelques souvenirs de l'époque sous influence allemande.
On dit de l'auteure qu'elle possède une écriture fragmentaire, un mode de composition qui se présente comme un collage structuré. C'est le cas ici mais cela ne m'a pas gêné pour la compréhension de l'histoire. C'est un conte-fable avec quelque chose de visionnaire, une espèce d'ode qui prône le respect envers tous les êtres vivants, notamment envers les animaux.
Cette histoire se situe dans les Sudètes, à la frontière de la Tchéquie, dans un petit hameau qui porte en allemand, le nom de « courant d'air » parce que balayé par les vents et isolé 6 mois de l'année par la neige et par le gel. Vit dans cet hameau Janina, autrefois ingénieur de Ponts et Chaussées, mise à la retraite pour des raisons de santé. Elle vit seule et donne quelques cours d'anglais aux petites classes du bourg le plus proche. le hameau est quasi désert l'hiver, en dehors de deux voisins mâles avec lesquels Janina n'a pas trop de contacts. En revanche, elle gagne un peu d'argent en faisant le gardiennage des maisons avoisinantes; elle fait le tour des maisons avec Samouraï, le nom qu'elle a donné a sa petite et loqueteuse voiture. Parce que Janina, entre autres dons, a le chic pour affubler les gens et les choses de sobriquets qui sont vraiment trop drôles.
Autre aspect du livre qui m'a séduit, c'est l'analyse permanente à laquelle se livre Janina, ce qui donne au livre un petit air de roman philosophique avec une touche de fantastique.
Parmi les autres excentricités de cette Janina, il y a celle de vouloir établir le thème astral des gens, avec des prédictions qui ne sont pas toujours bonnes à entendre. Autre manie est d'écrire, à la moindre occasion, des lettres à l'administration parfaitement étayées pour dénoncer toutes sortes d'anomalies, spécialement lorsque on s'attaque aux animaux. Elle pense que ces animaux victimes sont parfaitement capables de rechercher une vengeance sur les humains, ce qui provoque l'hilarité générale et quelques quolibets assez méchants à son encontre. Elle fait la guerre aux chasseurs, mais quand le curé du coin est l'aumônier des chasseurs et chasse lui même…
Dans ce petit bled vont se produire quelques morts suspectes, elles paraissent naturelles, mais tout de même, trop c'est trop. Il y a des scènes très cocasses, d'autres d'une rare violence. La police ne lève pas le petit doigt…et se moque ouvertement de Janina qui est très-très en colère.
Oui, Janina embête beaucoup de monde, certains la traitent de folle, de femme négligée. Il n'empêche que pendant la durée du récit (un an), elle aura deux demandes en mariage; ce n'est pas mal pour une « vieille femme toquée », tel qu'on nous la décrit.
Le livre porte un joli message enveloppé dans beaucoup de dérision tout en gardant les distances. C'est un chouette roman écoféministe.
Oui, quel bon livre. On sent, derrière l'engagement de Janina Doucheyko, le propre engagement de l'auteure qui milite activement pour les Verts depuis 2004. Elle a reçu des menaces de mort pour avoir émis quelques opinions dans un débat télévisé et il lui a fallu des gardes du corps pendant un certain temps, payés par ses éditeurs… Encore, son admiration pour
William Blake est de notoriété publique, et elle le cite longuement ici. Sa formation de psychologue ressort aussi dans une constante réflexion sur la chose humaine.
Un échantillon de l'humour de Janina Doucheynko…"je suis à présent à un âge et dans un état de santé tel que je devrais penser à me laver soigneusement les pieds avant d'aller me coucher, au cas où une ambulance viendrait me chercher en pleine nuit".
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