Mes mémoires

Mes Mémoires 1913 Editions Kalperine Kaminsky
Comte Elie Tolstoï (1866-1933)

Dans l'excellent film russe Histoire d'une nomination de Smirnova sorti en 2018, on voit deux bambins jouer avec leur père à Iasnaïa Poliana, nous sommes l'été 1866. Léon Tolstoï fait une pause au milieu du gué de son vaste chantier Guerre et paix qui deviendra le plus grand roman de tous les temps. Il y a toujours de l'ambiance dans ce havre de paix situé à deux-cents kilomètres au sud de Moscou : c'est de tradition chez les Tolstoï. Hormis le défilé des riches invités qui arrivent en calèche, on remarque aussi la cohorte de paysans venus présenter quelque requête ou demander secours. Elie n'a alors que 3 mois à ce moment là, ceux que l'on voit dans le film folâtrer dans la grande maison cossue sont son frère et sa soeur aînés.

Elie Tolstoï, c'est quelqu'un qui sera bon, sensible et parfois faible, et selon son père, c'est celui qui écrira le mieux de la fratrie, il sera même émerveillé par son talent. On peut penser que s'il avait pensé le contraire, il l'aurait dit aussi.

J'ai toujours passé au second plan la vie des progénitures des Tolstoï, sans doute aveuglé par le génie littéraire du Maître, mais je me suis aperçu que leurs livres sont de vraies pistes pour pénétrer dans l'antre du couple légendaire et vérifier le bien-fondé des informations de certains biographes. Ils me sont donc devenus nécessaires, et j'ai même appris à les apprécier pour ce qu'ils sont. Et même ce qu''ils n'ont pas vécu de la jeunesse de leurs parents, leurs jeunes auteurs se sont faits l'écho de tout ce qu'ils ont entendu et l'ont rapporté. Et par rapport à toutes les calomnies qui ont été déversées sur le couple, ils tordent le cou à de nombreuses rumeurs dans leurs écrits qui n'en constituent pas moins des preuves irréfutables, pour qui prend la peine de les lire. Et d'ailleurs par exemple si Tatiana a pris la plume, comme sa mère dans Ma Vie, c'est pour rétablir la vérité trop souvent déformée par des biographes s'attachant avec malveillance à la vie de ses parents.

Elie Tolstoï dans ses Mémoires parle notamment de la forte relation qu'il avait avec son père, et confirme que jusqu'en 1879, il naît en 1866, La vie à Iasnaïa Poliana fut un conte de fée ; mais après la crise religieuse et morale survenue à cette date, l'atmosphère sereine qui régnait jusque-là dans la famille s'alourdit de plus en plus, avec cependant de fréquentes embellies.

Mais lisons plutôt ce passage qui est remonté en substance par Serge Tolstoï, le neveu parisien du comte Elie Tolstoï : il est particulièrement émouvant et révélateur :
"Elie Tolstoï évite de juger ses parents car "tous deux agissaient comme il leur semblait le mieux". Elie était très conscient du dilemme de son père qui se rendait parfaitement compte que sa vie était en contradiction avec son idéologie, qu'il était un pêcheur qui, tout en se repentant, continuait à mener une vie qu'il réprouvait. Elie ne le blâme pas comme quelques biographes l'ont fait . Au contraire, il trouve que l'attitude de son père qui, malgré son désir très sincère, ne quitta pas le luxe relatif de sa maison pour une vie plus simple, était courageuse. Tout en voulant sauver son âme, il ne voulait pas faire de mal à sa femme qui s'était sacrifiée pour lui et leurs enfants. Mais en même temps, il prend la défense de sa mère que les disciples de son père, Tchertkov en tête, calomnièrent. Ce dernier serait, d'après Elie qui n'était pas le seul à le penser, le mauvais génie et le grand responsable de la mésentente de ses parents."
ST

Il va de soi qu'en fonction de ce tout ce que j'ai pu lire sur Tolstoï, de Tolstoï, je suis enclin à plaider pour cette véracité là telle que l'énonce le comte Elie Tolstoï.