La voie du guerrier a pour aboutissement l'expérience de la bonté primordiale, dans sa nature entière et inconditionnelle, qui correspond à la réalisation totale du non-moi. En effet, le guerrier aboutit à une découverte : il comprend que les points de repère n'ont aucune existence véritable. Pourtant, pour découvrir l'inexistence des points de repère, il doit s'appuyer précisément sur les points de repère qui jalonnent sa vie.
L’expression « points de repère » désigne toutes les conditions et les situations qui font partie intégrante du voyage à travers la vie : laver son linge, prendre son petit déjeuner, son déjeuner et son dîner, régler ses factures. La semaine débute un lundi, puis viennent mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi et dimanche. On se lève à six heures du matin, la matinée passe, puis vient le midi, l’après-midi, le soir et la nuit. On sait à quelle heure on doit se lever, à quelle heure prendre sa douche, à quelle heure aller travailler, à quelle heure prendre le repas du soir et à quelle heure se coucher pour dormir.
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L'apprentissage des principes du guerrier vise, en premier lieu, à nous faire reconnaître ces processus, ces points de repère quotidiens.
Mais alors, une fois que nous avons établi un rapport avec les situations courantes de notre existence, il se peut que nous découvrions une vérité bouleversante. Pendant que nous buvons notre thé, nous remarquerons peut-être que nous le buvons dans le vide. En vérité, ce n'est pas nous qui buvons du thé, mais la vacuité de l'espace. Alors que nous nous occupons d'un détail tout à fait banal, celui-ci pourrait nous servir du point de repère pour comprendre l'inexistence des points de repère. Au moment d'enfiler notre pantalon ou notre jupe, nous pourrions découvrir que nous habillons l'espace. En nous maquillant, nous pourrions constater que nous appliquons du fard sur le vide, que nous embellissons l'espace, le pur néant. (pp. 158-159)
Le chaos du monde est dû en grande partie au fait que les gens ne savent pas s'apprécier. N'étant jamais parvenus à éprouver de la sympathie ou à manifester de la douceur envers eux-même, ils ne peuvent faire l'expérience de l'harmonie ou de la paix intérieure.
Devant les problèmes énormes qui pèsent sur la société humaine d'aujourd'hui, il semble de plus en plus important de découvrir des moyens simples et non sectaires de travailler sur nous-mêmes et de partager ce que nous avons appris avec autrui. (p 29)
Le secret de l'art du guerrier – et le principe même de la vision Shambhala – est de ne pas avoir peur de qui l'on est. Voilà en dernière analyse la définition de la vaillance : ne pas avoir peur de soi. La vision Shambhala nous enseigne que devant les graves problèmes du monde nous pouvons être héroïques et bienveillants à la fois. Cette vision est le contraire de l'égoïsme. Quand nous avons peur de nous-mêmes et que le monde nous paraît menaçant, nous devenons extrêmement égoïstes. Nous tâchons alors de bâtir notre petit nid bien à nous, notre propre cocon, afin d'y vivre seul et en sécurité.
Quand on est complètement doux, dépourvu d'orgueil et d'agression, on peut percevoir tout ce que l'univers a de brillant ; on parvient à une perception véritable de l'univers.
Cahiers d'insouciance
Alexandre Jollien
Éditions Gallimard
Comment se départir d'un état d'alarme permanent, abandonner le souci et s'ouvrir authentiquement à une vie plus généreuse, plus libre ? Comment oser la non-peur et la confiance ? À l'heure où l'individualisme gagne du terrain, il est tentant, pour moins souffrir, de se blinder, voire de démissionner. Chögyam Trungpa comme le Bouddha, Spinoza, Nietzsche et tant d'autres peuvent nous inspirer une voie bien plus audacieuse. Les Cahiers d'insouciance constituent une tentative, un essai pour s'affranchir de la tyrannie des passions tristes et nous jeter dans la joie inconditionnelle. Une vie spirituelle qui ne rendrait pas meilleur, plus solidaire et qui laisserait quiconque sur le bas-côté ne vaut pas une heure de peine !
Deux défis traversent ces Cahiers : se détacher de tout sans renoncer au don de soi, à l'engagement, et contribuer ainsi à une société plus éveillée ; faire passer l'autre avant la voracité du moi. Ces carnets de route envisagent le quotidien, les blessures et les manques, les désirs et la peur, les liens et le partage.
https://www.laprocure.com/product/323590/cahiers-d-insouciance
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