AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,07

sur 92 notes
5
5 avis
4
11 avis
3
0 avis
2
1 avis
1
0 avis
Marina Tsvetaieva, une vie insomniaque.

“Ainsi dans ma nuit splendide
une scie me passe sur le coeur.”

Son coeur nu, son épuisement électrique, son arrachante détresse, sa rébellion enflammée et fière qu'aucun blizzard ne peut refroidir, les châteaux de cendres qu'elle laisse derrière chacune de ses fiévreuses éruptions romantiques, sont autant de fardeaux partagés avec ses lecteurs par le biais d'une poésie décapante où l'on devine le flot ardent du sang en fusion sous l'épiderme volcanique.

“crisse la glace. Grincent des gonds :
La Taïga gronde et s'engouffre.”

Malgré les choix cornéliens entre le rythme et le sens auxquels sont confrontés les différents traducteurs et face au mur de l'intraduisible qu'oppose parfois le russe au français (Sophie Benech, Eve Malleret, Elsa Triolet, René Char pour n'en citer que quelques uns) le caractère singulier de la poésie de Tsvetaieva nous parvient indéfectiblement et notamment son rythme, saccadé, haletant, altier, effréné parfois, ses plaintes, ses reproches, ses cris, son abandon et ses silences aussi.
Nous sentons tantôt la tiède buée sortie de la bouche de cette poétesse, fragile hermine immaculée dans l'aube prédatrice des plaines sibériennes, et tantôt elle se mue en Chimère, les fumées âcres du Zilant draconique jettent toutes leurs flammes dans la bataille des mots pour conjurer, en un instant de raison, la froideur des neiges et des coeurs slaves.

“Dans le relent du lit
Boire goutte à goutte la nuit,
c'est s'étouffer ! Bois”

“Comme embrasser l'âbime”. Cette grande amoureuse des poètes de son temps d'Akhmatova à Pasternak ou encore Rilke et Mandelstam avec lequel, d'après Véronique Lossky, elle eu une liaison, préférait néanmoins les relations en rêves ou par lettres. Sa vie dans l'indigence en banlieue parisienne, sa relation complexe à la maternité, tout cela ne se retrouve qu'à peine dans ses textes. La passion idéalisée, fictionnelle y tient au contraire une place importante.

"Nos poèmes, ce sont nos enfants. Ils sont plus âgés que nous parce qu'ils vivront plus longtemps que nous. Plus âgés que nous depuis l'avenir. Voilà pourquoi ils nous sont aussi parfois étrangers."

Pourtant Tsvetaieva ne s'économise pas dans la vie réelle. Son suicide dans la misère matérielle et affective la plus totale, dans l'impitoyable hiver de la liberté soviétique, n'est pas sans rappeler celui de Maïakovski, mais aussi les morts d'autres écrivains de Gary à Kleist, de Kawabata à Plath en passant par Pavese, Hemingway ou Arenas, qu'ont-ils tous en commun, tous ces poètes que la littérature a perdus autant qu'elle a sauvés ? Peut-être ces quelques vers de Marina esquissent un début de réponse :

“Il y a au monde des hommes en trop
des superflus, pas dans la norme (…)
il y a au monde des gens creux, muets
on les rejette comme du fumier.”

Ces gens là, et c'est peut-être leur abîme, racontent des histoires, certes, mais, dans leur extra-lucidité, insupportable au commun des vivants, ne se racontent jamais d'histoires à eux-mêmes. Que faire de ces êtres, de ces poètes, ces phares ? Que peuvent-ils espérer du corps social ?

Qu'en pensez-vous ?
Commenter  J’apprécie          9113
Une poésie vibrante qui se glisse dans les failles du sommeil illuminant les nuits blanches. Impossible pour moi de tourner, de me retourner, chorégraphie étoilée bien vaine, lorsque je me débats avec cette ingrate insomnie. Non, la nuit je lis, je lis effrontément, et m'en lave les mains… tandis que d'autres, comme Marina Tsvétaïéva, trouvent dans ces heures somnambules les ressources pour écrire ce qu'il y a de plus profond en eux, pour écrire la beauté. La nuit comme creuset de la vie. Je me nourris de ces poèmes, à « l'heure des sources dénudées ». Je bois des litres d'encre noire, me brûle à ce magma toujours incandescent malgré leur ancienneté. Et voilà de quoi je me suis abreuvée cette nuit : « Insomnie et autres poèmes » de Marina Tsvétaïéva dont je connaissais déjà le manifeste lesbien « Mon frère féminin ». « Insomnie » est un recueil qui regroupe les poèmes de l'auteure de 1914 à 1941.

Chaque poème révèle des facettes de cette grande poète russe, qui vécut entre 1892 et 1941, période particulière durant laquelle les femmes russes réclament et obtiennent le droit de vote (en 1917 !). Période durant laquelle elle entretient une relation avec Sonia Parnok. Les premiers poèmes lui sont dédiés et font justement penser à son manifeste lesbien. Choquant, vous imaginez, pour les moeurs de l'époque. Chaque poème met en valeur les paradoxes de cette femme, aujourd'hui reconnue comme l'un des plus grands poètes du 20ème siècle, femme à la fois sombre et lumineuse, croyante et athée, passionnée et accablée, exaltée… Intègre.

Sa vie est marquée par l'exil, suite à la révolution bolchévique, puis par un suicide en 1941, deux ans après son retour sur la terre natale. Une de ses filles meurt de faim en 1920. Ecorchée comme beaucoup de poètes. Ces drames se retrouvent dans sa poésie.

Le livre démarre par des poèmes pour Sonia, « l'amie » s'intitule la première partie, l'amie aimée, l'amoureuse :

Là, par les galets, gorgée de vase
Pour une gorgée de passion !
Je t'avais si hautement aimée :
Je me suis dans le ciel inhumée !

Car ce frisson – là – se peut-il
Qu'il ne soit, lui qu'un rêve ? –
Car, par une délicieuse ironie,
Vous – vous n'est pas lui.

Ta robe – noire carapace de soie,
Ta voix, un peu rauque, à la tzigane,
J'ai mal tant j'aime tout en toi
Et même que tu ne sois pas une beauté.

Il se poursuit avec « Insomnie », coeur du livre :

Elle m'a entouré les yeux d'un cercle
D'ombre – l'insomnie.
L'insomnie a ceint mes yeux
D'une couronne d'ombre

Les poèmes s'égrènent, comme les années…si le recueil démarre en 1914, il se termine en 1941. Il est intéressant de noter l'évolution de l'écriture, des thèmes abordés. Nous sentons un vrai changement de ton dans les poèmes de l'exil, ceux à partir de 1918, l'absurdité, le non-sens, l'abattement prenant le dessus :

Ma journée est absurde de non-sens
Je demande au pauvre une aumône
Je donne au riche généreusement
J'enfile dans l'aiguille un rayon
Je confie ma clé au brigand
Et je farde mes joues de blanc
Le pauvre ne me donne pas de pain
Le riche ne prend pas mon argent,
Dans l'aiguille le rayon n'entre pas…
Il entre sans clé le brigand
Et la sotte pleure à seaux
Sur sa journée de non-sens

La guerre, la mort ne font pas exception, voyez ce poème que je trouve magnifique :

Tout rangés en rang
Sans partage
A bien voir les soldats
Où sont les nôtres ? Et les autres ?
Il était Blanc – le voilà rouge
Rouge de sang.
C'était un Rouge – le voilà blanc
Blanc de mort.

L'année 1920, marquée par la mort de sa fille, transparait en filigrane, de façon poignante et s'entremêle avec ce poème « chanson » dédié à la fin de l'amour :

Hier encore ses yeux cherchaient les miens
A cette heure son regard est ailleurs
Hier encore chez moi jusqu'aux oiseaux :
L'alouette à cette heure m'est corbeau

Jusqu'à ses derniers vers avant le suicide :
Il est temps
D'ôter l'ambre,
De changer les mots
Et d'éteindre la lampe
Au-dessus de ma porte

De l'amour à la mort, du rouge au blanc, ce recueil aura été un voyage nocturne, une pensée émue pour cette femme russe au lyrisme nostalgique…De tout ce recueil, deux vers qui me hantent et resteront gravés en moi : « tu m'as appris à vivre au coeur du feu, et tu m'as jetée dans la steppe glacée »…comme un message adressé à la vie. Poignant.




Commenter  J’apprécie          8741
Sa famille décimée, Marina Tsvétaïéva s'est donnée la mort dans une ville perdue de l'URSS en 1941.
Elle avait seulement 24 ans lorsqu'éclata la guerre civile de 1917, année qui verra la Russie basculer après la révolution d'Octobre vers des décennies de dictature. La marche tragique de l'Histoire n'avait que faire de ce petit bout de femme, fût-elle une immense poétesse.

Telles de petites notes de musique, les vers de Marina Tsvétaïéva tintent agréablement à l'oreille. Deux courts poèmes lus à haute voix pour goûter à cette douce musicalité ! Le premier de 1918 s'inscrit dans une série thématique sur l'inspiration et le travail du poète :

“J'ai dit. Un autre l'a entendu
Doucement l'a redit. le troisième l'a compris.
Avec son gros bâton de chêne le quatrième est parti
Dans la nuit, accomplir un exploit,
Et le monde en a fait une chanson.
J'avance avec aux lèvres cette chanson,
Au devant de la mort, ô ma vie !”

Le second de 1920 est une sorte de lamentation sur les morts de la guerre civile :

“Tous couchés en rangs
Sans partage.
À bien voir les soldats,
Où sont les nôtres ? Et les autres ?
Il était Blanc - le voilà rouge
Rouge de sang.
C'était un Rouge - le voilà blanc
Blanc de mort.”

La préface de Zéno Bianu, intitulée ‘' Le chant magnétique”, introduit avec passion ‘'Insomnie et autres poèmes''. Le poète et essayiste français, subjugué par le talent impétueux de son aînée, met en exergue la soif de vivre de la moscovite, son lyrisme profondément nocturne et insomniaque, sa façon inimitable d'empoigner l'univers.

Le cauchemar soviétique a duré 69 ans.
La poésie de Marina Tsvétaïéva est éternelle !
Commenter  J’apprécie          696

La poésie de Marina Tsvétaïeva est comme elle: passionnée, changeante, aérienne. D'ailleurs les nombreux points d'exclamation qui jalonnent ses poèmes témoignent de son âme exaltée.

Il faut dire que sa vie a été tumultueuse: les deuils, l'exil, la pauvreté, mais aussi les rencontres amoureuses des deux sexes, les amitiés fortes, les échanges épistolaires avec d'autres écrivains . La mort qu'elle s'est donnée , peu de temps après être revenue en Russie, aura pourtant eu raison de son appétit de vie...

J'ai trouvé ses textes très rythmés, tourbillonnants souvent, à son image, comme ces mots dédiés à sa fille Ariadna:

" Nuages autour.
Coupoles autour.
Par-dessus Moscou
de toutes mes mains!
Je te hisse au ciel, mon radieux fardeau,
Mon beau petit arbre
Qui ne pèse rien! "

Tout est élan, feu, pulsion de vie, dans sa poésie, et le lecteur se sent comme entraîné dans une danse. Mais l'angoisse et le spectre de la mort s'invitent aussi. Et ce poème inédit, retrouvé dans ses papiers, après son suicide, résonne comme une préfiguration de sa mort et se révèle fort émouvant:

" Il est temps
D'ôter l'ambre,
de changer les mots
Et d'éteindre la lampe
Au-dessus de ma porte"

Une femme poète à ne pas oublier, à lire et relire!
Commenter  J’apprécie          395
Quatre heures du matin. La machine à rêves s'est arrêtée. Panne de courant dans la fabrique à songes. Je soulève une paupière comme on hélitreuille une masse inerte hors de l'eau. Qui diable ose m'extirper de ce sommeil ? Personne, c'est le calme plat dans la chambre. Commence alors la ritournelle d'une danse à l'horizontale. Flanc droit, sur le dos, flanc gauche et soupir avant de faire repartir le mouvement. Comme si le fait de changer de positions avait déjà été efficace face à l'insomnie. Cette chorégraphie d'une fin de nuit précipitée aurait pu s'appeler “À la recherche du sommeil disparu” mais c'eût été trop charmant face à l'agacement bien réel de ces heures éveillées, … jamais vraiment récupérées !

Il existe une poignée de personnes qui mettent la nuit à profit pour dérouler le tapis rouge à l'écriture. Quand les uns ronflent à l'unisson et les autres se débattent avec l'insomnie, eux font couler d'une traite des litres d'encre. Leur imagination se déverse sur des pages entières alors que le soleil n'a pas encore montré un signe de vie. D'après les correspondances retrouvées et les poèmes qu'elle écrivit, Marina Tsvétaïeva fut de ces écrivains-là. Voici une petite analyse de son recueil de poésie Insomnie et autres poèmes.

Difficile d'évoquer cette poétesse russe en faisant fi de l'Histoire du féminisme en Russie. Tsvétaïeva vécut entre 1892 et 1941, c'est-à-dire durant cette période particulière où les femmes russes revendiquent et obtiennent une série de droits civils dont le droit de vote en 1917 — alors que la France n'accordera le droit de vote à ses concitoyennes qu'en 1944. de par sa vie où elle entretint une relation avec Sonia Parnok, et par ses poèmes, dont certains sont en totale rupture avec les moeurs de l'époque,on pense notamment au manifeste lesbien Mon frère féminin, elle entre peu à peu dans la littérature mondiale féministe. À l'heure où la condition de la Femme est entrain de patauger en Russie, on se demande ce qu'en aurait pensé Tsvétaïeva, elle qui connu ce pan de l'Histoire où les femmes russes se rapprochaient, en considération, des hommes.

Le recueil commence, d'ailleurs, par une série de poèmes en l'honneur de Sonia Parnok, l'amie. Quelques lignes versifiées et c'est déjà le coeur de l'écriture de Tsvétaïeva qui se met à découvert. C'est doux tout en étant désenchanté. Les mots sont à fleur de peau sans être virulents et le sens des textes est clairement compréhensible. Un des merveilleux pouvoirs de l'écriture, et à plus forte raison en poésie, est de créer des images sans aucun support visuel. À ce titre, la poétesse russe n'a aucun mal à laisser son empreinte :

« Vous aviez la flemme de vous habiller, et

Vous aviez la flemme de quitter vos fauteuils.

— Mais chacun de vos jours à venir

Serait gai de ma gaîté.

Vous n'aimiez surtout pas sortir

Si tard, dans la nuit, dans le froid.

— Mais chacune de vos heures à venir

Serait jeune de ma gaîté.

Vous l'avez fait sans penser à mal,

Innocemment, irrémédiablement.

— J'étais votre jeunesse,

Qui passe. »

Et puis il y a le coeur du recueil, celui dédié à l'insomnie. Marina Tsvétaïeva fut une poétesse de la nuit. Elle y trouva une énergie créatrice où l'encre coula à flot sur des milliers de feuilles. Intarissable ! Oui, c'est l'adjectif qui colle aux baskets de cette auteure russe tant sa plume ne cessait d'écrire dans l'obscurité. Tsvétaïeva rime avec un nom claqué contre les quatre murs d'une chambre et dont l'écho revient continuellement. Il y a, certes, une douceur dans ses textes somnambules mais il y a surtout une tempête intérieure qui se traduit par ce genre de vers écrits en 1916 « Qui dort chaque nuit ? – Personne ne dort ! L'enfant crie dans son berceau – le vieillard est face à la mort – le jeune homme parle avec son amie – le souffle, à ses lèvres, les yeux dans ses yeux ». Il y a chez cette poétesse russe quelque-chose d'instantané et d'épidermique. Ce n'est pas pour rien que ses poèmes sont très appréciés de la jeune génération russe. Même si certains textes se heurtent au poids des années, il n'en reste pas moins que la majorité des poèmes publiés dans Insomnies et autres poèmes sont d'une modernité bien vivante.

Que retenir de ce recueil ? Une belle introduction au monde de Marina Tsvétaïeva où la réalité d'une vie se lit à travers la voix d'une des plus grandes poétesses du XXème siècle. L'auteure russe fut une amoureuse, une amie, une expatriée, une croqueuse d'instants ou encore une féministe ! Ses poèmes sont parmi les plus beaux de ce qu'on appelle en Russie l'Âge d'argent de la littérature. Et ce qui ne gâche pas le plaisir, c'est qu'ils se lisent très bien en français puisque Tsvétaïeva parlait couramment la langue De Voltaire. 😉
Lien : https://lespetitesanalyses.c..
Commenter  J’apprécie          354
"La tanière pour la bête,
Le chemin pour le pèlerin,
Le corbillard pour le mort.
A chacun son bien (...) "
Écrit Marina Tsvétaïéva en 1916. Effectivement, à chacun son bien, à chacun sa vie. de 1914 à 1941, les poèmes contenus dans ce recueil retracent une partie des émotions de cette poétesse, une des plus importantes du XXe siècle, qui a connu une vie très mouvementée à travers l'Europe et la Russie.
"Je ne crois pas que nous ayons besoin, en poésie, d'une exacte relation des faits... l'exercice de la poésie a progressivement broyé, puis passé au tamis l'existence", peut-on encore lire en exergue de la chronologie de sa vie. Sa poésie exprime les tourments de sa vie et de son époque. Peu importe les exactitudes avérées, ce qu'il faut relever, c'est la manière dont elle a utilisé le matériau brut de sa vie pour la mettre en vers. Une vie faite de pleins et de déliés. La richesse de sa poésie tient à ce qu'elle a su sublimer cette existence tour à tour faite de bonheur intense et de défaites. Ses poèmes témoignent de ces fulgurances de l'époque. J'avais déjà lu les poèmes de sa congénère Anna Akhamatova, pour qui elle a d'ailleurs composé quelques vers. Bien que leurs poésies soient différentes et ne traitent pas exactement des mêmes points de vue, elles restent toutes deux à travers leurs vers les témoins d'une époque mouvementée, où la Russie et l'Europe basculent dans l'horreur.
"Âme, tu ignores toute mesure,
Âme fustigée, âme mutilée,
Tu as le languir du fouet.
Âme qui accueille son bourreau,
Comme le papillon s'arrache à la chrysalide ! (...)"
Ecrit-elle en 1921. C'est une poésie de l'âme, du coeur, de l'émotion qui suinte à chaque mot. On peut sentir la violence sourde qui émane de ces textes. La violence de son époque qu'elle doit porter, retranscrire dans ses vers.
"Il n'est pas mort, il vit,
Le démon, dans mon corps
Comme, à fond de cale,
En soi, comme en prison.
Le monde n'est que murs.
Pour seule issue : la hache. (...)"
Vous aurez compris qu'il faut absolument lire ce recueil bouleversant de cette grande dame de la poésie qu'est Marina Tsvétaïéva.
Commenter  J’apprécie          320
Passionnante Marina Tsvetaieva. Comme j'ai aimé parcourir sa poésie brûlante, fougueuse et grouillante de vie. Marina Tsvetaieva, tellement vivante que j'avais l'impression de l'entendre me chanter ses poèmes. Des poèmes tranchants comme l'aurore, bien loin de la mièvrerie et des bonnes convenances, puisqu'elle assume sa bisexualité « ni femme, ni garçon, mais / quelque chose de plus fort que moi », une jalousie féroce et des joutes amoureuses où il n'y a ni vainqueur ni vaincu.

Mais Marina est aussi une enfant de son siècle, nullement coupée de la réalité. Que du contraire, car elle prendra en pleine figure toutes les grandes catastrophes du XXème siècle, étant née Russe en 1892 et suicidée en URSS en 1941. Une vie faite de drames et de révolte, car ici aussi elle aura l'audace d'apostropher « le Seigneur : Pourquoi trouer les poitrines ? », en 1916. Un exemple parmi d'autres.

Marina se consume, entre amours ravageurs et tragédies du siècle. Un siècle qui « met les rêves en conserves » et laisse très peu de place aux poètes :

« Qu'ai-je à faire moi, chanteuse de métier
Sur un fil, glace, soleil, Sibérie !
Obsessions, danses et chants sur les ponts
Moi légère, dans ce monde de poids et de comptes ? »

Peut-être est-ce pour cela que la poète trouve refuge dans la nuit, cette heure de l'âme, et se lie d'amitié avec l'insomnie ?

Dans ce recueil, Tsvetaieva rend aussi hommage aux autres poètes russes comme Anna Akhmatova – complice égarée de la nuit blanche où elle nait - , Blok qui passe à l'ouest du soleil tandis que la neige efface sa trace, Maïakovski, Pasternak, … Elle nous lance comme une invitation à les découvrir toutes et tous. Et cette invitation, vous l'aurez compris, je l'accepte avec énormément de plaisir.
Commenter  J’apprécie          320
Grâce à ce recueil de poésie, publié dans la collection Poésie/ Gallimard, j'ai découvert une poétesse russe dont la vie fut tragique.
Il est le complément d'un précédent volume, et commence par L'Amie, publiée en 1914. Il suffit de consulter régulièrement sa biographie tout en lisant les poèmes dans l'ordre chronologique (tels qu'ils sont proposés), pour confirmer qu'aux premiers poèmes d'allégresse, d'effronterie face à la vie, d'amour exalté, succèdent des textes beaucoup plus sombres. Petit-à-petit, la guerre puis l'exil et la disparition de nombreux proches, l'amènent vers une écriture lucide, plus froide, où le thème de la mort apparaît de plus en plus souvent.
Le recueil se termine par un très court poème émouvant et sans espoir, écrit quelques mois avant son suicide:

Il est temps
D'ôter l'ambre,
De changer les mots
Et d'éteindre la lampe,
Au-dessus de ma porte

Cette femme qui disait "ma spécialité à moi, c'est la Vie" sombre littéralement par l'écrit dans tout ce que la vie lui a apporté comme souffrance, née artiste dans un pays et une époque hostile à ce milieu.

Je trouve qu'il est difficile de vraiment apprécier, entrer dans ces poèmes si on ne s'intéresse pas à la biographie de Marina Tsvétaïéva tant ils peuvent paraître obscurs et mystérieux. Non moins de 19 traducteurs ont participé à ces traductions - notamment René Char et Elsa Triolet - apportant, je suppose, chacun leur patte, et d'autant plus quand il s'agit de poésie, on peut se demander jusqu'à quel point on reste proche de l'original, en particulier quand ils ont ce caractère.
Commenter  J’apprécie          300
De Marina Tsvetaïeva, je ne connaissais que sa vie tourmentée et tragique, son exil en France et son suicide en Union Soviétique durant la deuxième guerre mondiale, et ne connaissais pas son oeuvre.

C'est donc sur le tard que je lis une petite partie de ses poèmes rassemblés dans ce recueil intitulé Insomnie et autres poèmes, un recueil qui parcourt toute sa vie créatrice.
J'ai mis du temps à tous les lire et les relire à haute voix, pour bien m'en imprégner. Et ce recueil, qui est sur ma table de chevet depuis plus d'un mois, est là pour y rester longtemps, car je suis loin d'en avoir fait le tour.

Que c'est beau, passionné, terrible, bouleversant, magique!
Je sors bousculé, chamboulé par cette poésie incandescente, impétueuse, à fleur de peau, parfois cruelle et impitoyable, parfois si tendre.
Et puis, il y a le mystère du choix de tous ces mots (grâce soit rendue à toutes ces traductrices et traducteurs, parfois prestigieux :Elsa Triolet, René Char), et ce rythme souvent heurté, absolument magnifique.

Mention spéciale pour le long, merveilleux et énigmatique poème « le Poème de l'air», un prodigieux voyage magique de libération vers un autre monde.

Marina Tsvetaïeva m'a donné, plus tout autre poétesse ou poète, le sentiment de vouloir chanter le monde dans toute son horreur et sa beauté comme si sa vie en dépendait, de vouloir saisir le monde dans son entièreté, dans sa magie et ses cauchemars.

En conclusion, sûrement la poésie la plus extraordinaire qu'il m'ait été donné de lire depuis longtemps.
Commenter  J’apprécie          283
S'il m'arriva parfois de lire des extraits de poésie de Marina Tsvetaïeva, et d'en être subjuguée, les poèmes regroupés dans le présent recueil n'ont produit qu'un effet dilué dans une forme de torpeur anti insomniaque. Est-ce que nous lisons de la poésie pour ses effets ? Je ne sais pas. La littérature pose des questions qui ne se présentent pas dans la philosophie ou dans la science, qui conviennent donc mieux aux simples d'esprit auxquels j'appartiens.


Alors quoi ? faut-il lire ces poèmes jusqu'à s'en imbiber de force ? Est-il possible de les aimer par la sympathie que m'inspirent la vie et la personne de Marina ? N'est-ce pas le bon moment, ni la bonne personne ? Puis-je trouver des bonnes raisons justifiantes ? Il paraît par exemple que la traduction de ces poèmes a sollicité la collaboration de 19 personnes. Sacré foutoir. Mais ceci dit, rien n'est dit.


Peu importent les raisons, d'autres sauront apprécier ce recueil à sa juste valeur, et j'en lirai d'autres.
Commenter  J’apprécie          282




Lecteurs (240) Voir plus



Quiz Voir plus

Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

Paris
Marseille
Bruxelles
Londres

10 questions
1229 lecteurs ont répondu
Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

{* *}