AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,07

sur 92 notes
5
5 avis
4
11 avis
3
0 avis
2
1 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Marina Tsvetaieva, une vie insomniaque.

“Ainsi dans ma nuit splendide
une scie me passe sur le coeur.”

Son coeur nu, son épuisement électrique, son arrachante détresse, sa rébellion enflammée et fière qu'aucun blizzard ne peut refroidir, les châteaux de cendres qu'elle laisse derrière chacune de ses fiévreuses éruptions romantiques, sont autant de fardeaux partagés avec ses lecteurs par le biais d'une poésie décapante où l'on devine le flot ardent du sang en fusion sous l'épiderme volcanique.

“crisse la glace. Grincent des gonds :
La Taïga gronde et s'engouffre.”

Malgré les choix cornéliens entre le rythme et le sens auxquels sont confrontés les différents traducteurs et face au mur de l'intraduisible qu'oppose parfois le russe au français (Sophie Benech, Eve Malleret, Elsa Triolet, René Char pour n'en citer que quelques uns) le caractère singulier de la poésie de Tsvetaieva nous parvient indéfectiblement et notamment son rythme, saccadé, haletant, altier, effréné parfois, ses plaintes, ses reproches, ses cris, son abandon et ses silences aussi.
Nous sentons tantôt la tiède buée sortie de la bouche de cette poétesse, fragile hermine immaculée dans l'aube prédatrice des plaines sibériennes, et tantôt elle se mue en Chimère, les fumées âcres du Zilant draconique jettent toutes leurs flammes dans la bataille des mots pour conjurer, en un instant de raison, la froideur des neiges et des coeurs slaves.

“Dans le relent du lit
Boire goutte à goutte la nuit,
c'est s'étouffer ! Bois”

“Comme embrasser l'âbime”. Cette grande amoureuse des poètes de son temps d'Akhmatova à Pasternak ou encore Rilke et Mandelstam avec lequel, d'après Véronique Lossky, elle eu une liaison, préférait néanmoins les relations en rêves ou par lettres. Sa vie dans l'indigence en banlieue parisienne, sa relation complexe à la maternité, tout cela ne se retrouve qu'à peine dans ses textes. La passion idéalisée, fictionnelle y tient au contraire une place importante.

"Nos poèmes, ce sont nos enfants. Ils sont plus âgés que nous parce qu'ils vivront plus longtemps que nous. Plus âgés que nous depuis l'avenir. Voilà pourquoi ils nous sont aussi parfois étrangers."

Pourtant Tsvetaieva ne s'économise pas dans la vie réelle. Son suicide dans la misère matérielle et affective la plus totale, dans l'impitoyable hiver de la liberté soviétique, n'est pas sans rappeler celui de Maïakovski, mais aussi les morts d'autres écrivains de Gary à Kleist, de Kawabata à Plath en passant par Pavese, Hemingway ou Arenas, qu'ont-ils tous en commun, tous ces poètes que la littérature a perdus autant qu'elle a sauvés ? Peut-être ces quelques vers de Marina esquissent un début de réponse :

“Il y a au monde des hommes en trop
des superflus, pas dans la norme (…)
il y a au monde des gens creux, muets
on les rejette comme du fumier.”

Ces gens là, et c'est peut-être leur abîme, racontent des histoires, certes, mais, dans leur extra-lucidité, insupportable au commun des vivants, ne se racontent jamais d'histoires à eux-mêmes. Que faire de ces êtres, de ces poètes, ces phares ? Que peuvent-ils espérer du corps social ?

Qu'en pensez-vous ?
Commenter  J’apprécie          9113
Sa famille décimée, Marina Tsvétaïéva s'est donnée la mort dans une ville perdue de l'URSS en 1941.
Elle avait seulement 24 ans lorsqu'éclata la guerre civile de 1917, année qui verra la Russie basculer après la révolution d'Octobre vers des décennies de dictature. La marche tragique de l'Histoire n'avait que faire de ce petit bout de femme, fût-elle une immense poétesse.

Telles de petites notes de musique, les vers de Marina Tsvétaïéva tintent agréablement à l'oreille. Deux courts poèmes lus à haute voix pour goûter à cette douce musicalité ! Le premier de 1918 s'inscrit dans une série thématique sur l'inspiration et le travail du poète :

“J'ai dit. Un autre l'a entendu
Doucement l'a redit. le troisième l'a compris.
Avec son gros bâton de chêne le quatrième est parti
Dans la nuit, accomplir un exploit,
Et le monde en a fait une chanson.
J'avance avec aux lèvres cette chanson,
Au devant de la mort, ô ma vie !”

Le second de 1920 est une sorte de lamentation sur les morts de la guerre civile :

“Tous couchés en rangs
Sans partage.
À bien voir les soldats,
Où sont les nôtres ? Et les autres ?
Il était Blanc - le voilà rouge
Rouge de sang.
C'était un Rouge - le voilà blanc
Blanc de mort.”

La préface de Zéno Bianu, intitulée ‘' Le chant magnétique”, introduit avec passion ‘'Insomnie et autres poèmes''. Le poète et essayiste français, subjugué par le talent impétueux de son aînée, met en exergue la soif de vivre de la moscovite, son lyrisme profondément nocturne et insomniaque, sa façon inimitable d'empoigner l'univers.

Le cauchemar soviétique a duré 69 ans.
La poésie de Marina Tsvétaïéva est éternelle !
Commenter  J’apprécie          696

La poésie de Marina Tsvétaïeva est comme elle: passionnée, changeante, aérienne. D'ailleurs les nombreux points d'exclamation qui jalonnent ses poèmes témoignent de son âme exaltée.

Il faut dire que sa vie a été tumultueuse: les deuils, l'exil, la pauvreté, mais aussi les rencontres amoureuses des deux sexes, les amitiés fortes, les échanges épistolaires avec d'autres écrivains . La mort qu'elle s'est donnée , peu de temps après être revenue en Russie, aura pourtant eu raison de son appétit de vie...

J'ai trouvé ses textes très rythmés, tourbillonnants souvent, à son image, comme ces mots dédiés à sa fille Ariadna:

" Nuages autour.
Coupoles autour.
Par-dessus Moscou
de toutes mes mains!
Je te hisse au ciel, mon radieux fardeau,
Mon beau petit arbre
Qui ne pèse rien! "

Tout est élan, feu, pulsion de vie, dans sa poésie, et le lecteur se sent comme entraîné dans une danse. Mais l'angoisse et le spectre de la mort s'invitent aussi. Et ce poème inédit, retrouvé dans ses papiers, après son suicide, résonne comme une préfiguration de sa mort et se révèle fort émouvant:

" Il est temps
D'ôter l'ambre,
de changer les mots
Et d'éteindre la lampe
Au-dessus de ma porte"

Une femme poète à ne pas oublier, à lire et relire!
Commenter  J’apprécie          395
"La tanière pour la bête,
Le chemin pour le pèlerin,
Le corbillard pour le mort.
A chacun son bien (...) "
Écrit Marina Tsvétaïéva en 1916. Effectivement, à chacun son bien, à chacun sa vie. de 1914 à 1941, les poèmes contenus dans ce recueil retracent une partie des émotions de cette poétesse, une des plus importantes du XXe siècle, qui a connu une vie très mouvementée à travers l'Europe et la Russie.
"Je ne crois pas que nous ayons besoin, en poésie, d'une exacte relation des faits... l'exercice de la poésie a progressivement broyé, puis passé au tamis l'existence", peut-on encore lire en exergue de la chronologie de sa vie. Sa poésie exprime les tourments de sa vie et de son époque. Peu importe les exactitudes avérées, ce qu'il faut relever, c'est la manière dont elle a utilisé le matériau brut de sa vie pour la mettre en vers. Une vie faite de pleins et de déliés. La richesse de sa poésie tient à ce qu'elle a su sublimer cette existence tour à tour faite de bonheur intense et de défaites. Ses poèmes témoignent de ces fulgurances de l'époque. J'avais déjà lu les poèmes de sa congénère Anna Akhamatova, pour qui elle a d'ailleurs composé quelques vers. Bien que leurs poésies soient différentes et ne traitent pas exactement des mêmes points de vue, elles restent toutes deux à travers leurs vers les témoins d'une époque mouvementée, où la Russie et l'Europe basculent dans l'horreur.
"Âme, tu ignores toute mesure,
Âme fustigée, âme mutilée,
Tu as le languir du fouet.
Âme qui accueille son bourreau,
Comme le papillon s'arrache à la chrysalide ! (...)"
Ecrit-elle en 1921. C'est une poésie de l'âme, du coeur, de l'émotion qui suinte à chaque mot. On peut sentir la violence sourde qui émane de ces textes. La violence de son époque qu'elle doit porter, retranscrire dans ses vers.
"Il n'est pas mort, il vit,
Le démon, dans mon corps
Comme, à fond de cale,
En soi, comme en prison.
Le monde n'est que murs.
Pour seule issue : la hache. (...)"
Vous aurez compris qu'il faut absolument lire ce recueil bouleversant de cette grande dame de la poésie qu'est Marina Tsvétaïéva.
Commenter  J’apprécie          320
Grâce à ce recueil de poésie, publié dans la collection Poésie/ Gallimard, j'ai découvert une poétesse russe dont la vie fut tragique.
Il est le complément d'un précédent volume, et commence par L'Amie, publiée en 1914. Il suffit de consulter régulièrement sa biographie tout en lisant les poèmes dans l'ordre chronologique (tels qu'ils sont proposés), pour confirmer qu'aux premiers poèmes d'allégresse, d'effronterie face à la vie, d'amour exalté, succèdent des textes beaucoup plus sombres. Petit-à-petit, la guerre puis l'exil et la disparition de nombreux proches, l'amènent vers une écriture lucide, plus froide, où le thème de la mort apparaît de plus en plus souvent.
Le recueil se termine par un très court poème émouvant et sans espoir, écrit quelques mois avant son suicide:

Il est temps
D'ôter l'ambre,
De changer les mots
Et d'éteindre la lampe,
Au-dessus de ma porte

Cette femme qui disait "ma spécialité à moi, c'est la Vie" sombre littéralement par l'écrit dans tout ce que la vie lui a apporté comme souffrance, née artiste dans un pays et une époque hostile à ce milieu.

Je trouve qu'il est difficile de vraiment apprécier, entrer dans ces poèmes si on ne s'intéresse pas à la biographie de Marina Tsvétaïéva tant ils peuvent paraître obscurs et mystérieux. Non moins de 19 traducteurs ont participé à ces traductions - notamment René Char et Elsa Triolet - apportant, je suppose, chacun leur patte, et d'autant plus quand il s'agit de poésie, on peut se demander jusqu'à quel point on reste proche de l'original, en particulier quand ils ont ce caractère.
Commenter  J’apprécie          300
S'il m'arriva parfois de lire des extraits de poésie de Marina Tsvetaïeva, et d'en être subjuguée, les poèmes regroupés dans le présent recueil n'ont produit qu'un effet dilué dans une forme de torpeur anti insomniaque. Est-ce que nous lisons de la poésie pour ses effets ? Je ne sais pas. La littérature pose des questions qui ne se présentent pas dans la philosophie ou dans la science, qui conviennent donc mieux aux simples d'esprit auxquels j'appartiens.


Alors quoi ? faut-il lire ces poèmes jusqu'à s'en imbiber de force ? Est-il possible de les aimer par la sympathie que m'inspirent la vie et la personne de Marina ? N'est-ce pas le bon moment, ni la bonne personne ? Puis-je trouver des bonnes raisons justifiantes ? Il paraît par exemple que la traduction de ces poèmes a sollicité la collaboration de 19 personnes. Sacré foutoir. Mais ceci dit, rien n'est dit.


Peu importent les raisons, d'autres sauront apprécier ce recueil à sa juste valeur, et j'en lirai d'autres.
Commenter  J’apprécie          282
Poésie saccadée comme un souffle haletant
Les interrogations nocturnes rythment le flot des maux
le flot de la parole, le flot des idées virevoltants -
Vie révoltante,
Auxquelles répondent les cris, les points d'exclamation
Sur Dieu, sur l'amour,
La poésie, le souffle,
Sur la mort...
Rêves, souffrances et passions d'une femme
Destin tragique d'une poétesse
Filé par les Moires
Dé-crié face à l'autre - le double
Le semblable mais différent,
L'invisible mais partout,
Le palpable mais absent,
Le présent mais fuyant,
Le sombre, la délivrance,
Le Tout et le néant.
Commenter  J’apprécie          150
Quoique moins connue que les plus illustres poètes russes du XXème siècle, Marina Tsvetaïeva (1892-1941) s'est signalée par une oeuvre des plus originales. Sa vie a été très difficile. Mise à l'index par Staline, elle a dû s'exiler (notamment en France) pour rejoindre son mari; puis celui-ci a été fusillé dès le retour en URSS. La guerre contre l'Allemagne ayant éclaté, elle a été obligée de quitter Moscou. Désespérée, elle s'est suicidée. Cette femme était remarquable, libre de moeurs (en particulier, elle était bisexuelle) et indépendante. Elle a écrit une oeuvre qui refuse l'asservissement au pouvoir soviétique mais aussi l'adhésion au monde moderne. On a redécouvert l'essentiel de sa production après son décès. Marina Tsvetaïeva a une manière d'écrire assez spéciale; à noter par exemple l'abus des tirets qui remplacent très souvent les virgules.
Certains des poèmes proposés dans ce volume ne me touchent pas spécialement. D'autres m'ont beaucoup plu. J'en ai mis quelques-uns en citation.
Commenter  J’apprécie          90
Marina Tsvétaïéva, poétesse russe de la première moitié du XX siècle, a vécu l'un des plus grands bouleversements historiques de la Russie. Façonnée dans cette époque complexe, sa poésie est une petite lucarne sur une vie faite de départs et de privations. le recueil « Après la Russie » est particulièrement fort. Chez Tsvétaïéva, l'exil devient une réflexion esthétique, comme chez Ivan Bounine ou encore Nina Berberova.
On peut aussi dire, pour ceux qui ont pu lire ces poèmes en version originale, que la traduction tient la route. La musicalité est toujours perceptible, l'émotion aussi.
Commenter  J’apprécie          50
Dans ces beaux textes, on retrouve son amour pour l'influence du romantisme français, traditionnel, classique, qui fonctionne si bien. On y trouve des hommages joyeux et doux à la mythologie grecque. Biberonné par le classicisme, le lecteur se laisse porter. La langue est belle mais est loin de m'avoir portée en émoi comme l'a fait le théâtre. L'autrice rend également hommage à la Russie, dans des poèmes nostalgiques et tout aussi doux. J'aime aussi la manière dont elle aborde l'amour. Ce n'est jamais un amour réellement heureux ou malheureux, jamais du pathos, jamais de la pitié. Plutôt la recherche de l'indifférence. L'ego parle, et on avait oublié que l'ego puisse être beau. Une douce indifférence, la volonté de l'être.

Pas seulement un ode au soleil ou a l'insomnie, mais très justement, à une ambiance de nuit.
Commenter  J’apprécie          30




Lecteurs (240) Voir plus



Quiz Voir plus

Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

Paris
Marseille
Bruxelles
Londres

10 questions
1229 lecteurs ont répondu
Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

{* *}