Un parfum de madeleine...
En une vingtaine de courts chapitres,
Jérôme Tubiana effeuille l'album de son printemps. de l'école de la rue du Pont-de-Lodi, en 1953, où il fit connaissance du déjà élancé
Patrick Modiano au Temple de la rue Cortambert, en 1970, pour les obsèques d'un cousin, où l'écrivain -en guise d'adieu (?)- lui "tape affectueusement sur l'épaule", Tubiana ausculte cette période d'amitié juvénile avec le futur prix Nobel.
Ces souvenirs* répondent en écho à ceux d'
Un Pedigree, livre des origines, sorte de fugue autobiographique que
Modiano livra en 2005. Les évocations de Tubiana traversent, soutiennent ou infirment les réminiscences de l'écrivain avec une légèreté contrapuntique.
Sans une once d'aigreur, avec humilité et affection, Tubiana rend hommage à un indéfectible attachement, celui qu'il porte depuis toujours à son ami fugace. Les aimables fantômes qu'il invoque avec probité (
Raymond Queneau,
Jeanne Moreau,
Serge Rezvani, Anne Vernon...) croisent les ombres plus équivoques de l'univers modianesque (Albert
Modiano et Luisa Colpeyn, les parents, Schiff Giorgini, ...). En filigrane de cette fouille dans les vestiaires de l'enfance, se déchiffre surtout l'incurable absence de Rudy, le petit frère de Patrick qui lui dédiera ses huit premiers
romans.
A la poursuite d'une vérité ondoyante, "le vague et doux résidu – mi-mémoire, mi-oubli – des heures (...) passées ensemble", Tubiana constate que "(…) même au point de vue des plus insignifiantes choses de la vie, nous ne sommes pas un tout matériellement constitué, identique pour tout le monde et dont chacun n'a qu'à aller prendre connaissance comme d'un cahier des charges ou d'un testament ; notre personnalité sociale est une création de la pensée des autres."**
Délicate apostille testimoniale à l'oeuvre de
Modiano, Fragments de jeunesse enchante.
* Recension impeccable de
Denis Cosnard, le Réseau
Modiano
**
Marcel Proust, du côté de chez Swann
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