CÈDRES
Je vous salue,
vous qui êtes,
dans la simplicité d’une racine,
avec la nuit pour chien de garde.
Vos bruits ont la splendeur des mots,
et la fierté des cataclysmes.
Je vous connais,
vous qui êtes,
hospitaliers comme mémoire ;
vous portez le deuil des vivants,
car l’envers du temps, c’est le temps.
Je vous épèle,
vous qui êtes,
aussi unique que le Cantique.
Un grand froid vous habille,
et le ciel à portée de branche.
Je vous défie,
vous qui hurlez sur la montagne
usant les syllabes jusqu’au sang,
Aujourd’hui c’est demain d’hier,
sur vos corps un astre couchant.
Je vous aime,
vous qui partez avec pour bannière le vent.
Je vous aime comme on respire,
vous êtes le premier Poème.
JE CUEILLE DES YEUX BLEUS
Je cueille des yeux bleus
dans la jungle des enfants
moi qui vient d'un pays
où le vent est ami moins sûr que la parole.
Ô mort d'une métamorphose
que de sables perdus
que de vies en absence.
Pour celui chercheur d'un oeil bleu
guidé par ses narines de chercheur d'or
il n'est de vérité qu'une présence
de terre qu'un corps en fleur
et d'arbre qu'un hoquet de paysage.
Je cueille des yeux bleus
comme autant de questions solaires
immortellement vôtres
et ces fontaines mères du soir
bleu liquide des choses simples.
En terre neuve d'oubli
je cueille des yeux bleus
et leurs longues pensées reposent dans mes mains.
Poèmes pour une histoire
Il y a sur tes paumes un début de chemin
le vent recouvre mes paupières
l'amour a laissé des traces de poussière.
Il fait nuit dans un livre qu'on range
et ta voix colorée comme l'eau.
Que reste-t-il du ciel ?
un cheval dessiné sur l'horizon ?
Ils disent c'est l'hiver et parlent d'un jardin qui tousse.
Il règne sur la pierre un destin étonné.
Poèmes pour une histoire
Ce chemin à hauteur d'enfant
divise mon corps
en une multitude
de racines dissemblables.
J'ai déjà parcouru les temps
fixant des visages de repère.
Je suis creuse d'attente,
et tous les mots du monde
ne le remplissent pas.
La douleur est ma boussole exacte.
La terre arrêtée - Pays des mots
JUILLET DE MA MEMOIRE
1982
Dans le flou du paysage,
après la mort des villes,
sur la ligne majeure d'un amour,
ton corps en souvenir.
Ô jardinier de la mémoire,
plante une fleur de certitude.
Dis-moi le nom de la maison
celle dont la forme est dans ma forme,
et l'ombre dans mon ombre.
Dis-moi l'arbre qui correspond
à la terre où je vais m'asseoir,
quand lumière et nuit se confondent.
Houtaf Khoury – Mille fois, mille prophètes de Nadia Tueni.