Nous avons tous entendu parler du génocide qui s'est déroulé au Rwanda. Certains y ont assisté, impuissants devant leur téléviseur. Mutesi en a été victime. Elle y a perdu toute sa famille. Elle y a survécu. Mais, à quel prix! Aujourd'hui, les collines sont silencieuses. Ce qui n'a pas toujours été le cas. On dit souvent que l'assassin revient sur le lieu de son crime. On oublie que la victime aussi. Mais pas pour les mêmes raisons. La victime a besoin de comprendre, d'expier le cauchemar.
Mutesi est retournée dans son pays beaucoup plus tard. Pour comprendre la folie humaine. Pour comprendre à quel moment son monde, si tranquille, s'est écroulé. A quel moment l'humain a perdu son humanité et retrouvé sa bestialité. Pas facile. Surtout quand on doit faire face au mutisme collectif. A la honte collective. Cependant, les souvenirs affluent. Les questionnements aussi. Surtout sur ce moment où l'amitié, la fraternité, la complicité entre voisins ont disparu. Ces moments de partage ont été oubliés. La barbarie a vu le jour et l'humanité a basculé dans l'horreur. Dans le sang. Seul témoin de cette tuerie, le grand arbre devant la maison familiale, gardien des générations et des souvenirs bons ou mauvais.
Le silence des collines est un pèlerinage. Sur un sanctuaire. Sur une terre sacrée profanée un jour de 1994. C'est un pèlerinage dur, nostalgique d'avant l'évènement fratricide. C'est le cheminement d'une douleur longtemps tue. Un pèlerinage qui permet de verser ces larmes enfouies dans son âme. Par pudeur. Par stupeur. Par peur. Un pèlerinage qui permettra d'accepter la vie. D'accepter le fait d'avoir survécu. D'accepter d'avoir le droit de vivre comme les autres. C'est aussi un pèlerinage-tourisme qui démontre à quel point la vie a changé sur cette terre souillée jadis.
Le silence des colines est un écrit entre narration, poésie et souvenirs. Une narration qui nous emporte dans les souvenirs d'une femme dont la vie, un jour, fut brisée dans la violence. Un écrit qui nous fait revivre les cauchemars d'une victime. Un cauchemar sur les collines de l'horreur qui fut le début d'une longue fuite. Une fuite hagarde. Sanglante. Une fuite facilitée par de bons samaritains. Pendant un temps indéfini. Aujourd'hui, libérée de sa colère, de sa culpabilité, Mutesi écoute le silence des collines.
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Tu veux que je te dise ? Toutes ces personnes mortes nous condamnent à avoir honte toute notre vie, qui que nous soyons, où que nous soyons. Honte d'être Rwandais, honte d'être humain tout court. Ils nous condamnent au silence, le silence des larmes qu'on ose même plus verser de peur de réveiller les souffrances endurées.
Chaque pas posé devant l'autre propulse Mutesi à l'intérieur d'elle-même, jusqu'à son arrivée sous l'ombre de l'Umuko. L'arbre majestueux, visible à plusieurs kilomètres, planté en bonne place au milieu de la cour, opposant son écorce fissurée aux brutalités des temps qui changent. Il est symbole à lui tout seul de la présence bien enracinée de leurs aïeux, abri de toutes les générations qu'il a vu naître, grandir, vivre puis partir.
Mutesi qui revient, elle non plus, n'est plus tout à fait la même... Elle a appris à tracer seule sa route. Elle continue certes, comme hier, à rire, sentir et pleurer vrai mais elle est désormais capable de rire pour l'extérieur et pleurer à l'intérieur.
Elle nous disait : "Tout ce qui vous fait pleurer est forcément important pour vous, mais pas forcément pour les autres. Alors, ne pleurez pas devant n'importe qui, ne l'oubliez jamais ".
Proverbe rwandais : "Une famille qui ne parle pas est une famille qui meurt".