Un matin, Marionneau conduisit W. Bouguereau dans l'atelier du directeur de l'Ecole des Beaux-Arts, Alaux, et lui demanda de l'accepter comme élève dans le cours supérieur qu'il suivait, déclarant avec éloquence que le candidat était assez fort pour être admis. Après avoir hésité pendant plusieurs jours, Alaux donna son consentement. Le petit commis assistait aux cours de dessin et de peinture, de six à huit heures du matin, puis il rentrait diligemment au bureau de son patron, pour travailler aux écritures commerciales. Le soir, dans sa petite chambre, à la lueur vacillante des bouts de chandelles ramassés soigneusement dans la maison et dans le bureau, il dessinait avec acharnement d'après nature et de mémoire.
Il abandonne les draperies flottantes, jaunes, bleues, violettes, comme des moyens trop faciles de faire ressortir, sur un tond vigoureux, la délicatesse marmoréenne des chairs; il recherche une harmonie générale de couleurs, plus franche et plus tendre, cl il aborde hardiment les nus triomphants dans la beauté épanouie des formes. V Venise, il avait eu la hantise des secrets de Véronèse et du Titien pour ambrer les chairs et pour les glacer d'un émail transparent; afin de surprendre ces secrets, il étudia de nouveau tout ce que le Louvre possède des grands Vénitiens. L'expérience de ces procédés nouveaux et de cette manière nouvelle donna entière satisfaction à son ambition.
Le 12 mai : « Qu'il me reste encore de choses à apprendre avant de pouvoir dire : Je commence à savoir. Heureux si les l'études auxquelles je suis obligé de me livrer ne refroidissent pas mon imagination, si je puis encore avoir de l'exaltation lorsque je les aurai acquises; le besoin que j'en éprouve est bien pour moi une garantie, mais?... »
Le 3o mai : « J'ai cherché aujourd'hui le style des Hébreux, je continuerai demain, puissé-je arriver à trouver! » L'ambition et la volonté du jeune artiste étaient, par les études les plus sévères, d'apprendre à fond la technique de la peinture, afin d'être en mesure de traiter habilement les dessus et les dessous de ses tableaux.