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3,92

sur 313 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
La Ciudad y Los Perros
Traduction : Bernard Lesfargues
Préface : Albert Bensoussan

ISBN : 9782070372713

Premier roman édité par Vargas Llosa, "La Ville et les Chiens" est aussi celui qui se rattache le plus à la veine autobiographique. Mis à part que, sauf si l'on cherche à se renseigner dans une biographie, on éprouve pas mal de difficultés à calquer l'image de l'écrivain péruvien sur un personnage bien précis. Finalement, on conclut qu'il a beaucoup à voir avec le cadet Alberto, surnommé "le Poète", qui, désormais en cinquième année au Collège Leoncio Prado, à Lima, s'y fait un peu d'argent de poche en écrivant à la demande pour ses condisciples petits romans pornographiques ou simples lettres d'amour.

Bien que ne préparant pas forcément à embrasser la carrière des armes, le Collège Leoncio Prado est dirigé par des militaires et applique une discipline et des bizutages en conséquence. Son objectif : faire des jeunes qu'on lui confie, le plus souvent après qu'ils aient passé un temps dans des établissements tenus par l'Eglise, se véritables "hommes." En ce pays et sur ce continent machistes, c'est tout un art.

Cinq années sont nécessaires pour obtenir son diplôme de fin d'études. Vargas Llosa nous plonge dès le départ dans l'ambiance de la dernière classe, celle qui va bientôt être libérée si tout va bien pour ses notes. L'action, qui va et vient en de fréquents retours en arrière - avant Leoncio Prado et après - se situe entre quatre cadets : le Jaguar, chef incontesté et meneur d'hommes, toujours prêt à se rebeller et appliquant à merveille les techniques de combat, rackettant aussi ceux qui sont trop faibles pour lui rendre ses coups et ses menaces ; Alberto, notre Poète, qui se fait respecter mais est tenu par tous, y compris par ses professeurs, plus pour un intellectuel que pour un futur militaire ; le Boa, ainsi appelé pour diverses raisons dont un sexe impressionnant, et qui, malgré la brutalité dont il fait preuve dans un monde qui ne lui réclame que cela - car être brutal, c'est se conduire en homme - ne s'en est pas moins attaché à une petite chienne qui s'est installée un jour au collège sans qu'on sût trop d'où elle venait et que les cadets, toujours obsédés par le sexe et le mauvais goût, ont baptisée "la Malencouille" ; et enfin l'Esclave, dont le surnom dit absolument tout, un être doux, paisible, qui pourrait se battre mais n'y tient pas et a le plus grand mal là supporter les consignes qui s'éternisent, d'autant qu'il est amoureux d'une jeune fille de son quartier, Teresa.

Mais justement, une punition va s'éterniser et mettre le feu aux poudres parce que le Jaguar a chargé l'un des cadets du petit "Cercle" qu'il a créé, le dénommé Cava, un serrano d'origine [= un fils de paysan mâtiné fortement de sang indigène] de dérober les résultats d'un examen de chimie que tout le monde tient à passer sans problèmes. le larcin s'effectue la nuit, alors que veille la garde traditionnelle mais Cava, pris entre l'excitation de l'adrénaline et la peur toute bête, après avoir retiré la vitre du bureau où dorment les résultats tant espérés, casse tout simplement ladite vitre en ressortant, sa mission par ailleurs réussie. Une fois la chose découverte, éclate la colère des dirigeants qui se traduit par une privation de sortie jusqu'à ce que le coupable se dénonce - ou soit dénoncé ...

Peu à peu - et c'est en cela que réside une bonne part du charme du roman - les cadets, qui nous paraissent au début presque tous comme des brutes ou des lâches, prennent un visage et adoptent une personnalité qui, comme pour tout être humain, a aussi bien ses qualités que ses défauts. Les retours en arrière que j'évoquais plus haut donnent une idée de leur vie familiale antérieure : un père qui manque, une mère trop sévère, pas ou peu d'argent au foyer, rêves et espérances, flirts avec les filles des quartiers où ils habitent, etc, etc ... L'on finit par s'attacher à eux, y compris au blond et félin Jaguar qui, en définitive, terminera dans la délinquance, comme son frère aîné avant lui, à moins qu'il ne devienne un véritable "caïd" de la pègre locale et n'y réussisse fort bien. Même le Boa, partagé entre la brutalité qu'il se doit d'afficher et son affection pour la Malencouille, finit par nous devenir familier et presque sympathique.

Autre personnage qui aura son mot à dire dans le drame qui va bientôt se nouer - car la dénonciation n'est rien à côté de ce qui va suivre : le lieutenant Gamboa. Il est de ces gens que l'on retrouve dans n'importe quelle carrière et qui sont en général respectés par les adolescents parce que, bien que sévères, ils se montrent toujours justes. En filigrane tout d'abord, puis de plus en plus nette, croît sous les yeux du lecteur l'idée que se font de l'honneur - car tous croient à l'honneur - les cadets impliqués et Gamboa. le plus étrange, c'est qu'on se retrouve à partager leur point de vue tandis que, de leur côté, ils s'aperçoivent qu'ils ont beaucoup de choses en commun, effectivement, sur cette question.

"La Ville et les Chiens" est un roman tout à la fois dur et poétique, où l'auteur pointe du doigt cette malédiction qu'est, en Amérique latine, la tradition ibérique, qui s'y est fort bien adaptée, du machisme et de la virilité à tout prix. C'est aussi un hymne à la réorganisation de la société péruvienne et une déclaration d'amour et de tendresse de l'auteur à son pays. Certains auront peut-être du mal à y entrer mais, une fois franchis les chapitres d'exposition, l'adrénaline monte aussi en nous et nous n'avons que deux désirs : voir comment tout cela se terminera déjà au Collège mais aussi à quel personnage correspond en fait tel ou tel flash-back. A découvrir. ;o)
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Un des romans (relativement autobiographique) parmi les plus percutants que j'ai pu lire dans ma vie. Et j'étais jeune, lorsque j'ai lu celui ci pour la première fois, d'où une certaine incompréhension et incapacité à en saisir la majeure partie de son essence.


Ce n'est que plus tard que je me suis rendu compte que j'avais déjà lu un chef d'oeuvre. Désabusé, certes, mais un chef d'oeuvre quand même, qui transpire l'aspiration au bonheur suite à une vie de malheurs. Des drames qui se nouent autour d'un meurtre, des vies qui s'entrechoquent et qui s'entrechoquaient sans même s'en rendre compte. Chroniques d'enfances militaires, chroniques d'enfances grivoises, chroniques d'enfances d'adultes. Tout un périple dans lequel nous entraîne Mario Vargas Llosa.
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La ville chez Lima. Les chiens se sont les troisièmes, entendez les premières années du collège militaire Leoncio Prado. On envoie les adolescents dans cette école pour qu'on les mate, pour éviter qu'ils tournent mal et les familles aisées y expédient leur progéniture pour qu'on en fasse des hommes, pas des lavettes. Brassage donc de classes sociales, de races, les gamins de la capitale côtière ont l'occasion de côtoyer les serranos des régions montagneuses. Derrière l'image de discipline et de rigueur prônée par les autorités militaires, c'est un monde parallèle bien plus virulent, débridé et cruel qui anime les dortoirs des cadets. Bizutages, trafics, esperiences sexuelles et pugilats; on fait nuitemment le mur pour s'évader de l'atmosphère concentrationnaire, boire du pisco, s'approvisionner en cigarettes ou aller conter fleurette en ville. La loi du plus fort primant, malheur aux introvertis et aux mouchards. Ainsi un groupe se forme, le Cercle, sous l'impulsion du Jaguar - un delincant notoire, dont l'institution militaire représente la dernière chance d'amendement, afin de défendre les chiens des incursions des aînés.

Paru en 1963, la Ville et les Chiens est le premier roman du prix Nobel péruvien Mario Vargas Llosa. Il témoigne déjà de la maîtrise stupéfiante d'une technique complexe, signature de cet écrivain de génie. Les grands romans se méritent, il n'est pas aisé de se retrouver dans les différents courants narratifs; on tâtonne, on s'interroge, mais c'est ce qui fait la profondeur, le réalisme et le prix des romans de l'auteur. Les passages de violences physiques et psychologiques, alternent avec d'autres d'une grande charge emotionelle. Pas de recours facile au réalisme magique ici, une exigence de tous les instants est à l'oeuvre pour sublimer le réel et qui demande l'investissement plein et entier du lecteur. Un roman remarquable du plus faulknerien des conteurs d'Amérique Latine.
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Au collège militaire Leoncio Prado de Lima, les "chiens" ou cadets subissent bizutage et humiliations diverses de la part des aînés. Ils décident d'agir ensemble contre les années supérieures. En grandissant, ne reste du cercle que son centre : le Jaguar, un garçon violent, qui vient des quartiers populaires et sait se défendre, avec autour de lui le Boa, le Frisé et Cava.

Le roman commence avec le vol des sujets d'examens de chimie par Cava et la découverte du cercle. On rencontre immédiatement les protagonistes, l'Esclave et le Poète, qui sont de garde ce soir-là. La violence, physique ou verbale, est présente aussi. C'est la loi du plus fort qui règne et la corruption sous les dehors de la discipline et de l'honneur militaire. Des uns et des autres, on suivra la vie au collège, autour de ce fameux vol et de la mort d'un des protagonistes.

Mais surtout, on apprendra quelques bribes de vie, en dehors du collège. Car sous l'uniforme, tous ne viennent pas des mêmes lieux, n'ont pas les mêmes histoires. le Poète - qui tient son surnom des lettres et romans pornographiques qu'il vend à ses camarades -, Alberto, est issu de la bonne société de Lima tandis que l'Esclave, incapable de se faire à la violence, soumis, élevé par des femmes, est de la classe moyenne. du Jaguar, je préfère ne rien dire et vous laisser découvrir son identité. Et autour d'eux, c'est aussi leurs parents, les amis et la société péruvienne qui est décrite.
En dehors du collège, il y a aussi les femmes, surtout Tere, la voisine de l'Esclave, qui devient la petite amie du Poète mais connait aussi le Jaguar. Tere, dont on ne sait pas grand chose sinon qu'elle est travailleuse, douce, honnête... idéalisée quoi !

Ce que j'ai aimé dans ce roman, c'est d'abord sa construction autour de personnages que l'on n'identifie pas immédiatement, notamment dans les flash-back ou lorsque le point de vue devient très subjectif. J'ai apprécié l'intrigue qui en découle. Et puis, la langue qui change selon les personnages. Enfin, les thématiques abordées autour de la discipline, l'honneur et la vérité qui sont bien mises à mal à travers l'exemple de Gamboa, lieutenant responsable de la section. Roman d'apprentissage, roman fataliste sur l'évolution d'une société et de ses membres, il est riche et sombre.
Lien : https://pralinerie.blogspot...
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Malgré la promiscuité dans laquelle se déroule le roman, Mario Vargas LLosa réussit à peindre toutes les nuances des sentiments qui peuvent animer des adolescents : violence du désir, frustration, virilité tendue. A travers le récit dur et exigeant de l'existence de ces jeunes garçons enfermés dans un établissement militaire, l'auteur s'attarde sur les rapports de force qui animent les relations adolescentes. Dans l'intimité quotidienne les amitiés sont râpeuses, quelquefois fausses et peuvent s'altérer d'un moment à l'autre, en raison d'une fille ou d'une différence de situation. le résultat est spectaculaire, les personnages attachants, et on ressort de cette lecture pensif et admiratif devant le génie de Mario Vargas LLosa pour décrire à la fois la beauté mais aussi la bassesse de la condition humaine.
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Je termine le prodigieux roman de Mario Vargas Llosa "La ville et les chiens". Cela fait longtemps que je n'avais pas lu un chef d'oeuvre de la littérature mondiale. Voilà qui est chose faite.
Au Pérou, des garçons, les chiens, grandissent dans un collège militaire de Lima. Leur vie y est dure, ils y deviennent des hommes. Tout se paye dans cet endroit...jusqu'à la mort. C'est aussi l'apprentissage de la sexualité entre garçons dans tout ce qu'elle peut avoir de sauvage mais aussi de romantique lors des sorties le weekend. L'écriture est bluffante, on adhère aux quelques 500 pages sans les voir défiler. Vraiment je recommande vivement !
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La violence est le thème central. Physique et morale, elle contraint à l'obéissance jusqu'à l'humiliation et l'oubli de soi. La violence pour accepter et développer l'esprit de compétition entre les jeunes hommes perdus dans la brutalité et la peur. L' amitié comme une quête impossible. le sentiment comme une faiblesse, une absence de de virilité.

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Superbe ! Difficile à démarrer...
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