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Albert Bensoussan (Autre)
EAN : 9782070378234
700 pages
Gallimard (04/05/1987)
4.27/5   214 notes
Résumé :
Alors que le Brésil, en renversant l'empire et la société traditionnelle, se dote d'une république musclée, un prophète se lève dans le désert du Nordeste pour, rassemblant les gueux, prostituées, monstres et bandits du sertào, fonder une sorte de phalanstère mystique. Un Ecossais, anarchiste et phrénologue, le suit à la trace et cherche vainement à rejoindre ce paradis libertaire, mais ses pulsions humaines, trop humaines, viennent ruiner ses espoirs. Cette cité re... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (19) Voir plus Ajouter une critique
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Bienvenue à Canudos !
Perché sur la crête d'un cactus difforme, un urubu noir scrute les pèlerins qui cheminent péniblement vers l'entrée de cette localité perdue du Nordeste brésilien, agglomération devenue en quelques mois au centre des préoccupations des plus hautes autorités du pays.

Sitôt quittés “Les chemins de la faim” du regretté Jorge Amado, me voici revenu dans le sertão bahianais avec cette fois un guide péruvien, Mario Vargas Llosa, et son roman “La guerre de la fin du monde” publié en 1981. Cette oeuvre imposante par son format retrace dans le détail une page mémorable de l'histoire brésilienne.

Dans ce 19e siècle finissant, le Brésil a connu coup sur coup l'abolition de l'esclavage en 1888 et l'année suivante le remplacement de l'Empire par l'avènement de la République.
Les premiers pas incertains de cette jeune nation et les tergiversations politiques ont incontestablement favorisé l'expansion dramatique des événements de Canudos quelques années plus tard.

Un personnage mystique et charismatique est au centre de toutes les attentions : ses disciples l'appellent le Conseiller. Il s'est installé avec ses fidèles à Canudos au mépris du droit de propriété d'un notable de la région.
Des paysans misérables en recherche d'espérance, des bandits de grands chemins en quête de rédemption, d'anciens esclaves des fazendas affluent à Canudos. Cette multitude hétéroclite écoute avec ferveur cet évangéliste, aux yeux étincelants et à la chevelure nazaréenne, propager de l'aube au coucher un message d'amour et de paix.
Mais la parole de l'oracle n'est pas seulement de fraternité universelle, toute aussi prégnante est sa vision d'une fin du monde imminente. Il assimile la République naissante à l'Antéchrist et refuse le mariage civil, le système métrique décimal, le recensement, le paiement de l'impôt…

Dans la première partie du livre, alors que les événements s'accélèrent, l'auteur introduit de temps à autre un personnage-clé et évoque dans le détail son parcours de vie. Ainsi les nouveaux protagonistes incorporent-ils naturellement le roman comme les différents instruments de musique rejoignent le tempo de la symphonie.

Les rebelles avec femmes et enfants sont estimés à trente mille en novembre 1896 et leur nombre croissant met en danger la République. La guerre est déclarée à ces illuminés et leur anéantissement est décidé en haut lieu.
Trois interventions armées se succèdent en seulement quelques mois et se soldent par autant de fiascos pour les militaires. Invisibles dans l'austère caatinga qui entoure leur bastion, les révoltés sont passés maître dans l'art de la guérilla et crient victoire.
Combien de temps encore Canudos, avec ses jusqu'au-boutistes et son temple aux fenêtres orientées en direction de l'amour, résistera-t-elle aux forces armées brésiliennes ?

Mario Vargas Llosa se garde bien de prendre partie pour un camp ou pour un autre et le lecteur s'identifie tour à tour aux idéalistes de Canudos et aux militaires chargés de faire respecter la loi républicaine. Les manoeuvres politiques liées à ces évènements sanglants sont par ailleurs dépeintes avec mesure et sans parti pris.

C'est avec bonheur que je découvre au fil des mois l'oeuvre éclectique du Nobel péruvien, cependant « La guerre de la fin du monde » se démarque des lectures précédentes par une intensité dramatique omniprésente.
Des événements historiques pour le moins insolites, de multiples personnages aux antipodes les uns des autres, ce roman met en exergue les particularités d'un pays au carrefour des cultures les plus diverses.
Oeuvre où se mêlent passion et violence avec des touches d'humanité et de sensualité parfois, « La guerre de la fin du monde » devrait enthousiasmer celles et ceux attirés par l'immensité mystérieuse du Brésil !
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Le Brésil, c'est là que Mario Vargas Llosa a choisi de planter le décor de son roman paru en 1981, La guerre de la fin du monde. Il exploite le fait historique de l'épopée guerrière d'une communauté politico-religieuse en butte à la toute nouvelle république qui venait de mettre un terme au régime conservateur, lequel prévalait en ce pays à la toute fin du 19ème siècle. Cette épopée est connue sous le nom de guerre de Canudos. du nom du village bâti de toute pièce dans la proximité de Salavador de Bahia par la communauté rassemblée autour d'Antonio Conselheiro, communément appelé le Conseiller, dans la région de ce pays que son seul nom suffit à situer : le Nordeste.

La guerre de Canudos a ceci de particulier qu'une colonie autonome de civils, non formés à l'art de la guerre ni équipés pour et désignés sous le vocable de Jagunços (que google traduit par voyous), a mis en échec l'armée nationale au point de lui imposer pas moins de quatre expéditions pour venir à bout de cet îlot de refus d'une république jugée par elle trop laïque et toujours trop favorable aux grands propriétaires terriens. Elle avait en particulier décrété la séparation de l'Eglise et Etat et institué le mariage civil. La répression sera à la hauteur des efforts rendus nécessaires pour venir à bout de ce furoncle sur le dos de la république. Se compteront ainsi sur les doigts d'une main les hommes qui échapperont au coutelas vengeur des assaillants au cours d'un abominable massacre. Ce village premier de Canudos sera rayé de la carte et aujourd'hui englouti sous la retenue d'eau d'un barrage.

Antonio Conselheiro, le Bon Jésus, le Messie revenu sur terre, avait regroupé autour de lui les laissés-pour-compte du Nordeste. Anciens esclaves récemment affranchis, indiens dépossédés de leur territoire, nombre de pauvres déshérités, mais aussi d'autres toutefois moins recommandables aux yeux des autorités en place, anciens repris de justice et donc loin d'être des anges, tous avaient été séduits par le pouvoir de séduction de l'homme à l'allure christique prêchant le détachement des biens matériels de ce monde, le salut de l'âme, la justice. Ils avaient trouvé à Canudos le havre de leur subsistance acquise à la force de leurs bras, de rachat de leur passé ou tout simplement un peu de considération par le nivellement des inégalités.

J'imagine volontiers que l'intérêt de Mario Vargas Llosa s'est porté sur cet événement historique afin d'illustrer les conséquences d'une vie privée de liberté de pensée et d'opinion. Il a mis son talent d'écrivain au service de cette cause dont il connaît trop bien les effets pervers lorsqu'elle est bafouée. Difficile d'élaborer un discours impartial, sans que le moindre écrit ne vienne en confirmation du penchant, lorsque l'on prend parti pour les plus démunis. On comprend dans cet ouvrage que l'auteur détermine son camp par la seule relation de l'anéantissement de ceux qui voulaient vivre d'espoir d'un monde plus fraternel, plus égalitaire et plus juste. Il déploie dans cet ouvrage une formidable capacité à décrire les situations complexes, retraçant avec clarté et discernement les péripéties, analysant les états d'esprits de chacun des protagonistes et les motivations qui les animent.

La fin du monde n'est donc pas à ses yeux l'anéantissement de l'espèce humaine dans l'apocalypse mais bien, au-delà du bain de sang, celui de la liberté d'opinion par ceux qui asservissent la pensée. Savoir le mettre en mots dans un ouvrage dénué d'emportement, favorisé par une écriture accessible au plus grand nombre, même si cet ouvrage souffre de quelques longueur par la précision voulue par son auteur dans la description de l'horreur, cette seule capacité vaut à elle seule la consécration suprême octroyée à ce grand auteur en 2010.

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Mario Vargas LLosa ne puise pas son inspiration dans son pays d'origine, le Pérou, mais met en scène avec brio la rébellion de Canudos (1896-1897), communauté de personnes misérables, exclues de la société, adeptes du fanatique Antonio Maciel, le Consejero, qui fascine ses fidèles par ses prêches messianiques, dans l'aride sertao du Nordeste brésilien. A partir d'un considérable travail de documentation historique et de la chronique de cette rébellion, Hautes Terres, du brésilien Euclide da Cuhna, Mario Vargas LLosa, selon la théorie du roman total, crée un monde foisonnant d'aventures et de personnages.
A travers ces protagonistes multiples, paysans sans terre, assassins repentis, parias et ceux de l'autre camp, militaires, anarchistes et journalistes, Mario Vargas Llosa, au travers de ces prismes aussi variés qu'opposés, tente de cerner le phénomène Canudos : Etat dans l'Etat, porté par un rêve millénariste, Canudos ose braver les lois de la toute jeune république brésilienne avant d'être anéanti. Ce passionnant roman historique aborde une problématique inhérente à la naissance de toutes les nations latino-américaines : utopies, fédéralisme ou centralisme, mais s'inscrit aussi dans le contexte latino-américain de l'époque de son écriture, les années 1980 : violence, fanatisme religieux et politiques, les sujets majeurs des romans postérieurs de Mario Vargas Llosa.
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Sur les pas d'un illuminé, "le Conseiller", à la tête d'une armée de déshérités dans le Nordeste brésilien où famine et sécheresse sévissent (référence à la guerre de Canudos 1893-1897).
Un grand roman, un roman fleuve!
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Il y avait autrefois, dans les petites villes, des commerces où on vendait des livres, et où le vendeur, souvent, vous conseillait avec beaucoup d'à propos, parce qu'il connaissait vos goûts et lui même, sans être un véritable spécialiste de la littérature, avait souvent un avis très fin et un goût très sûr. Ces petits commerces bien sympathiques s'appelaient des librairies. Il y en a encore, paraît-il dans certaines grandes villes, mais la plupart du temps, ils ont été remplacés par des Centre Culturels où l'anonymat règne et où la culture livresque est très variable.
Dans une des librairies de ma petite ville (eh oui, en plus il y en avait plusieurs), le libraire qui nous connaissait bien, ma femme et moi, n'avait de cesse de nous proposer des livres qui lui avaient plu et qui, il le savait, nous plairaient. C'est le cas de plusieurs découvertes comme Fortune de France de Robert Merle ou bien La Guerre de la fin du monde de Mario Vargas Llosa.
Je n'avais jamais lu Vargas Llosa, j'ignorais même qu'il n'était pas espagnol, mais péruvien. La Guerre de la fin du monde fut vraiment un choc. D'autant plus que c'était mon premier auteur sud-américain, (ce n'est qu'après que j'ai fréquenté Garcia Marquez, Cortazar, Carpentier, Borges et autres Neruda...)
La Guerre de la fin du monde est une croisade de va-nu-pieds. C'est une histoire vraie qui s'est passée au Brésil à la fin du XIXème siècle, dans la région du Nordeste. Un évangéliste illuminé appelé le Conseiller rassemble auprès de lui toute une population de déshérités, petites gens, paysans, bandits repentis, qui suivant son exemple et écoutant ses paroles, ont le projet de fonder une communauté à Canudos, où ils pourront trouver à la fois une vie simple, chrétienne et digne. Bien entendu ce projet va à l'encontre des gouvernants et de l'armée qui voient là une atteinte aux valeurs de la République. le roman raconte la naissance la vie et la mort de cette communauté, que trois armées auront grand mal à éliminer. L'occasion pour l'auteur de nous présenter une galerie de portraits inoubliables, dans la plus pure tradition du romanesque sud-américain, mélange de réalisme souvent cru, de symbolisme, voire de surnaturel. Comme souvent, la frontière entre le bien et le mal est floue, certains personnages, disgraciés, nains, infirmes montrent parfois plus de grandeur d'âme que d'autres, beaux et en pleine santé. On sent toute la compassion de l'auteur pour cette "épopée de la misère" et l'on mesure tout le talent de conteur qu'il emploie pour nous la faire partager.
La Guerre de la fin du monde, constitue, somme toute, une excellente introduction à ce continent qu'est la littérature sud-américaine (d'autant plus qu'il mêle les deux cultures d'origine espagnole et portugaise).
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Citations et extraits (22) Voir plus Ajouter une citation
« - Es-tu Pajeu ? demanda-t-il à la fin.
- Oui, acquiesça l'homme.
Aristarco demeurait derrière lui comme une statue.
- Tu as fait autant de ravages sur cette terre que la sécheresse, dit le baron. Avec tes vols, tes crimes, tes pillages.
- C'était autrefois, répondit Pajeu sans ressentiment, avec une pitié secrète. J'ai commis dans mon existence des péchés dont j'aurais à rendre compte. Maintenant je ne sers plus le Chien mais le Père.
Le baron reconnut ce ton: c'était celui des prédicateurs des Saintes Missions, celui des sectes itinérantes qui arrivaient à Monte Santo, celui de Moreira Cesar, celui de Galileo Gall. Le ton de la certitude absolue, pensa-t-il, celui de ceux qui ne doutent jamais. Et pour la première fois, il sentit la curiosité d'entendre le Conseiller, cet individu capable de transformer un coquin en fanatique.
- Pourquoi es-tu venu ? Que veux-tu ?
- Brûler Calumbi, dit-il d'une voix neutre.
- Brûler Calumbi ?
La stupeur changea l'expression, la voix et l'attitude du baron.
- La purifier, expliqua le caboclo lentement. Après avoir tant sué, cette terre mérite le repos. »
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Le fleuve de soldats, chevaux, canons, charrettes est sans fin. "C'est un crotale", pense Parjeù. Chaque bataillon en constitue les anneaux, les uniformes les écailles, la poudre des canons le venin avec lequel il empoisonne ses victimes.
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La raison avait pu soumettre le sexe dans la veille, non dans les rêves. Bien des nuits ces années-là, quand il s’endormait, des formes féminines tentatrices se glissaient dans son lit, se collaient contre son corps et lui arrachaient des caresses. Il rêva ou pensa qu’il lui en avait coûté plus d’effort pour résister à ces fantômes qu’aux femmes en chair et en os et il se rappela qu’à l’instar des adolescents ou compagnons enfermés en prison de par le vaste monde, bien des fois il avait fait l’amour avec ces silhouettes impalpables que fabriquait son désir.
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Ces gens-là ne volent, ne tuent ni n’incendient quand ils sentent un ordre, quand ils voient que le monde est organisé, car personne ne sait mieux qu’eux respecter les hiérarchies, dit le baron d’une voix ferme. Mais la République a détruit notre système avec des lois irréalistes, remplaçant le principe d’obéissance par celui des enthousiasmes dans fondement. Une erreur du maréchal Floriano, mon colonel, parce que l’idéal social réside dans la tranquillité, non dans l’enthousiasme.
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Le Chien ou le Père, l’Antéchrist ou le Bon Jésus. Ils savaient à l’instant quel fait procédait de l’un ou de l’autre, s’il était bénéfique ou maléfique. Ne les enviez-vous pas ? Tout devient facile si l’on est capable d’identifier le mal ou le bien derrière chaque chose qui se produit.
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Vidéo de Mario Vargas Llosa
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