Le gratin c'est un plat collectif. Et quand on est tout seul on ne peut pas espérer manger collectif.
- Cette femme, reprit Marc après de longues minutes, Julie Lacaize. Elle a été charmante avec moi. Etant donné que je lui ai sauvé la peau, c'est un peu normal.
- Et ensuite ?
- Ensuite, rien. Et à parler franc, je n'ai pas eu la sensation que cela pouvait me mener très loin.
- Mon ami, dit Lucien sans s'interrompre, tu ne peux pas à la fois avoir fait acte d'intelligence et de bravoure et te ramasser la fille en plus.
- Et pourquoi non ?
- Parce que ce ne serait plus un fait héroïque, ce serait un vaudeville.
- Ah bien, dit Marc à voix basse. A choisir, il me semble que j'aurais préféré le vaudeville.
- Ton fer ! dit Mathias.
Marc poussa un cri et souleva le fer.
- Tu vois, imbécile. Un peu plus et je brûlais la jupe de Mme Toussaint. Je t'ai déjà expliqué que Marthe croit toute l'histoire de son Clément, qu'elle croit à son innocence, et que nous, on n'a pas d'autre choix que de croire ce que croit Marthe jusqu'à ce qu'on arrive à lui faire croire ce qu'on croit.
- Au moins c'est plus clair comme ça, soupira Lucien.
Ce n'est pas un tueur en série. C'est le tueur d'UNE série. Tu saisis la différence ? Le tueur d'UNE série. (p.89)
On n'est pas entourés que de cons, Marc, c'est le problème
(Louis demande à Clément pourquoi il est venu se réfugier chez Marthe).
- Petit a, parce que je connaissais personne par-devers moi, petit b, parce que je m'étais mis personnellement dans une machinerie, petit c, était dans les journaux. Dont j'avais pu l'entendre par moi-même le matin.
Louis, abasourdi, regarda Marthe.
- Il parle toujours comme ça ? lui souffla-t-il.
- C'est parce que tu l'impressionnes, dit-elle agacée. Il cherche à faire de grandes phrases et il n'y arrive pas. T'as qu'à être plus simple.
Ce doit être d'avoir parlé avec Clément, ça m'a mis le cerveau à l'envers. Tout est mélangé dans sa tête, il y a pas de file d'attente, alors ça se bouscule dans toutes les directions
Il n'y a pas de vraie liberté sans risque, dis Lucien d'un air négligent. Toi, l'historien, tu devrais savoir çà.
c'est tout de même malheureux bougonna-t-elle, qu'il faille toujours gueuler pour avoir raison.
Marc prenait rarement du café, ça le rendait nerveux, et tout le monde était d'accord pour dire qu'il avait pas besoin de ça, car il avait tout à fait l'air au naturel d'un type qui en boit dix par jour. Dans un autre registre le café n'arrangeait pas l'agitation haute enverbe de Lucien Devernois, mais comme Lucientrouvait un singulier plaisir à faire du tapage,il ne se serait privé d'existant pour rien au monde. Quant à Mathias Delamarre, dont la placidité confinait parfois à un impressionnant mutisme sa carcasse était insensible à ce genre de détail.