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EAN : 9782847550313
48 pages
Ange de Saint Mont (01/06/2002)
3.67/5   6 notes
Résumé :

Voici quinze ans déjà que nous pensons d'accord ; Que notre ardeur claire et belle vainc l'habitude, Mégère à lourde voix, dont les lentes mains rudes Usent l'amour le plus tenace et le plus fort.

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Le silence

Depuis l’été que se brisa sur elle
Le dernier coup d’éclair et de tonnerre,
Le silence n’est point sorti
De la bruyère.

Autour de lui, là-bas, les clochers droits
Secouent leur cloche, entre leurs doigts,
Autour de lui, rôdent les attelages,
Avec leur charge à triple étage,
Autour de lui, aux lisières des sapinières,
Grince la roue en son ornière,
Mais aucun bruit n’est assez fort
Pour déchirer l’espace intense et mort.

Depuis l’été de tonnerres chargé,
Le silence n’a pas bougé,
Et la bruyère, où les soirs plongent
Par au delà des montagnes de sable
Et des taillis infinissables,
Au fond lointain des loins, l’allonge.

Les vents mêmes ne remuent point les branches
Des vieux mélèzes, qui se penchent
Là-bas, où se mirent, en des marais,
Obstinément, ses yeux abstraits ;
Seule le frôle, en leurs voyages,
L’ombre muette des nuages
Ou quelquefois celle, là-haut,
D’un vol planant de grands oiseaux.

Depuis le dernier coup d’éclair rayant la terre,
Rien n’a mordu, sur le silence autoritaire.

Ceux qui traversèrent sa vastitude,
Qu’il fasse aurore ou crépuscule,
Ont subi tous l’inquiétude
De l’inconnu qu’il inocule.

Comme une force ample et suprême,
Il reste, indiscontinûment, le même :
Des murs obscurs de sapins noirs
Barrent la vue au loin, vers des sentiers d’espoir ;
De grands genévriers songeurs
Effraient les pas des voyageurs ;
Des sentes complexes comme des signes
S’entremêlent, en courbes et lignes malignes,
Et le soleil déplace, à tout moment,
Les mirages, vers où s’en va l’égarement.

Depuis l’éclair par l’orage forgé,
L’âpre silence, aux quatre coins de la bruyère,
N’a point changé.

Les vieux bergers que leurs cent ans disloquent
Et leurs vieux chiens, usés et comme en loques,
Le regardent, parfois, dans les plaines sans bruit,
Sur les dunes en or que les ombres chamarrent.
S’asseoir, immensément, du côté de la nuit.
Alors les eaux ont peur, au pli des mares,
La bruyère se voile et blêmit toute,
Chaque feuillée, à chaque arbuste, écoute
Et le couchant incendiaire
Tait, devant lui, les cris brandis de sa lumière.

Et les hameaux qui l’avoisinent,
Sous les chaumes de leurs cassines,
Ont la terreur de le sentir, là-bas,
Dominateur, quoique ne bougeant pas ;
Mornes d’ennui et d’impuissance,
Ils se tiennent, sous sa présence,
Comme aux aguets – et redoutent de voir,
A travers les brumes qui se desserrent,
Soudainement, s’ouvrir, dans la lune, le soir,
Les yeux d’argent de ses mystères.
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Asseyons-nous tous deux près du chemin,
Sur le vieux banc rongé de moisissures,
Et que je laisse, entre tes deux mains sûres,
Longtemps s’abandonner ma main.

Avec ma main qui longtemps s’abandonne
A la douceur de se sentir sur tes genoux,
Mon cœur aussi, mon cœur fervent et doux
Semble se reposer, entre tes deux mains bonnes.

Et c’est la joie intense et c’est l’amour profond
Que nous goûtons à nous sentir si bien ensemble,
Sans qu’un seul mot trop fort sur nos lèvres ne tremble,
Ni même qu’un baiser n’ailler brûler ton front.

Et nous prolongerions l’ardeur de ce silence
Et l’immobilité de nos muets désirs,
N’était que tout à coup à les sentir frémir
Je n’étreigne, sans le vouloir, tes mains qui pensent ;

Tes mains, où mon bonheur entier resté celé
Et qui jamais, pour rien au monde,
N’attenteraient à ces choses profondes
Dont nous vivons, sans en devoir en parler.
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A cropetons, ainsi que les pauvres Maries
Des légendes de l’autrefois,
Par villages, sous les cieux froids,
Sont assises les métairies :

Chaumes teigneux, pignons crevés, carreaux fendus,
Souffreteuses et lamentables ;
Le vent siffle, par les étables
Et par les carrefours perdus.

A cropetons, ainsi que les vieilles dolentes,
Avec leurs cannes aux mentons,
Et leurs gestes, comme à tâtons,
Elles s’entrecognent branlantes,

Derrière un plant gelé d’ormes et de bouleaux,
Dont les livides feuilles mortes
Jonchent le seuil barré des portes
Et s’ourlent comme des copeaux.

A cropetons, ainsi que les mères meurtries
Par les douleurs de l’autrefois,
Aux flancs bossus des talus froids,
Et des sentes endolories,

Pendant les deuils du brume et d’envoûtement noir
Et les novembrales semaines,
O les tant pauvres par les plaines,
O les si tristes dans le soir !
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Comme à d’autres, l’heure et l’humeur :
L’heure morose ou l’humeur malévole
Nous ont, de leurs sceaux noirs, marqué le coeur,
Mais, néanmoins, jamais,
Même les soirs des jours mauvais
Nos coeurs ne se sont dit les fatales paroles.

La sincérité claire, ardente, illuminée,
Nous fut joie et conseil,
Si bien que notre âme passionnée
Toujours s’y retrempa, comme en un flux vermeil.

Et nous nous sommes dit nos plus pauvres misères,
Les égrenant comme un âpre rosaire,
L’un devant l’autre, en sanglotant d’amour ;
Et doucement et tour à tour
Sur nos lèvres qui les disaient d’une voix haute
Nos deux bouches, à chaque aveu, baisaient nos fautes.

Ainsi,
Très simplement, sans lâcheté ni sans blasphème,
Nous nous sommes sauvés du monde et de nous-mêmes,
Nous épargnant des deuils et les rongeants soucis,
Et regardant notre âme renaître,
Comme renaît après la pluie,
Quand le soleil la chauffe et doucement l’essuie,
La pureté de verre et d’or d’une fenêtre.
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LONDRES


Et ce Londres de fonte et de bronze, mon âme,
Où des plaques de fer claquent sous des hangars,
Où des voiles s’en vont, sans Notre-Dame
Pour étoile, s’en vont, là-bas, vers les hasards.

Gares de suie et de fumée, où du gaz pleure
Ses spleens d’argent lointain vers des chemins d’éclair,
Où des bêtes d’ennui bâillent à l’heure
Dolente immensément, qui tinte à Westminster.


Et ces quais infinis de lanternes fatales,
Parques dont les fuseaux plongent aux profondeurs,
Et ces marins noyés, sous des pétales
De fleurs de boue où la flamme met des lueurs.

Et ces châles et ces gestes de femmes soûles,
Et ces alcools en lettres d’or jusques au toit,
Et tout à coup la mort parmi ces foules,
Ô mon âme du soir, ce Londres noir qui traîne en toi !
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