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EAN : 9782702427064
191 pages
Le Masque (16/10/1996)
3.62/5   4 notes
Résumé :
La maison Chaufour, agréable pension de famille du VIIe arrondissement, est un établissement tranquille, rempli de gens studieux.
Au rez-de-chaussée, Liliane Chaufour dactylographie des sermons sur une superbe machine à écrire Japy.
Au second, Jacques Bioule tape un mémoire sur "les lésions corporelles produites pas les armes à feu" sur son Underwood.
Quant à monsieur Souriac, au premier, il cherche l'inspiration, assis devant sa Remington. Du m... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
ISBN : 978-2702427064

Pierre Véry mit longtemps avant de se décider à choisir le genre policier non comme atelier de travail nettement défini, bien carré, aux canons duquel il était impératif d'obéir scrupuleusement, mais plutôt comme trame musicale sur laquelle il avait tout loisir d'improviser des livres surprenants, teintés parfois de merveilleux et toujours incomparablement poétiques. Il a aussi écrit pour la jeunesse mais quand on relit "Les Disparus de Saint-Agil", on se demande finalement si seuls les adolescents sont visés comme public. Plus précisément, les adolescents de l'âge conforme aux trio de héros du roman : l'adolescent qui existe toujours en nous, qui rêve d'aventures, de cartes menant à des trésors incalculables ou à des mystères redoutables, cet adolescent-là, que nous avons oublié ou que nous avons voulu oublier, n'est-il pas avant tout dans la mire de l'écrivain même si, désormais, il a pris sa forme adulte ? Et la vision du film de Christian-Jaque souligne admirablement l'ambiguïté de la question.

"Clavier Universel" est l'un des premier romans de Véry, qui débuta en littérature par la nouvelle. Il vient néanmoins après "Le Testament de Basil Crookes", publié chez le Masque et qui recevra le Grand Prix du Roman d'Aventures de l'Année. Après ce succès incontestable, l'écrivain semble retomber non pas dans le néant mais dans l'indécision : c'est, pourrait-on dire, un roman "expérimental."

L'action se situe dans une pension de famille - un peu comme pour "L'Assassin Habite au 21", du Belge Steeman - dont tous les locataires, y compris la fille de la propriétaire, présentent la particularité pour le moins bruyante de, pour une raison ou pour une autre, taper à la machine. Attention ! Rien à voir avec nos claviers informatiques, si doux, si confortables et si discrets. Tout ce petit monde s'acharne sur des Remington, des Underwood et autres antiquités qui, lorsqu'elles fonctionnent toutes ensembles et malgré des portes bien fermées, font un bruit d'enfer - ou presque.

Un bruit qui pourrait très bien servir à dissimuler, par exemple, celui d'une détonation ...

Le roman débute par la découverte, affalé sur son clavier, de l'un des locataires, un bandeau sur les yeux, tué justement par une balle. La chute du malheureux a ainsi provoqué, sur la page qu'il avait commencée à remplir, la frappe d'un message incompréhensible, dans lequel tout le monde, du plus modeste des agents de police ("l'agent rose" comme le surnomme l'auteur) au plus hargneux des locataires, s'obstine évidemment à voir un code.

Un code pour quoi ? Un code pour qui ? Et pourquoi ce bandeau sur les yeux ? C'est ridicule, voyons ...

Avec ça, le défunt avait beau vivre dans une pension de famille bien tenue mais modeste, il n'en était pas moins fortuné, très fortuné - enfin, du moins, tout le monde le disait et, chaque semaine, il recevait des lettres de ses banquiers qui, visiblement, l'enchantaient. Et, voyez comment sont les choses : dans le même immeuble, vivaient ses deux neveux, un misanthrope toujours prêt à cracher sa haine contre n'importe quoi et à n'importe qui (y compris, soit-dit en passant, à des policiers qu'il se flatte de tenir pour de parfaits imbéciles) et un anarchiste aussi aimable que son frère est une véritable horreur humaine. Logiquement, l'assassin devrait être l'un des deux. Mais la logique, chez Pierre Véry, n'a pas le même sens que chez un autre auteur.

D'ailleurs, le corps à peine rendu à la famille pour les obsèques, on découvre que la victime, après avoir éparpillé sa fortune dans le champagne et les petites femmes et ceci, bien sûr, dans le plus grand secret, n'avait pratiquement plus un fifrelin. Refait le misanthrope haïssable et haïssant ! Refait, l'anarchiste qui rêvait de consacrer sa part de l'héritage à la Cause !

"Bien fait pour les deux !" pensent en choeur les autres locataires.

En tous cas, une chose est sûre : l'enquête piétine . C'est l'une de celles menées par le commissaire Gaude, un personnage qui, bien que doté d'une calvitie un peu précoce, rappelle au lecteur un mélange entre Arsène Lupin et le Chevalier Dupin. ("Bizarre," direz-vous mais chez Pierre Véry, et cela fait une partie de son charme malgré un style ça et là un peu vieilli ou trop "mélo-aventure", la Bizarrerie est comme chez elle.) Dans "Clavier Universel", les dialogues sont, reconnaissons-le, pleins d'humour et rebondissent comme des balles de ping-pong. Certains personnages, comme la petite bonne de la pension dont la victime abusait sans vergogne, sont vraiment émouvants et pleins d'authenticité. D'autres auraient tendance à nous laisser froids, y compris d'ailleurs l'assassin qui, à mon humble avis, en fait un peu trop.

Toutefois, rappelons-nous que l'époque est, pour Véry, celle où il hésite encore. le policier l'attire mais il veut faire quelque chose de différent, de jamais vu dans le genre. Il n'a pas encore trouvé son personnage fétiche de Prosper Lepicq, l'avocat que l'on croisera un peu plus tard (et sous une double identité) dans "L'Assassinat du Père Noël", ce dernier volume étant certainement plus représentatif de l'esprit poétique de son créateur que "Clavier Universel", un bon petit roman, certes, et même une jolie petite partie d'échecs mais qui, malgré tout, demeure, à notre sens, un peu figée.

A lire, cependant. Par curiosité tout d'abord et pour découvrir les mécanismes qui, lentement, vont se mettre en place pour produire le Pierre Véry dont nous avons l'habitude, celui de "Saint-Agil" bien sûr mais celui, aussi, du merveilleux (et carrément fantastique, celui-là) "Pays Sans Etoiles." ;o)
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
[...] ... Cognac, vermouth italien, bitter angustura, absinthe :

- "Nick's Own ... (Celui de Nick)", annonce le Barman grenat. Ils boivent. Le Barman a une idée.

- "L'Oncle Tom a tapé le cryptogramme (qui a une signification). Puis il s'est bandé les yeux.

- ... puis il a bu. Puis il a tiré - les yeux bandés ! Vous en avez de bonnes !

- Un bandeau, cela se relève.

- D'accord. Mais alors, quand l'Oncle Tom est pris de syncope, l'autre - l'intrus sur qui il vient de tirer - a la délicate attention de rabattre le bandeau ? Façon comme une autre de fermer les paupières a un défunt ! Et, d'abord, pour l'Oncle Tom s'est-il bandé les yeux ?

- C'était idiot. N'en parlons plus."

Ils reviennent au coupes. Dans le cadre de la fenêtre, le rectangle du ciel, plus pâle. On approche : Mars ? Vénus ? la Lune ?

La demie de trois heures sonne, au séminaire. (Le Séminaire ? Qu'est-ce que c'est encore que ça, le Séminaire ?)

Au dos d'une enveloppe, le Baron écrit, au crayon :

LEFAUCHEUX, Jules
FIESCHINI, Benito
MESNARD, Louise
FELIE, Austiin
FELIE, Léon
FELIE, Marc
AVET, Simonne
COUBLAC, Célestin

- "Qu'est-ce que c'est ?

- Mon cimetière. Ces gens sont des morts. Les uns, de fait. Les autres, socialement. D'une façon comme de l'autre, rayés de la face du monde civilisé, ainsi que l'on s'exprime. Sous la terre. Ou au bagne. Ou dans une maison de réclusion. Cela se vaut. Morts ! Mort par moi, Gaude !

- Ah !" fait le Barman - si vous redevenez Gaude, je redeviens Maligan.

- Comme vous voudrez ! Des morts. Et il y en a d'autres. Cette liste ne représente qu'une allée de mon "cimetière." Autant de noms, autant d'enquêtes policières où Gaude a eu le dessus, a su trouver "le fin mot." De temps en temps, quand ça ne va pas, quand je sens une affaire filer entre mes doigts, comme une anguille, et que je ne parviens à rien retenir, si dur que je serre - alors, j'aligne ces noms. Je me dis : "Gaude ! Tu as eu tous ceux-là. Et il y en avait de rusés, dans la bande. Tu auras celui-ci aussi." Je me sens réconforté. Je tire ma vigueur de cet agenda où ne figurent que des noms de morts. C'est ainsi. Je suis Gaude, commissaire à la première Brigade." ... [...]
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[...] ... Le docteur palpa le corps du défunt, fit jouer les articulations, puis demanda l'heure.

- "Neuf heures passées ? Nous dirons donc que la mort est survenue hier soir, entre 9 et 11. Je suis obligé de garder une marge plutôt forte. Mais sûrement pas avant 9 et sûrement pas après 11.

- En définitive ?

- En définitive, présomption de meurtre très suffisante pour nécessiter l'analyse. Et l'autopsie. Mais retenez ce que je vous dis, l'autopsie nous révèlera une bonne petite embolie et ce sera la fin de l'histoire."

Dans le portefeuille du mort, on trouva sept-cents francs. Le docteur rayonna.

- "Qu'est-ce que je vous disais ? Il n'y a pas eu vol. Embolie, mon bon. Embolie !"

Mais Gaude levait sa main gauche, ornée d'une monstrueuse pierre noire :

- "Il y a un cheveu.

- Un cheveu.

- Sur ce bureau. Un cheveu qui n'appartenait pas au défunt ..."

La comparaison fut brève. Le cheveu, noir et fin, n'offrait rien de commun avec les crins, rudes et gris, de Souriac.

- "Eh," dit Gaude, "il y a un revolver."

Entre le pouce et l'index enveloppés, il extirpait de la poche de veston de Souriac un mignon browning, vrai bijou guère plus encombrant dans un sac de dame, que la boîte à poudre ou le vaporisateur à parfum.

- "Ca tue très bien, vous savez !"

Il examina l'arme.

- "Une balle a été tirée. La détonation n'a pas dû faire grand bruit. Un léger claquement de fouet.

- Fichtre !" dit le docteur, "ça se corse !"

Il se rapprocha de la Remington et se pencha avec une sorte de respect comique.


mMo, skrut odeirecgeur, k'ai ... [...]
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On ne voit bien que ce que l'on regarde, et l'on ne regarde que ce que l'on a dans l'esprit.
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Vidéo de Pierre Véry
Goupi-Mains rouges de Pierre Véry (1956 / France Culture). Émission d'André Delferrière. Adaptation du roman de Pierre Véry : Serge Douay. Production : Anita Soler-Delferrière. Réalisation : Ange Gilles. 1ère diffusion le 28 juillet 1956. Photographie : Pierre Véry en 1925. Adaptation radiophonique par La Compagnie Art et Travail du roman de Pierre Véry, qui raconte l'histoire d'une famille charentaise de paysans rusés, les Goupi. Le père Goupi fait revenir son fils de Paris, censé être devenu un homme important et y avoir acquis une bonne situation, avec l'intention de le marier à sa cousine. Mais la jalousie de “Tonkin”, un autre de ses cousins, face à ce nouveau venu de citadin, fera de la nuit de son arrivée une nuit d'agitation et de crimes inexpliqués qui sèmeront la panique et le doute au sein de la famille.
Avec :
Léopold Goupi “Mains rouges” : Constant Rémy “Tonkin” : Robert Murzeau Eugène Goupi “Monsieur” : Jacques Carré “Mes sous” : Albert Gercourt “L'Empereur” : Charles Camus “La Loi” : Julien Lacroix “Dicton” : Henry Prestat Jean des Goupi : Jacques Anquetil Eusèbe : Jacques Sarthou Minain : Jean-Charles Thibault L'instituteur : René Alié L'employé de la gare : Jean Loisel “Doux Jésus” : Anita Soler “Muguet” : Anne-Marie Rochand Marie des Goupi : Régine Serva “Cancan” : Yvonne Villeroy Juliette : Madeleine Lhote Madeleine : Emilienne Laffont
Source : France Culture
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