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EAN : 9782738418951
340 pages
Editions L'Harmattan (03/05/2000)
4.06/5   8 notes
Résumé :
180pages. in12. Broché.
Que lire après Journal d'un poèteVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Journal d'un poète (1867)
Réflexions notées au jour le jour par Vigny de 1824 à 1863. le titre, d'une exactitude discutable nous dit un historiographe n'est pas de lui, mais de son éxécuteur testamentaire, Louis Ratisbonne.
Oui parce que c'est rare !
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L'exercice du "journal " a été fait par presque tous les écrivains avec plus ou moins de succès: ici c'est superbe, reflet historique de la vie de l'auteur avec un interet jamais dementi au cours de la lecture,un rythme constant et un style aérien, bref un régal !
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Citations et extraits (33) Voir plus Ajouter une citation
lundi 6 novembre. — Voir est tout et tout pour moi. Un seul coup d’œil me révèle un pays et je crois deviner sur le visage, une âme. — Aujourd’hui, à onze heures, l’oncle de ma femme, M. le colonel Hamilton Bunbury, m’a présenté à sir Walter Scott qu’il connaissait. Dans un appartement de l’hôtel de Windsor, au second, au fond de la cour, j’ai trouvé l’illustre Écossais. En entrant dans son cabinet, j’ai vu un vieillard tout autre que ne l’ont représenté les portraits vulgaires : sa taille est grande, mince et un peu voûtée ; son épaule droite est un peu penchée vers le côté où il boite ; sa tête a conservé encore quelques cheveux blancs, ses sourcils sont blancs et couvrent deux yeux bleus, petits, fatigués mais très-doux, attendris et humides, annonçant, à mon avis, une sensibilité profonde. Son teint est clair comme celui de la plupart des Anglais, ses joues et son menton sont colorés légèrement. Je cherchai vainement le front d’Homère et le sourire de Rabelais que notre Charles Nodier vit avec son enthousiasme sur le buste de Walter Scott, en Écosse ; son front m’a semblé, au contraire, étroit, et développé seulement au-dessus des sourcils ; sa bouche est arrondie et un peu tombante aux coins. Peut-être est-ce l’impression d’une douleur récente ; cependant, je la crois habituellement mélancolique comme je l’ai trouvée. On l’a peint avec un nez aquilin : il est court, retroussé et gros à l’extrémité. La coupe de son visage et son expression ont un singulier rapport avec le port et l’habitude du corps et des traits du duc de Cadore, et plus encore du maréchal Macdonald, aussi de race écossaise ; mais, plus fatiguée et plus pensive, la tête du page s’incline plus que celle du guerrier.

Lorsque j’ai abordé sir Walter Scott, il était occupé à écrire sur un petit pupitre anglais de bois de citron, enveloppé d’une robe de chambre de soie grise. Le jour tombait de la fenêtre sur ses cheveux blancs. Il s’est levé avec un air très-noble et m’a serré affectueusement la main dans une main que j’ai sentie chaude, mais ridée et un peu tremblante. Prévenu par mon oncle de l’offre que je devais lui faire d’un livre, il l’a reçu avec l’air très-touché et nous a fait signe de nous asseoir.

« On ne voit pas tous les jours un grand homme dans ce temps-ci, lui ai-je dit ; je n’ai connu encore que Bonaparte, Chateaubriand et vous (je me reprochais en secret d’oublier Girodet, mon ami, et d’autres encore, mais je parlais à un étranger). — Je suis honoré, très honoré, m’a-t-il répondu ; je comprends ce que vous me dites, mais je n’y saurais pas répondre en français. » J’ai senti dès lors un mur entre nous. Voyant mon oncle me traduire ses paroles anglaises, il s’est efforcé, en parlant lentement, de m’exprimer ses pensées. — Prenant Cinq-Mars : « Je connais cet événement, c’est une belle époque de votre histoire nationale.» Je l’ai prié de m’en écrire les défauts en lui donnant mon adresse. — « Ne comptez pas sur moi pour critiquer, m’a-t-il dit, mais je sens, je sens ! » Il me serrait la main avec un air paternel : sa main, un peu grasse, tremblait beaucoup ; j’ai pensé que c’était l’impatience de ne pas bien s’exprimer. Mon oncle a cru que ma visite lui avait causé une émotion douce ; Dieu le veuille et que toutes ses heures soient heureuses. Je le crois né sensible et timide. Simple et illustre vieillard ! — Je lui ai demandé s’il reviendrait en France : « Je ne le sais pas, » m’a-t-il dit. L’ambassadeur l’attendait, il allait sortir, je l’ai quitté, non sans l’avoir observé d’un œil fixe tandis qu’il parlait en anglais avec mon oncle.
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Je reviens à l’idée de la deuxième consultation.

Voici la vie humaine.

Je me figure une foule d’hommes, de femmes et d’enfants, saisis dans un sommeil profond. Ils se réveillent emprisonnés. Ils s’accoutument à leur prison et, s’y font de petits jardins. Peu à peu, ils s’aperçoivent qu’on les enlève les uns après les autres pour toujours. Ils ne savent ni pourquoi ils sont en prison, ni où on les conduit après et ils savent qu’ils ne le sauront jamais.

Cependant, il y en a parmi eux qui ne cessent de se quereller pour savoir l’histoire de leur procès, et il y en a qui en inventent les pièces ; d’autres qui racontent ce qu’ils deviennent après la prison, sans le savoir.

Ne sont-ils pas fous ?

Il est certain que le maître de la prison, le gouverneur, nous eût fait savoir, s’il l’eût voulu, et notre procès et notre arrêt.

Puisqu’il ne l’a pas voulu et ne le voudra jamais, contentons-nous de le remercier des logements plus ou moins bons qu’il nous donne, et, puisque nous ne pouvons nous soustraire à la misère commune, ne la rendons pas double par des querelles sans fin. Nous ne sommes pas sûrs de tout savoir au sortir du cachot, mais sûrs de ne rien savoir dedans.
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La deuxième consultation sur le suicide. Elle renfermera tous les genres de suicide et des exemples de toutes leurs causes analysées profondément.

Là, j’émettrai toutes mes idées sur la vie. Elles sont consolantes par le désespoir même.

Il est bon et salutaire de n’avoir aucune espérance.

L’espérance est la plus grande de nos folies. Cela bien compris, tout ce qui arrive d’heureux surprend.

Dans cette prison nommée la vie, d’où nous partons les uns après les autres pour aller à la mort, il ne faut compter sur aucune promenade, ni aucune fleur. Dès lors, le moindre bouquet, la plus petite feuille, réjouit la vue et le cœur, on en sait gré à la puissance qui a permis qu’elle se rencontrât sous vos pas.

Il est vrai que vous ne savez pas pourquoi vous êtes prisonnier et de quoi puni ; mais vous savez à n’en pas douter quelle sera votre peine : souffrance en prison, mort après.

Ne pensez pas au juge, ni au procès que vous ignorerez toujours, mais seulement à remercier le geôlier inconnu qui vous permet souvent des joies dignes du ciel.

Tel est l’aperçu de l’ordonnance qui terminera la deuxième consultation du Docteur noir.[6]
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Tous les utopistes, sans exception, ont eu la vue trop basse et ont manqué d'esprit de prévision.
Après être arrivés à construire bien péniblement leur triste société d'utopie, de république, de communauté, et leur paradis terrestre organisé comme une mécanique dont chacun est un ressort, s'ils avaient fait un second tour d'imagination, ils auraient vu qu'en retranchant le désir et la lutte, il n'y a plus qu'ennui dans la vie.
La torpeur mènerait infailliblement chacun de ces bienheureux au sommeil perpétuel des idiots ou des animaux, au suicide.
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LE PORT

Une ancre sur le sable, un cordage fragile
Te retiennent au port et pourtant, beau vaisseau,
Deux fois l’onde en fuyant te laisse sur l’argile,
Et deux fois, ranimé, tu flottes plus agile
Chaque jour au retour de l’eau !

Comme toi, l’homme en vain fuit, se cache ou s’exile
La vie encor souvent le trouble au fond du port,
L’élève, puis l’abaisse, ou rebelle ou docile ;
Car la force n’est rien, car il n’est point d’asile
Contre l’onde et contre le sort.
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Vidéo de Alfred de Vigny
*RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE* : Alfred de Vigny, _Journal d'un poëte,_ recueilli et publié par Louis Ratisbonne, Paris, Michel Lévy frères, 1867, 310 p.
#AlfredDeVigny #JournalDUnPoëte #LittératureFrançaise #XIXeSiècle
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