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2,64

sur 39 notes

Je tiens tout d'abord à remercier les Éditions du sous-sol et Babelio pour l'envoi de cet ouvrage dans le cadre d'une opération masse critique privilégiée.

L'auteur, Manuel Vilas, qui avec son "Ordesa" avait remporté en 2018 le Prix Femina étranger, tombe avec ce roman à nouveau dans les prix : notamment le "Premio Nadal de Novela" 2023 ou le plus ancien prix littéraire espagnol, pour la première fois décerné en 1944 à Carmen Laforet pour son magnifique roman "Nada".

À mon avis, ce prix est bien mérité pour la beauté de la langue et du style, mais l'histoire elle-même m'a dans le fond déçu.

En effet, la langue de Manuel Vilas est riche et précise, tout en étant fort poétique et l'auteur a, en plus, le don de saisir une réalité complexe par une formulation succincte qui fait penser à la maestria d'un Oscar Wilde dans cet art spécifique. Une caractéristique littéraire qui permet de distiller de jolies citations. Telle celle que j'ai envoyée à notre site de lecteurs hier à propos de l'amour qui "rend la laideur et la méchanceté du monde invisibles".

La version française a, en outre, bénéficié de l'élégante traduction par Isabelle Gugnon, la grande spécialiste de la littérature argentine.

Le thème central du livre est le deuil et la solitude qui suivent le décès de l'être adoré et comment reprendre goût à la vie.

Ainsi, Irene, l'héroïne du récit, perd au bout de vingt ans d'une relation très heureuse son époux bien-aimé, Marcelo ou Marce, au cancer. Arrivée à la cinquantaine, cette perte la laisse, bien entendu, totalement désemparé.
Dans son désarroi, elle vend son bel appartement au centre de Madrid, liquide le florissant commerce de meubles de son mari et, à la tête d'une solide fortune, part à Malaga, où elle loue une super BMW 840 décapotable pour faire le tour de la Méditerranée.

À Malaga, Irene a une brève relation sexuelle avec le beau Julio, rencontré par hasard, et c'est à partir de ses considérations à la suite de cette courte affaire et surtout sa comparaison entre ses sentiments pour cet homme et le grand amour pour feu Marcelo que l'histoire a commencé à me paraître moins convaincante et donc à me décevoir.

Il se trouve qu'en avril 2003, j'ai vécu un drame similaire avec la mort de mon épouse d'un cancer du sang à l'âge de 46 ans, et que mon expérience personnelle a probablement influencé négativement mon jugement du roman.

Les multiples renvois littéraires et poétiques donnent à ce livre cependant un charme particulier et certain.
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"Femme fatale" chantait Nico.
Irène, la cinquantaine conquérante, vient de perdre son époux Marcelo des suites d'une longue maladie. Persuadée de le revoir au moment d'atteindre l'orgasme ( ! ), elle multiplie les liaisons dans des hôtels luxueux au gré d'une virée le long de la Méditerranée, de l'Espagne à l'Italie. Et tous, amants et amantes, succombent aussitôt à sa beauté et tombent fébrilement amoureux. Mais elle n'en a cure, et entre deux rencontres, elle se remémore l'amour exclusif et fusionnel qui la liait à Marcelo. Toutefois, quelque chose finit par clocher dans ses souvenirs excessifs.

Histoire tordue, amour vicié, c'est un roman qui met mal à l'aise. Dès le début, j'ai détesté Irène, cette femme exigeante, sûre de son pouvoir de séduction, férue de poésie, et usant de ses parfums comme de poisons pour ensorceler ses proies. J'ai détesté son goût ostentatoire du luxe, son mépris arrogant du commun, et sa conviction d'avoir vécu un amour unique au monde. D'ailleurs, sa description de cet amour outrancier fait plutôt froid dans le dos, dès lors qu'elle y intègre des éléments très dérangeants qui le font glisser peu à peu dans le sordide ; au point que j'ai songé à abandonner ma lecture -mais bien m'en a pris de la poursuivre, car la fin éclaire admirablement cette étrange histoire.
J'ai également été bousculée par le style de Manuel Vilas, très racé, passant avec une confusion maîtrisée du "je" au "elle". Cette écriture nécessite une attention accrue, mais l'exercice finit par devenir agréable. En outre, le récit est impeccablement structuré.

C'est donc un roman perturbant, tant dans la forme que sur le fond, imprégné de folie contrôlée, et qui ne peut laisser indifférent.
Un grand merci à Babelio et aux Editions du sous-sol pour son envoi.
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Merci à Nathan, à Babelio et aux éditions du Sous-Sol (Seuil) pour l'envoi de ce roman dans le cadre d'une masse critique.

Qualifiée « d'ange » dans un très bref prologue, Irene, 50 ans, vient de perdre son mari, Marcelo (Marce), emporté par un cancer. Manuel Vilas nous présente son personnage féminin comme une irrésistible beauté qui tente de retrouver son grand amour. Irene bénéficie d'une situation matérielle plus que confortable : en plus de la « somme colossale » que Marcelo lui a laissée, elle a vendu leur magasin de meubles aux employés et s'est aussi débarrassée du plus grand de leurs deux appartements. Elle possède donc une petite fortune qui ne la satisfait évidemment pas : à quoi bon tout cet argent si Marcelo n'est plus là. Irene collectionne les aventures avec des hommes et des femmes, mais en revient toujours à son mariage idéal, à l'amour fou qu'elle et Marcelo se portaient, un amour sans limite et sans nuages, assurément idéalisés, comprend le lecteur, par une Irene inconsolable de son deuil et écrasée sous le poids de la solitude et de l'absence. Étrangement, Irene « voit » Marcelo quand elle jouit, vision ou apparition campée dans un décor très particulier…
***
Je me suis sentie décontenancée par ce roman. L'écriture m'a semblé très irrégulière : par moment, l'auteur gratifie son lecteur d'un style original, d'aphorismes poétiques, magnifiques, d'un vocabulaire riche et recherché, alors que dans certains passages, on tombe dans la banalité, le lieu commun, voire la pauvreté. J'avoue avoir été exaspérée par la prééminence de l'apparence physique, l'insistance sur le luxe, la profusion de marques plus nombreuses que chez une influenceuse. Irene fait une fixation sur les montres, au point de juger les gens sur le prix de celle qu'ils portent, sur les hôtels de luxe, les repas de luxe, les voitures de luxe, les parfums de luxe, etc. Les allers-retours entre présent et passé, sans Marcelo et avec Marcelo, m'ont vite lassée, ainsi que les passages érotiques, au point d'avoir lu, vers le milieu du roman, une cinquantaine de pages en diagonale. Les retours vers l'enfance se révèlent plus puissants à mon avis. J'ai trouvé la fin du roman habile, mais assez attendue : de nombreux thrillers emploient de semblables artifices. Un vrai régal pourtant par moments, entre autres les passages sur la Méditerranée, sur Fellini, sur la poésie De Quevedo, ainsi que quelques moments partagés avec Marcelo, fantasmés ou non, peu importe. Ce roman a reçu le prestigieux prix Nadal en Espagne.
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Estimado señor Vilas,

Comment vous décrire toute ma déception en tant que lecteur ?
Car après avoir été touché par la grâce d'un de vos précédents ouvrages, parfois jusqu'aux larmes – votre «Ordesa», petit bijou d'intelligence émotionnelle, empreint de poésie naturelle, spontanée, exercice d'une grande délicatesse qui tout en évitant le piège d'un rayon qui personnellement m'insupporte au plus haut point, celui de «l'auto-support», élève, sans mièvrerie, comme en un écho à l'épigraphe que vous lui aviez choisie (extraite de la magnifique chanson de Violeta Parra, «Gracias à la Vida»), une ode à la vie et une invitation à pratiquer une forme de «mystique» païenne imprégnée de gratitude et d'amour inconditionnels- , comment concevoir, donc, en refermant votre dernier opus, «Irene», à mes yeux, pardonnez-moi, sans aucun intérêt, d'une grande vacuité, d'une facture littéraire globalement, comment dire…pas du tout à niveau, ou en tout cas pas de votre niveau à vous, comment imaginer qu'il puisse s'agir du même auteur ??
Je suis peut-être très, trop sévère, je le sais. «Qui aime bien , châtie bien», dit-on en français ! (Il doit certainement exister une formule équivalente en espagnol).
Je n'y peux rien, estimado señor, malgré toute ma bonne volonté, à aucun moment votre roman ne m'aura emporté nulle part ailleurs que dans une profonde incompréhension. Et la lecture, plus qu'ennuyeuse, m'aura été, jusqu'au bout, pénible.
Et pourtant, ça promettait : la photo de la plus-que-sublime Anouk Aimée – inoubliable Lola, de Jacques Demy ; la «Femme» chez Lelouch ; sulfureuse Maddalenna de «La Dolce Vita»… - sur la couverture de la traduction française, offrant d'entrée de jeu au lecteur que je suis à la fois une magnifique imagerie fantasmatique et une enveloppe corporelle taillée sur mesure à votre personnage central, Irene, et puis votre note d'introduction la présentant comme une incarnation (qui me ferait immédiatement penser aussi au chef-d'oeuvre de Wim Wenders, «Les Ailes du Désir») de «ces anges qui existent peut-être discrètement», «hommes et femmes qui traverseraient notre monde sans d'autres objectifs que l'amour».
O Caritas ! Nobis semper sit amor !

Hélas, Irene se révèlerait rapidement n'être qu'un personnage «de papier», dépourvu de toute épaisseur, factice, qui ne me suscitera rien, aucun sentiment de ma part, ni empathie, ni séduction, ni compassion, ni quoi que ce soit d'autre...!

Et pourquoi pas, avais-je pourtant essayé de me rassurer dans un tout premier temps de ma lecture, persuadé que je suis qu'on peut transformer n'importe quel matériau, une liste de courses, un rapport de réunion de copropriété ou tout autre chose, en un texte beau, ou original, ou intéressant, et qu'à défaut d'une suspension naturelle de l'incrédulité, un guide chevronné, un pilote à bord du récit, un marionnettiste visible et habile comme dans le bunkaru japonais peuvent parfois très bien faire l'affaire !!
Je me suis alors mis à vous chercher, señor Vilas.. En vain !
Bien que vous y ayez ajouté un narrateur à la troisième personne et que, dès lors, ce soit légitime, n'est-ce pas, qu'on s'attende à un minimum d'omniscience, ou d'un recul plus ou moins implicite par rapport aux évènements, ce dernier a cependant l'air de ne jamais décoller d'un pouce du plancher des vaches, semble adhérer systématiquement et surtout prendre très au sérieux toutes les frasques et sornettes que votre personnage enchaîne dans une surenchère de plus en plus flagrante..,À un tel point que, désorienté, ne sachant plus à quel saint me vouer, ni à partir de quel degré prendre les choses (sérieux ? pas sérieux ?), l'idée absurde traverserait un moment mon esprit (déjà bien entamé lui aussi) que peut-être le «x» résiderait justement dans une éventuelle «mise en abyme», une confusion volontaire que vous chercheriez à provoquer chez le lecteur, entre la place et le rôle de chacun, et que, grâce à un retournement des choses que vous réserviez pour plus tard, tout finirait par rentrer dans l'ordre…
Bref, que vous auriez peut-être concocté une parodie qui ni dit pas, tout de suite, son nom, une vraie fausse-satire de la perte de repères, de la déréliction et de la vacuité qui nous menace aujourd'hui, et de l'inutilité de la littérature aussi, etc., etc…Sornettes!

En attendant, pendant plus de deux tiers de votre livre, mis à part, je reconnais, quelques rares perles faisant toujours foi de votre potentiel poétique, mais que j'aurais personnellement du mal à isoler au milieu du redoutable vivarium d'inepties débitées par Irene, je devrais me faire violence et avaler donc une quantité phénoménale de couleuvres lâchées au bord de la Méditerranée, au cours de ce qui se présente comme une sorte de «road-trip» (ou plutôt «road-strip» d'ailleurs, vu le nombre de fois où la coquine se fout à poil !!) de veuve inconsolée, fuyant un deuil impossible. D'hôtel de luxe en palace cinq étoiles, de la côte espagnole jusqu'en Italie, en passant par Sète ou Nice, le même schéma se répète à chaque fois : Irene drague, pas la mer, non, mais des hommes et des femmes qu'elle croise au hasard et qu'elle va consommer sur le pouce, exclusivement afin de pouvoir faire apparaître quelques instants, pendant l'acte et au moment même de son orgasme, l'image de son mari défunt «en haut d'une échelle et entouré de flammes»!!! Voyons, tout de même..!

Une chose au moins on ne peut pas vous refusez : vous prouvez d'une fois pour toutes que les anges ont bien un sexe et savent, en plus, parfaitement s'en servir !

En revanche, pour ce qui est d'une cervelle, il faudra peut-être repasser…Votre Irene, j'avoue, m'a profondément énervé avec sa superficialité et ses caprices de femme-enfant, avec son goût de produits de luxe, de voitures de haut standing, son obsession pour les montres en or et les grands parfums, cités à tout-va. Diable, me dis-je, elle aurait mieux fait de tenir un de ces blogs qui font sensation en ce moment, au lieu de nous embêter avec tout ça pendant deux cents pages : «Irene Situations » !

Et puis, sincèrement, comment s'émouvoir d'autre part des souvenirs qu'elle égrène au fur et à mesure de ce bonheur conjugal perdu qu'elle veut à tout prix rattraper, parfaitement bébête et égoïste, aussi peu consistant et superficiel que tout le reste, surdimensionné et étalé surtout en larges couches de mots vides et galvaudés, au point de vous en donner la nausée ?

D'une station balnéaire à l'autre, donc, d'Espagne jusqu'en Italie, en passant par le midi de la France, d'homme en homme, parfois des femmes, on finit par se douter bien que ce n'est pas possible, qu'il faudra bien arrêter tout ça à un moment ou à un autre, que vous ne voudrez tout de même pas faire éternellement durer cette ritournelle, en boucle, telle la chanson de Brel, «Les Remparts de Varsovie» : « Madame promène son c… etc.,etc.» !!

Et boum, voilà que subitement tombe le rideau !
Mais alors, señor Vilas, quelle déception encore plus importante, celle de vous voir vous en sortir par l'un des clichés les plus rabâchés de toute l'histoire de la littérature !
Un dénouement, soi-disant inattendu (mais qu'on aura revu des centaines de fois depuis le temps !), dépourvu toujours de toute mise en perspective et ne répondant, en ce qui me concerne, à absolument aucune de mes interrogations précédentes. Et qui plus est, sincèrement, ne changeant rien sur le fond à cette histoire absolument farfelue et inintéressante, ni pour moi, ni d'ailleurs pour Irene..!
Je ne pourrai malheureusement pas vous en parler plus en détail de ce que je pense de cette fin, dans la mesure où, je dois vous l'avouer – tout en espérant que vous n'allez pas trop m'en vouloir - , je m'étais en même temps engagé à publier cette lettre ouverte sur un site de lecteurs en France, et que, par respect à d'autres potentiels lecteurs de votre livre, je ne souhaite surtout pas «divulgâcher» l'histoire…

Avant de terminer cette lettre, sachez néanmoins, estimado señor, que je garde malgré tout «Alegria», la suite que vous aviez donné à «Ordesa », dans ma liste de lectures à venir !
Et que de toute façon, ma déception et cet avis personnel, très négatif, n'auront sans doute aucune incidence importante, n'est-ce pas, sur l'avenir et le succès de votre livre, qui par ailleurs vous a déjà valu un prix, le prix Nadal de « meilleur roman espagnol » de l'année !!

Ça, c'est de la réalité..!!

Je vous laisse, sinon, et je vais essayer de me calmer. D'ailleurs, j'entends frapper à la porte de ma chambre. C'est certainement l'infirmière.

Bien à vous !

……

(Je tiens malgré tout à remercier vivement Babelio et les Éditions du Sous-Sol pour l'envoi de ce roman dans le cadre d'une opération «Masse critique privilégiée», même si, comme il sera aisé de le constater, malheureusement pour moi, cela se terminerait en un désagréable «coup de massue» !)


….
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Tout d'abord tous mes remerciements à Masse Critique pour l'envoi de « Irene ».
Cette femme est veuve. Elle a vécu vingt années d'amour avec Marcelo, celui qui était son patron dans un magasin de meubles de Madrid, et avec qui elle a connu un coup de foudre réciproque.

Depuis Irene a décidé de ressusciter l'image de « Marce » dans les bras d'hommes (ou de femmes) qu'elle rencontre dans les chambres d'hôtel qui jalonnent son périple : Julio, Horacio, Sanfeliu, Duval, Guido.... Et au moment de l'orgasme, le charme opère : elle aperçoit le fantôme de son mari disparu qui lui fait signe.

Un compte en banque bien rempli grâce à l'activité de vente de meubles, un intérêt manifeste pour les montres portées par ses amants d'un jour, en souvenir des montres offertes à Marcelo, et un sonnet De Quevedo comme fil conducteur de ses aventures, tels sont les ingrédients du roman de Manuel Vilas.

L'auteur espagnol nous conte la passion amoureuse d'Irene et de Marcel, un amour absolu et unique pensent-ils comme tous ces amoureux qui se croient seuls au monde. Mais le final, après une ultime nuit d'amour avec une femme, laissera le lecteur au mieux surpris, au pire perplexe face à un rebondissement inattendu.

Je suis désolée mais je suis restée totalement en dehors de l'histoire d'Irene la belle veuve madrilène.

On songe un instant à « Les Amants du Lutetia » pour cette passion dévorante qui unie le couple richissime en excluant les autres, mais avec une fille en moins par rapport à l'histoire d'Emilie Frêche. Mais cette même passion pour le luxe, les parfums, les montres et l'apparence m'a profondément ennuyée pour être honnête.

Un style fait de petites phrases courtes, des paragraphes répétitifs et un surcroit de questions, censément en provenance du cerveau d'Irene ne m'ont pas convaincu et donné envie d'en savoir plus.

Je continuerai à lire Javier Cercas, Juan Marsé, Rosa Montero, et bien sûr Javier Marias et Antonio Munoz Molina par goût pour ces auteurs espagnols qui me séduisent tant, mais je ne pense poursuivre au-delà la découverte de Manuel Vilas – le thème du couple restant un infini mystère que la littérature n'est pas près d'épuiser.
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Irene, qui formait avec son mari Marce un couple inséparable depuis une vingtaine d'années, vient de le perdre et traverse une intense période de deuil. Elle vend ses biens immobiliers, ainsi que le magasin de meubles de son époux et dotée ainsi d'une importante somme d'argent, elle quitte, désoeuvrée, le centre ville de Madrid, loue une luxueuse voiture et entreprend un voyage sur la côte méditerranéenne, en faisant des étapes dans des paradors et des hôtels prestigieux.
Lors de ces séjours, elle se met en quête d'hommes et de femmes à qui elle propose des rapports sexuels dont l'aboutissement lui permet d'entrer en communion avec son défunt mari, visualisé subrepticement en haut d'un escalier avant de disparaître dans les flammes. Elle lui offre ses amants sur l'échafaud de son corps afin qu'il lui rende visite.
Irene fait des retours sur sa vie avec Marce. Elle se souvient qu'ils entretenaient une relation totalement fusionnelle et exclusive, ne vivant que l'un pour l'autre, et excluant tout contact familial ou social. Ils se vouaient une passion réciproque hors norme et n'envisageaient pas d'avoir des enfants.
Elle admet qu'elle s'aimait à travers Marce, au point que cela pouvait se retourner contre elle.
Elle poursuit des réflexions sur le temps, sur le passé, est obnubilée par les montres, les montres hors de prix qu'elle porte et celles, moins onéreuses, de ses amants.
Elle dit révérer les morts, non pour eux-mêmes, mais pour elle, pour la part d'identité qu'ils contiennent.
Le passé est le temps de l'invention et Irene reconnait qu'elle s'invente un passé, qu'elle se construit une vie mentale parallèle qui n'est pas réelle. "Irene et la réalité".
Petit à petit le monde d'Irene s'effrite, des indices sont glissés çà et là, des failles surgissent dans le récit, et sa déambulation prend des allures de thriller.
Que cache cette poursuite effrénée ? Quels sont les secrets d'Irene ? Sur quoi repose le délire cosmique qui s'empare d'elle face à la Méditerranée ?
Comment expliquer cet amour éperdu et une telle déconnexion, aux autres, à la civilisation qui est perçue comme une chimère ?
Livre étrange, savamment construit, Irene laisse une sensation de malaise, à la hauteur de celui de son héroïne. Manuel Vilas a voulu y mettre beaucoup de choses, peut-être trop. Il me faudra un peu de temps pour savoir si je lui donne quatre étoiles.
Je n'ai pas retrouvé la vive émotion qui m'avait serré le coeur à la lecture de ses deux autofictions, Ordesa et Alegria, mélanges d'humanité, d'honnêteté et d'humour. Ici, plus de distance, de construction intellectuelle et de désarroi.
Je remercie vivement Babelio et les Editions du sous-sol pour cette masse critique privilégiée.


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De Manuel Vilas, qui m'avait impressionné avec « Ordesa », je pressentais que cet « Irene », qui m'a été proposé dans le cadre d'une Masse Critique, ne serait pas non plus ordinaire. Et, malgré des difficultés de lecture indéniables, je ne peux que reconnaître une fois encore son grand talent.

Un roman qui tourne autour d'un sonnet de Francisco de Quevedo, « Amor constante más allá de la muerte » (Constance de l'amour au-delà de la mort), voilà qui n'est pas banal… Ce poème, dont la traduction de Claude Esteban est incluse en intégralité, est particulièrement difficile à cerner du fait de sa construction extrêmement alambiquée.

Ces doutes sur la signification de ces vers, ses favoris, résonnent dans l'esprit d'Irene, qui ne peut faire le deuil de son grand amour Marce(elo). Elle mène une vie oisive, suffisamment riche pour aller de paradores en hôtels de luxe à travers le littoral méditerranéen. Elle y séduit de parfaits inconnus, hommes et femmes, pour une unique nuit de sexe en mémoire de son mari.

Si on en croit ses pensées, et ses dialogues mentaux avec Marce, leur merveilleuse vie de couple a duré vingt ans de pur bonheur. Devant ces tableaux, souvent dignes d'une publicité pour des produits de luxe, qui sont abondamment (trop) cités, j'ai éprouvé pourtant un doute de plus en plus envahissant sur la réalité de ces pensées, d'autant plus que des indices donnent à supposer qu'Irene ne dit pas tout…

De mon point de vue ce n'est pas roman plaisant à lire. de nombreuses redites ou bifurcations rendent son abord labyrinthique. Et le personnage d'Irene n'est pas de ceux auxquels on peut s'identifier. Restent des citations abondantes, qui font mouche, et un merveilleux sens des paysages méditerranéens.

Je remercie les éditions du sous-sol et Babelio qui m'ont fait parvenir ce livre.
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Irene fuit Madrid et la perte de Marcello, son seul amour, terrassé par la maladie. Forte de l'argent issu de diverses ventes de biens leur appartenant, d'hôtel en hôtel, en bord de Méditerranée, d'amant.e éploré.e en amant.e éploré.e d'un soir, aux montres et parfums comme seuls attraits, dont elle espère un orgasme, seule façon pour elle de voir apparaître, dans un escalier de lumière, son Marce, Irene cherche à redonner un sens à son existence, en courant après son amour brutalement perdu, éperdument, inlassablement, au point de mener son lecteur avec elle dans un tourbillon de monotonie qui la tient, quant à elle, en vie, jusqu'à ce que...

Certes, la monotonie est prégnante dans ce roman, et elle nous gagne, effectivement, progressivement, jusqu'au retournement qui nous attrape dans les cent dernières pages et donne lieu à un autre dénouement que celui attendu. Certes, ce retournement n'est pas des plus originaux, mais il fonctionne plutôt bien, et permet, par lecture rétroactive, de comprendre au mieux Irene, ses obsessions, ses routines, ses réflexions et pensées, les retours en arrière sur son passé, de plus en plus omniprésents.

Malgré tout, même si je comprends bien les raisons pour lesquelles Manuel Vilas a construit son roman de cette manière, je n'y ai pas pleinement adhéré, ayant eu du mal à entrer dans l'intrigue et à m'intéresser à l'histoire d'Irene, bien que cet intérêt soit venu plus tardivement, en réalisant justement que ce désintérêt était narrativement rendu délibéré pour donner plus de poids au retournement de l'intrigue.

Je remercie les Editions du Sous-Sol et Babelio pour la découverte et de ce roman, et de son auteur.
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Merci à Babelio pour l'envoi de ce livre en Masse critique, que j'ai malheureusement fini par abandonner après une centaine de pages…

Une fois n'est donc pas coutume, l'inspiration me manque pour en rédiger un avis quelque peu recherché.

L'auteur est a priori connu et reconnu (récompensé du prix Femina du meilleur roman étranger 2019, avec Ordesa).

L'histoire d'Irène aurait du être celle d'un présent intense, d'un beau et mélancolique voyage dans le passé - à célébrer la mémoire de son amour perdu - ou dans le futur - à s'abreuver d'amants de passage et à rêver à une jeunesse qui n'est plu, quelques pas amoureux sur un tango lancinant à mener une dolce vita aux quatre coins de l'Europe…

Mais la sauce n'aura pas pris sur moi, le Campari soda que je m'apprêtais à siroter tout au long de ce périple méditerranéen d'une femme amoureuse m'aura laissé une amertume trop persistante en bouche…
Trop de répétitions, l'impression d'écouter cette femme ressasser ses souvenirs de jeunesse auprès de l'homme de sa vie.
Se rendre finalement compte, après une centaine de pages, qu'il ne se passe rien, que l'Alfa Romeo qui devait nous emporter cheveux au vent affiche toujours zéro au compteur, couper alors le moteur, un peu déçu. Faire ensuite le constat que beaucoup d'autres critiques se rejoignent et se dire qu'on a sans doute bien fait de passer à autre chose…
Dommage…
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Merci à Masse critique privilégiée et aux éditions du Sous-sol pour l'envoi de ce roman qui a provoqué chez moi des ressentis contradictoires entre ce que j'ai aimé et ce qui m'a rebutée.

Irène , la cinquantaine séduisante, vient de perdre Marcelo son mari victime d'un cancer. le deuil est terrible tant le couple s'était enfermé dans un amour hiératique, élevé au rang de mythe. Il y a quelque chose de Belle du Seigneur dans cette histoire de passion amoureuse, un peu d'Ariane chez Irène.
Après vingt ans de vie commune, le désir ne s'est jamais émoussé ni chez l'un ni chez l'autre et le couple jouissait d'un bonheur absolu.
"Sans lui, elle est perdue. Ils se sont tant aimés. Il n'y avait pas d'équivalent. Ils ne voyaient plus personne. Leur union leur suffisait."

Sur les traces de leur passé commun, elle quitte Madrid dans un cabriolet BMW pour rencontrer des partenaires sexuels dans des hôtels de luxe au bord de la Méditerranée. En effet, à chaque fois qu'elle atteint l'orgasme, elle voit apparaître Marce en haut d'un escalier qui lui sourit avant de s'évanouir dans les flammes. C'est donc pour le retrouver qu'elle collectionne amants et amantes de passage, sans jamais s'attacher.

En opposition avec l'univers du luxe et l'exigence de beauté qui anime l'héroïne, l'esprit kitsch de cette résurrection m'a beaucoup amusée, tout comme le décalage entre la vie d'esthéte décrite par Irène et la profession du couple. Tous deux possèdent un magasin de meubles, ironiquement appelé "Meubles pour tous" et se montrent passionnés par ce commerce, surtout Marcelo qui dans sa haine d'Ikea, exhortait ses clients à choisir ses meubles " pour faire en sorte que l'amour d'autrui se change en matière, en bois si possible des essences nobles et non des succédanés inhospitaliers, plastifiés, ignobles."

Si j'ai aimé ces dissonnances, j'ai aussi apprécié la construction du récit qui révèle des contradictions de plus en plus flagrantes dans le récit d'Irène à mesure que se déroule la narration. Peu à peu la perfection se fissure, des abîmes de noirceur se découvrent et le récit de l'amour jusqu'à la mort vacille. Même s'il est sans grande surprise, le coup de théâtre final va obliger le lecteur à reconsidérer tout ce qu'il a appris d'elle.

Certains romans semblent trop courts et on aurait aimé que l'auteur en dise davantage. D'autres naissent d'une idée intéressante et tournent en boucle sur cette seule idée. le roman de Manuel Vilas aurait pu être une excellente nouvelle mais se révèle un roman décevant, monotone et répétitif.
Ainsi l'usage de la répétition, lorsqu'elle est stylistique, peut donner une poésie certaine à l'écriture. Mais lorsqu'elle est narrative, elle devient rapidement lourde et gratuite. La tendance de l'auteur à utiliser cette technique donne au récit une pesanteur et un manque d'authenticité qui nuit à la fluidité du monologue d'Irène.

Par ailleurs le langage qui se veut poétique et qui multiplie les références et les citations de poètes, m'a souvent semblé plat et vaguement mièvre ( " Si le bâteau avait transporté des fleurs et non de l'artillerie, il n'aurait pas coulé." ).
Les comparaisons entre les vers cités et le style de Vilas penchent plutôt en sa défaveur tant ses phrases sont généralement courtes et saccadées.

Enfin, l'éloge de la richesse est totalement insupportable et ne peut se justifier uniquement dans le personnage d'Irène. On perçoit chez l'auteur une célébration infantile des hôtels de luxe, des lits queen size et des grosses cylindrées.
Ses personnages justifient ainsi leurs modes de vie : "Le luxe symbolise avant tout le désir d'une vie plus intense, ce qui lui semblait légitime."
Les clichés se multiplient, diffusant l'idée que la beauté, la passion et les grands sentiments ne peuvent se vivre que dans l'opulence.
L'attachement aux biens matériels, symbolisé par l'amour des montres de marque, se décline dans un placement de produits qui n'a rien à voir avec la démarche parodique de Bret Easton Ellis.
L'auteur va jusqu'à prêter une intention politique héroïque à celle qui se révolte contre un ordre établi bien trop populaire par son refus d'emprunter un taxi bas de gamme. Et son premier amant qui lui conseille de suivre l'exemple d'Aristote Onassis et autres puissants de ce monde pour atteindre l'excellence, signifie également que la beauté est réservée à ceux qui ont de l'argent.
Avec cette même naïveté bourgeoise, il semble suggérer que le plaisir et la joie nécessitent un environnement luxueux pour se développer.

En condensant l'histoire d'Irène sous forme de nouvelle, l'auteur aurait peut-être pu éviter répétitions et clichés fâcheux pour donner plus de sens à l'histoire d'une femme qui réinvente sa vie.

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